Coup de foudre à Dakar: une non-comédie romantique
Je sais ce que vous vous dites.
Vous m’avez pioché sur le rayon best-seller du Relay deux minutes avant de prendre le train en vous disant que pour une fois vous aviez le droit de vous détendre en lisant de chick litt et que de toute façon, personne ne le saura jamais, ce ne sont pas vos vis-à-vis du carré 71 72 73 74 de la voiture 18 du train 8632 à destination de PARIS MONTPARNASSE qui vous dénonceront à vos collègues et aux gens que vous respectez. Non, parce que franchement, il n’y a qu’un Guillaume Pepy (qui doit ne pas trop savoir ce qu’est un TGV ou alors de très loin, parce quand lui est vraiment pressé, ben il prend un jet privé), pour penser que vous avez envie de voyager en tête à tête avec trois illustres inconnus pendant quatre heures avec au menu : une fille qui textote en soupirant ou gloussant (au choix) pendant tout le trajet tandis que le grand sérieux avec son IMac peaufine un powerpoint calamiteux, vous lui diriez bien que les couleurs du diagramme en bâton jurent entre elles mais ça va, on va pas élever son niveau de stress pour ça
Et il y a aussi, évidemment, l’ado attardé, pardon l’étudiant un peu geek sur les bords, qui passe son temps à mordre dans le sandwich au thon bien odorant qu’il vient d’acheter au bar avant d’enchaîner sur un paquet de Pringles à l’ail et de s’essuyer les doigts sur le siège - sympa pour le prochain usager. Mais bon quand vous voyez qu’il n’a daigné enlever ses Docs bien crades du siège que vous êtes censé occuper qu’une fois que vous avez toussoté en le regardant d’un air bien méchant… Les jeunes d’aujourd’hui devraient voyager en litière, ce serait tellement plus pratique pour des gens qui ne veulent jamais poser leurs pieds à leur vraie place, au sol. Mais je m’égare.
Pourquoi n’y aurait-il qu’en première classe que l’on trouverait des gens soucieux de faire de leur trajet en train un moment d’introspection ou de méditation ? Oui, bon, c’est sûr que sur une planète de plus en plus grouillante d’êtres humains, il arrivera un moment où vous aurez des carrés dans les cimetières et là vous pourrez vous regarder dans le blanc des yeux, ou ce qu’il en restera, pour l’éternité (non, parce quatre heures de train, ce n’est pas encore l’éternité, ça y ressemble seulement).
Bref, je disais, vous m’avez pris sur le rayon des meilleures ventes, autrement dit des livres vite lus vite oubliés, ou vous m’avez trouvé dans un bac culture du deux euros, un jour que vous aviez besoin de brochettes en bois. (A ce stade, je ne suis pas encore publié donc je ne sais pas encore quel sera mon succès : top puis flop, ou flop tout court) Dans tous les cas, vous vous êtes fiés à la couverture, une trentenaire mignonne pleine de peps, dos à dos avec un beau Black tout sourire, vous avez lu la quatrième de couv. « A presque 30 ans, Constance cherche un job et le grand amour. Elle doit faire face à un grand dilemme renoncer aux 100 000 euros promis par sa tante Anastasie ou se caser à tout prix ? Lorsqu’elle rencontre Amadou lors d’un voyage organisé par sa perfide belle-mère tout semble pouvoir s’arranger. Mais c’est sans compter les caprices du destin au pays de la Téranga « ( à ce stade, je ne sais pas encore si je suis publié, mais pour avoir écrit de nombreux quatrième de couv pour Harlequin, je sais comment on s’y prend pour ferrer le chaland). Et vous vous dites: "Tiens, c’est marrant de la chick litt avec une dose d’exotisme, c’est original ! Et puis si ça marche et qu’on en fait un film, ça fera un rôle tout trouvé pour Omar Sy) . Un couple mixte, pourquoi pas…ça change. Et vous anticipez sur la rencontre atypique sous les cocotiers et forcément ratée, le rapprochement voulu par le sort mais qui ne tombe pas si mal que ça ("Tu n’es pas du tout le genre de garçon que je croyais"), la grande déception ("Non, mais attends ! comment t’as pu me mentir comme ça ? Je te faisais confiance ! Vous êtes tous les mêmes !") et le mariage final, un pied à Brest, un pied à Dakar, en grands boubous et bigouden. Rencontre suprême du binou et du djembé
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