2 - Une journée au bureau
Je jetai une pièce au gamin en échange du journal. Bien sûr, les tensions avec l'Austrasie étaient à leur paroxysme depuis des mois, et personne n'était vraiment surpris. Mais la guerre, voyez vous, c'est comme les orages. On a beau observer les gros nuages et savoir que ça va éclater, on sursaute quand même au premier coup de tonnerre.
Autour de moi, les braves citoyens accueillaient la nouvelle avec un bel enthousiasme, à grand renfort de rodomontades viriles et de grandes envolées sur la Neustrie Eternelle (et, bien entendu, des mots bien moins élégants sur les Austrasiens, leur propension à être intimes avec divers animaux, leur manque de goût vestimentaire, et leur échec global à atteindre le stade d'être humain). On aurait dit qu'ils se préparaient à assister à un match de rugby.
Peu amateur de guerre ni même de sport, j'entrai pour ma part dans mon bureau l'air renfrogné et le nez dans le journal. Pour être parfaitement exact, je n'entrais pas dans mon bureau, mais dans le propriétaire, monsieur Clodobert, qui m'attendait devant la porte.
"Vous avez un client."
Clodobert avait une voix pointue, le visage taillé à la serpe. J'étais toujours distrait par les cliquetis de son bras mécanique quand je lui parlais, craignant toujours qu'il n'en perde le contrôle et que ce machin me saute à la gorge. Je n'ai pas plus d'amour pour les bras mécaniques que pour les réveils.
Je répondis poliment tout en étudiant une trajectoire d'évitement me permettant d'entrer dans mon bureau.
" Oh ? Merci !
— Un client signifie rentrée d'argent, et donc loyer payé. Songez-y avant de trouver vos affaires empaquetées sur le trottoir...
— Oh ? Oooh ! Ah. Bien, d'accord Monsieur Clodobert."
Clodobert s'écarta et me laissa passer, tandis qu'une valve (ou un piston, ou une soupape qu'en sais-je), émettait un "pssshit" menaçant à mon encontre.
Je claquai plus que je ne fermai la porte derrière moi. Avant de me retourner, j'accrochai manteau et haut-de-forme à la patère. Mais je n'allai pas m'asseoir de suite à mon bureau.
Le client était un militaire. Un capitaine, d'après ses galons. Il se tenait, rutilant, droit comme un i, aussi déplacé dans mon bureau qu'un pur-sang dans une étable. Il m'adressa la parole sans préambule.
"C'est vous le détective ?
— Trouveur. Je suis un Trouveur. Si vous égarez quelque chose, je le retrouve. Je suis Clovis Galswinthe.
— Et vous retrouvez les gens, aussi ?
— Bien sûr !
— Bien. Parce que nous venons de déclarer la guerre, et nous avons perdu notre général."
— Auteur: Bramos
Annotations
Versions