8. Le bonheur est à la maison

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Les jours qui suivirent je vécu au rythme de Tiago, de l'école et de ses activités. Je pris cette fois beaucoup de plaisir à me contenter des petites tâches du quotidien, entrecoupées de lectures, de siestes et de cafés partagés avec Sabine qui passait me voir régulièrement. Je m'étonnais de me sentir plutôt bien hormis un petit coup de fatigue en sortant de l'hôpital et quelques nausées car je m'étais préparée à être au fond de mon lit durant plusieurs jours.

Je me couchais tôt pour réussir à me lever suffisamment en forme et continuer à gérer le petit déjeuner ainsi que les préparatifs du matin comme d'habitude. Je me reposais au maximum durant la journée. Alexandre accompagnait Tiago à l'école le matin. Je m'astreignais à ce que rien ne change dans notre quotidien. Si bien que Tiago avait en effet remarqué que c'était vraiment plus sympas depuis que maman était malade. Maman présente à 16h30 en sortant de l'école, disponible tous les week-end, ce qui n'était pas le cas lorsque je travaillais. Et maman ne faisant plus de gardes de nuits à l'hôpital était disponible pour jouer et passer de super moments de partage et de câlins.

Alexandre était heureux de me voir ainsi. Je m'efforçais de ne pas me plaindre lors des petits coups de fatigue. J’essayais d’occuper mes journées de manière plus positive. Il fallait reconnaître que rien ne laissait penser que j'étais en sursis. J'étais un peu amaigri. Peut-être un peu pâle aussi. Certains voisins ne me sachant pas malade me félicitaient même pour ma nouvelle silhouette. Probablement la seule chose positive dans tout ça, j'avais perdu mes kilos de grossesse.

Je décidais de vivre l'instant présent. Je me disais que cette énergie était de courte durée, alors j'en profitais à fond.

Alexandre était sur une mission qui l'animait particulièrement. Dans le cadre de fouilles préventives, d'importants vestiges archéologiques venaient d'être découverts dans la cathédrale de Notre-Dame de Paris. Le chantier de restauration faisait suite au terrible incendie de 2019 et nécessitait une opération de fouilles au centre même du bâtiment. Les archéologues menant à bien cette opération, venaient de découvrir un sarcophage en plomb totalement conservé datant du XIVème siècle, ainsi que des morceaux de maçonnerie pouvant dater de l'époque romaine. C'était l'effervescence au sein de son institut de recherches archéologiques. Alexandre était surexcité, ce type de découverte suscitait forcément l'émoi. Tiago l'écoutait, émerveillé, lorsqu'il rentrait le soir et racontait sa journée. Papa représentait un super héros. Il posait toujours des tas de questions comme tous les enfants de son âge et voulait tout comprendre. Tout était découverte et émerveillement.

Je savourais ces instants. Ce drame avait changé toutes mes priorités. Je me rendais compte que je vivais jusqu'alors un bonheur illusoire en laissant ma carrière prendre une place considérable dans ma vie. La société est ainsi faite. Nous sommes poussés à vivre selon un modèle de vie basé sur la consommation. Même en choisissant un métier du soin, j'avais le sentiment de m'être faite avoir par le système. J'avais été la première à rajouter des gardes de nuits pour avoir des primes à la fin du mois. Je faisais des heures supplémentaires à tout va, ravie de pouvoir gâter mon fils. Mais finalement, était-ce la clé du bonheur ? Je gâchais finalement mon précieux temps et connaissais le “vrai” bonheur bien tard. Le destin va m'arracher à mes enfants sans que je ne puisse rien y faire.

Un soir, seule dans mon bain, et à l'approche de la prochaine chimiothérapie, je fais le bilan de ces quelques semaines passées, des spasmes de détresse envahissent mon corps. Quitter encore une fois la maison, laisser ma famille pour subir le traitement fait rejaillir tous mes doutes et je pleure à chaudes larmes, totalement perdue et fatiguée. Je me laisse glisser pour m'immerger sous l'eau en apnée. Mes larmes se confondent dans l'eau, mon esprit se recentre sur le moment présent pour chasser mes angoisses du futur. Je suis à la maison, je vie en ce moment des instants de joie avec mon fils, je suis triste au fond de moi et c'est normal, mais le bonheur prend une place bien plus importante. Je dois tenir pour lui et m’accrocher. Privée d'oxygène je ressors brusquement de l'eau reprenant l'air à pleins poumons.

Je veux vivre.

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