Sauf que. Je suis enceinte. Encore ma propre histoire qui me rattrape. Je retrouve un dossier de la rentrée. Les élèves ont indiqué leurs biodatas. Le contact des parents, leur profession, je regarde la copie du dossier d’adoption que Natacha a obtenue sur l’oreiller de sa collègue du darknet. Les lieux et dates sont bien celles de Richard. Sauf que, plus loin dans le dossier, une autre date apparaît, une date que je croyais avoir oubliée pour toujours. Je pars vomir dans les toilettes. C’est la date de mon accouchement sous X. Quelle honte ! Quelle horreur ! C’est vraiment n’importe quoi ! Je suis punie par mon destin. Quand je repense à ses saillies par tous mes trous, j’en ai des vertiges. Je raconte tout à Natacha qui m’accompagne pour l’avortement. C’est fini. Histoire classée. Mais je surveille Eric de loin vivre sa vie avec sa charmante petite amie, Coralie. L’année d’après, il n’est heureusement plus dans ma classe. Même Natacha est partie. Elle a réussi le concours de catégorie A pour avoir maintenant de hautes fonctions au rectorat mais elle a toujours une place pour moi dans sa couche. Un jour, je croise Eric par hasard en ville et on boit un café en discutant. Il est toujours avec Coralie. Mais je lui dois la vérité.

• Richard, on peut peut-être s’aimer d’une autre manière.
• Comment ça ?

Je sors un document du fond de mon sac. Accouchement sous X. Je montre la date de naissance corrigée. Il ne réagit pas. Il me regarde et avoue :

• Je savais qu’il y avait quelque chose. J’ai juste mal interprété. Depuis la première fois où je t’ai vue, je t’ai aimé, comme ça, sans raison, avec le cœur.

Il me prend les mains. On se lève pour s’étreindre. Je lui déclare :

• Je t’aime, mon bébé.
• Je t’aime, maman. Comment c’est possible, tout ça ?
• C’est impossible. Mais quelque chose m’a attirée ici, quand j’ai choisi cette région et cette affectation. C’était peut-être toi, sans le savoir, inconsciemment. On est liés, d’une manière ou d’une autre.
• Je te demande pardon.
• C’est moi qui te demande pardon. Je t’ai abandonné. Et puis je t’ai mal retrouvé. Je t’ai sali. Avec toutes ces choses horrible qu’on a fait.
• C’était pas horrible. C’était pas sale. C’était beau. C’était bon.
• Non Éric, c’était mal, immoral, même avant de tout découvrir.
• Et mon père ?
• Il a sa vie maintenant, lui aussi. Il ne t’a jamais reconnu, lui non plus.