Je n'écoute pas le cours, la tête tenue dans ma main molle et le regard fixé dehors. Mon esprit s'évade à défaut de mon corps. Il profite du soleil, après une semaine de pluie. Le dos réchauffé par les rayons invisibles, il s'aventure dans la cour de récrée. Il dépasse l'air de jeux pour les maternelles et les primaires. Bientôt, sa curiosité l'emmène vers un vieux platane.

Sous les épaisses branches, je l'imagine s'assoir et contempler le feuillage. Que verrait-il ? Des feuilles auréolées par l'astre diurne ? Des écureuils profitant de la quiétude des leçons ? Des insectes grouillant sur l'écorce rhytidome ? Ou... des oiseaux retournant au nid ? Un soupir affaisse mes épaules.

J'aimerais les observer. Ils sont si beaux, si... libres. Comme mon esprit. Ils volent où ils le souhaitent haut, très haut, dans le ciel. Alors que je reste sur terre, fixée sur ma chaise en bois inconfortable. Un rire général perturbe ma rêverie. Le professeur demande le calme en de grands gestes. Il ne comprend pas, mais ses cheveux postiches viennent de se faire la malle.

Comme eux, je les abandonne, lui et les autres élèves. Mes yeux retournent sur l'arbre et ses habitants. Un mouvement attise ma curiosité. Était-ce une hirondelle ou une mésange ? S'il s'agit de la dernière, la charbonnière ou celle au plumage bleu ? Ça y est, je les imagine toutes les trois.

J'entends autant leur chant que je caresse leurs plumes colorées. Si douces, si délicates, si vitales. Les miennes, on me les a arrachées en déménageant. Je détourne mon regard de la vitre, les yeux embués. Je renifle, fixe mes mains. Un jour, je quitterai ma cage. Un jour, je volerai à nouveau auprès des traquets motteux, des rougequeues noirs, des accenteurs mouchets et des pipits spioncelles !

En attendant, mon esprit s'élève là où je ne peux.