Au bord de la route
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Il était là, assis au bord d’une route, un chemin ; une sente oubliée, comme les raisons de son voyage.
L’endroit lui semblait familier, un désert des Basses-Alpes abandonné des Hommes, qui criait sa ressemblance avec le Mer : Le vent qui caresse une houle d’herbes folles, dénudant ci et là des vagues pétrées. Une peinture pleine de morgue pour le Monde.
C’était une nuit d’été, chaude d’une lune encouronnée d’étoiles, pleine du chant des cigales et au loin sur les collines dansaient les rayons d’une voiture à l’arrêt. Une étrange nuit d’été.
Il se sentait fatigué, lourd d’une lassitude qui s’était emparée de lui à son insu. Le poids d’un demain trop loin, d’un autrefois naguère grignoté de sépia, qui l’invitaient à s’allonger dans l’herbe encore chaude et sèche d’un Soleil tardif. S’allonger, et fermer les yeux ; pour dormir du sommeil des astres. Mais au creux de son être, l’idée que ce n’était pas encore l’heure lui murmurait, et le garda éveillé.
« Je devrais rentrer. »
Sans savoir si quelqu’un l’attendait là-bas. Alors à quoi bon ? À être seul ailleurs, il pouvait bien être seul ici. Si la pluie ou la brume lui avaient tenues compagnie, peut-être se serait-il ravisé ; mais ce soir, il n’y avait que lui. Et la chaleur des blés fauchés et de quelques étoiles cachées.
Il y avait toujours ces phares qui jetaient leur faisceau sur la colline en face et la nuit claire. Une image qui le poussa à faire quelques pas curieux vers la vallée. Un endroit familier, et pourtant si loin, comme plongé dans un souvenir irréel. Ç’eut été un paysage d’Ailleurs, il n’aurait pas été surpris.
La voiture était là, cachée dans un bosquet, mais avant de pouvoir en sonder l’habitacle quelques arbustes s’agitèrent et le figèrent de peur. Un effroi qui s’évaporait alors que la bête se dégagea des quelques branches jalouses ; et vint lui renifler les pieds.
C’était un grand chien noir, sans collier ni fierté. Il avait un regard profond de tendresse ; un regard qu’il était difficile de soutenir, tant il faisait tonner les échos peinant des questions qui fâches.
« Qu’as-tu fait de ta vie ? »
L’on secoua alors la tête ; décidément, il devait être bien fatigué pour s’émouvoir ainsi d’une question envahissante. Un éclat ingrat lancée à la volée par des pensées qui ne savaient pas s’arrêter.
Le chien posa alors le regard vers le bosquet, et demeura paisible à ses côtés.
Et l’homme se mit à rire doucement, il venait de se faire un ami, là perdu nulle-part. C’était une idée réconfortante d’absurdité.
L’animal, lui, osait quelques œillées inquiètes à la dérobée. Quelque chose dans le comportement de l’homme semblait anormal, et même lui, tout animal qu’il était, l’avait bien compris.
Alors une voix de femme vint emplir la nuit. C’était son nom que l’on appelait.
Interloqué, il la vit apparaître, là au bord de la route, et alors il se souvint.
C’était un ange, le souvenir d’un anneau d’or, et d’une robe cousue de nuages.
Il l’aimait. Il se rappela de son cœur qui battait pour elle ; de leurs embrassades, et de tous les murmures au creux de l’oreille.
Et il se détesta d’être un aimé si indigne. Il l’avait oublié, alors qu’elle l’avait rejointe jusqu’à cet ici perdu entre quelque part et Ailleurs. Et il se demanda ce qu’il avait pu encore oublier ; si l’étoile de son ciel pouvait être si simplement éclipsée, c’est le Monde tout entier qui s’était dérobé à son regard. Alors il resta coi, à offrir des pardons silencieux, et un sourire coupable.
L’on brisa le silence éthéré.
« J’ai eu si peur, et j’ai attendu ...
Allez, viens, l’on rentre à la Maison. »
Il se rappela qu’elle s’appelait ███, et qu’il l’aimait.
« Pardon, c’est encore de ma faute, j’ai oublié ... »
Elle le regarda d’un air navré, une larme sur la joue.
« Je sais que ce n’est pas de ta faute, ███. »
Elle recula, et disparut dans le bosquet, seulement suivie des appels vains qu’il lui lança.
Le chien doucement geignit, les phares moururent d’un dernier éclat gêné ; et dans le clair-obscur d’une lune et de quelques étoiles étranges, une voiture familière embrassait les saillances d’un rocher.
Il s’approcha avec une inquiétude croissante, discernant peu à peu l’intérieur de l’habitacle, et l’homme qui y était assoupi. Une larme rouge sur la joue. Avec une infinie délicatesse, il redressa son visage et se perdit en contemplation.
Son compagnon se pressa contre ses jambes, mais il ne réagit pas.
« Il est temps de partir. »
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