Narval, 12 février 2223

 Konan se réveillait encore fatigué de sa nuit trop courte. Il avait passé une partie de la nuit à faire des rêves agités qui l’avait réveillé aux aurores. Il cogitait depuis plus d’une heure quand il décida de se lever et de faire de l’exercice. Il mit un pantalon en toile et retira son tee-shirt, dévoilant un corps sculpté tel un athlète. Le second de commandement enchaîna cinq séries de trente répétitions de différents exercices abdominaux et de pectoraux. La sueur coulait de son front à son menton, lui donnant la force de continuer malgré la douleur dans ses bras. La difficulté de l’effort le motivait. Il savait que son dur labeur était une assurance pour lui à bord de ce sous-marin. Bien qu’il était le second du commandant, ses racines portugaises, mélangées à des origines japonaises, n’empêchaient pas le racisme de certaines personnes et il n’était pas apprécié auprès des privilégiés du subaquatique. Avoir une telle musculature lui donnait une allure imposante qui lui assurait un respect certain, du moins, tant qu’il gardait sa position.
Il sentait les esprits s’échauffer suite à sa déclaration sur les difficultés concernant la chasse et ça ne lui plaisait pas. Il allait prendre une douche chaude avant de se préparer pour sa journée. Quelqu’un toqua à sa porte quand il eut fini de mettre ses chaussures, une jeune femme entrait avec un plateau roulant où se trouvait son petit-déjeuner habituel. Il avait pour habitude de ne jamais déjeuner à la cantine. Son poste, tout comme sa couleur de peau, l’écartait des autres résidents et pour ce fait, il n’avait que peu d’interactions sociales, et donc, pas d’amis. Il évitait tout contact qui pouvait risquer son lien de subordination avec les autres résidents. Il s’installa à table et grignota les quelques encas proposés. Il sortit de sa cabine à neuf heures pour faire un tour de surveillance dans les différentes sections du sous-marin. À cette heure, tous les résidents, ou presque, travaillaient.
 Le Narval fonctionnait telles les sociétés capitalistes pré Troisième Guerre mondiale. Il y avait un système de privilège qui s’adressait aux plus fortunés. Bien qu’il n’y avait pas de monnaie en tant que tel, le troc avait été mis en place. Ceux qui avaient le plus avaient donc plus de moyens de faire du troc et d’avoir ce qu’ils souhaitaient. Les classes moyennes et ouvrières comme les chasseurs et les cueilleurs avaient, eux, l’opportunité de garder les trouvailles qu’ils faisaient lors de leurs missions. Si Konan s’était démarqué dans sa jeunesse, c’était bien sûr grâce à son excellence à l’école, mais aussi, car il avait su faire les bonnes alliances aux bons moments. Il s’était rapproché du personnel proche du commandant, grâce auquel, il avait réussi à être recommandé pour sa position actuelle.

Après la pause-déjeuner, Konan se rendit à la cantine où il retrouva sa mère en train de faire du ménage. Ses parents n’avaient pas des postes valorisés dans le sous-marin et le second avait du mal à accepter l’échec de ses géniteurs. Ils ne les voyaient que rarement et quand c’était le cas, il échangeait peu avec eux. Il ne supportait pas l’idée qu’ils pouvaient accepter leur situation. Sa mère, qui avait cinquante-deux ans, avait encore l’air d’avoir maigri, ou bien peut-être était-ce sa petite taille qui la rendait si fébrile ? Leurs regards se croisèrent et Konan remarqua des petits yeux marron soulignés de poches sous les yeux. Hong lui sourit et voulut lui parler, mais il se retourna et partit dans une direction opposée. Il ne voulait pas se laisser prendre par son discours moralisateur. Il se rendit dans la cabine du commandant pour son debrief quotidien.