Chapitre 6

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Écrit en écoutant notamment : Jaëss - Trois Nuits [Hard Dance]

Ils se regardèrent longuement, Rémi qui attendait qu’on lui dise la vérité, Félix et Julian qui semblaient bien démunis quant à ce qu’ils eussent pu omettre d’aussi important pour que leur ami se montrât tellement inquisiteur.

Sous l’œil inquiet de Félix, Julian commença à bégayer une explication.

— Je… je croyais que tu… que c’était…

— Que je ? Que c’était quoi ? répliqua Rémi.

— Attends mais on ne s’est pas trompés ? C’est bien demain ton anniversaire ?

Rémi sortit le cou en avant, ne s’attendant pas à un coup pareil.

— Bah ouais évidemment ! Vous ne vous souvenez pas qu’on avait prévu de fêter ça demain ?

— Euh si… si.

— Non mais arrêtez sérieusement ! Vous n’avez pas quelque chose de plus personnel à me dire ? Vous savez, je m’en fous hein, vous êtes mes amis !

— Pas vraiment… répondirent les deux.

— Vous me soûlez ! Puisque vous ne voulez pas l'avouer, je vais le faire moi-même. Pourquoi vous ne m’avez pas dit que vous sortez ensemble ?

— Mais c’est totalement faux ! s’insurgea Julian. Ce n’est pas parce que tu ne m’as jamais vu avec une meuf que je devrais sortir avec Félix ! D’où viennent ces idées ? Et puis c’est pareil pour lui, n’est-ce pas ?

— Euh… oui, t’as tout dit, Julian.

Rémi, qui détestait être pris pour un idiot, fixa dangereusement Félix :

— Tu mens ! Je sais très bien que t’es gay !

Félix sembla réfléchir quelques instants. Il se mordit la lèvre et fit craquer ses doigts avant d’annoncer sereinement :

— C’est vrai, tu as raison, Rémi. Je ne savais pas trop quand ni comment vous le dire pour que cela semble à la fois spontané et sérieux. Par contre, première remarque, je ne sors pas avec Julian. Désolé mec, tu n’es pas à mon goût, dit-il au beau jeune homme avec un petit sourire. Deuxième remarque, je souhaiterais bien savoir comment tu l’as su, Rémi.

Rémi était sur le point de dévoiler ce qu’il avait vu deux nuits auparavant, mais face à un Julian déjà très surpris, il comprenait qu’il avait très probablement fait une grossière erreur d’interprétation, et préféra calmer la situation en prenant ses responsabilités :

— Félix, je suis sincèrement désolé d’avoir regardé ton téléphone… tenta-t-il. Mais j’avais trop de doutes…

— Bon… faute avouée à demi pardonnée, comme on dit. Je pense même que je pourrais totalement te le pardonner, parce que finalement, vous connaissez maintenant cette partie de moi, et je pense qu’il était temps. Vous comprenez que ce n’est pas super facile, hein ? Vous êtes les premiers à le savoir, après ma grande sœur !

Côme choisit le moment ou Rémi et Julian prirent successivement leur ami dans les bras pour arriver.

— Euh, qu’ai-je raté de si important ?

Devant le malaise qui s’installa, Félix prit les devants :

— Je t’expliquerai tout à l’heure. Allez, maintenant on sort les vélos !

Ils démarrèrent ainsi peu avant midi, et empruntèrent une petite route côtière de terre battue qui devait les mener vers leur premier objectif du jour. Rémi pédalait avec entrain : il avait retrouvé une certaine jovialité, et faisait régulièrement des clins d’œil à Félix sous le regard curieux de Côme.

Le fort auquel ils arrivèrent rapidement, et qui faisait face à une mer claire mais agitée, était une excellente occasion de réaliser un shooting photo. Rémi escalada un des pans de la bâtisse au détriment des panneaux qui l’interdisaient, et leva les bras au ciel lorsqu’il atteignit la dalle en pierre qui culminait à une petite dizaine de mètres. Ses amis, qui restèrent prudemment en bas, le prirent sous toute les coutures, tantôt en tailleur, mimant une position de moine bouddhiste, tantôt en reproduisant les célébrations de ses footballeurs préférés.

Sur la suite du parcours, Rémi, qui caracolait cinquante mètres devant, fut rattrapé par Félix :

— Bon, sérieusement, j’aimerais bien savoir comment tu l’as su.

— Mais je t’ai dit…

— Non non, réellement, il n’y avait rien à voir sur mon téléphone !

Rémi baissa la tête, ne voulant pas mentir une fois de plus alors que son ami avait finalement eu le courage de leur dire qu’il aimait les garçons :

— Mais je n’y pouvais rien, je n’ai pas fait exprès d’être réveillé pile au mauvais moment…

— Je m’en doutais… Mais c’est compliqué avec Julian, lui n’a pas l’air d’être certain de ce qu’il veut. Parfois, il me semble apercevoir quelques signes, mais enfin, je ne veux pas trop m’avancer.

— Ah ! Mais donc je ne me faisais pas non plus des films à cent pourcents ! Cela lui arrive quand même régulièrement de te sourire de manière ambigüe. Et puis certains regards laissent parfois à penser que…

— Vraiment ?

— Je ne voudrais pas trop te donner d’espoir, mais pour moi il y a peut-être quelque chose. Par contre, promets-moi que si vous finissez ensemble, on continuera à se voir comme avant !

— Il n’y a pas de raison que ça change, je te le dis !

Rémi insulta gentiment Félix lorsqu’il faillit partir dans le fossé sous l’effet de la bourrade de ce dernier, avant d'interrompre leur conversation lorsque Julian et Côme furent de nouveau à leur hauteur. Ils s’enfonçaient maintenant dans des routes de forêt humides un peu moins conviviales que le sentier côtier. Il faisait nettement plus sombre, et un grondement orageux diffus se faisait entendre. Ils ne traînèrent pas pour quitter la forêt, puis franchirent la crête du barrage qui retenait une immense nappe d’un bleu sombre, avant d’arriver dans un petit village aux maisons de pierre claire. Côme posa pied à terre lorsqu’ils arrivèrent sur la place centrale, au pied d’une abbaye dont une pancarte indiquait qu’elle datait du douzième siècle.

— Attendez, on va prendre une petite photo de groupe pour mes parents ! Cela fera bonne impression avant demain soir, vu que je pense que vous n’allez pas fêter les seize ans de Rémi à l’eau.

Il fallut de nombreux essais avant que Rémi se résignât à ne pas adopter une posture loufoque, mais la dernière qu’ils prirent pouvait presque faire croire à une bonne petite famille catholique.

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