Chapitre 2 - Investigation Partie 1 - L'orphelinat

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« Employeur : Madame TINMART
Lieux de résidence : Orphelinat à la sortie du village RAIGER.
Lieu des faits : L'Orphelinat.
Récompense : 450 Collings.

Annonce
Je cherche quelqu'un de fort pour vaincre un Loup-Garou. Il a enlevé cinq de mes enfants en deux semaines, les mange crus et laisse leur dépouille derrière la bâtisse. À ce rythme-là tous mes petits vont y passer ! J'ai peur qu'il ne s'arrête jamais. Je vous en prie, faites quelque chose ! »

— Elle doit y tenir à ses mômes. Même une bonne catin vaux à peine 15 Collings, fit remarquer Sylas

— Je me demande où elle trouve tout ce fric. Déjà qu'à la vente ils ne sont pas bien chers si c'est même gratuit, mais alors le prix à payer pour s'en occuper et les nourrir... Et puis c'est pas comme si les gens faisaient des dons ! S'exclama Chloé, déconcertée.

Sylas ne répondit pas. Il était bien d'accord avec sa réflexion mais ça ne méritait pas débat ; de l'argent reste de l'argent. Ils venaient tout juste de sortir du village et suivaient le chemin menant à l'orphelinat que l'on voyait au loin. Celui-ci était bien marqué par le passage des bonnes gens, rocheux et terreux.

— Tu ne trouves pas ça louche, toi ? demanda la rouquine, relançant la conversation.

— Je n'suis pas chevalier, conclu t-il, détaché.

— Ok...

Chloé fit de gros yeux et haussa brièvement les sourcils. Elle venait de comprendre qu'elle essayait quelque chose de vain : communiquer avec quelqu'un de rude et d'asocial.

Après un long silence rythmé par le son des oiseaux et du vent, ils arrivèrent à destination. Le balafré s'arrêta un moment suivit par Chloé qui l'imita, encore intimidée. Elle le questionna du regard tout en fronçant les sourcils d'incompréhension. Sous sa moustache -d'ailleurs fusionnée avec sa barbe-, il esquissa un petit sourire moqueur.

— Tu vas pouvoir lui poser toutes tes questions à ce propos, rebondit-il sur la conversation qui avait eu lieu il y a plus de dix minutes de ça.

— Tu rigoles ? Demanda-t-elle avant de s'expliquer. Je vais d'abord attendre qu'elle donne sagement la récompense et c'est seulement après que je la mettrai devant les faits ! S'exclama-t-elle avec une fierté non dissimulée.

Sylas ne souleva pas. Pourtant, son petit sourire ne l'avait pas quitté : cette réponse lui plaisait. Bien qu'il ne le montrât pas directement, il acquiesçait. Son tuteur ne lui avait peut-être pas inculqué les bonnes manières, mais il avait à coût sur développé sa malice et son sens des affaires !

Chloé prit l'initiative et toqua à la porte. Ou plutôt, elle s'acharna avec détermination à toquer à cette porte. Derrière celle-ci, l'on pouvait entendre quelques enfants s'affoler et hurler avec impatience le nom de la dirigeante. Après quelques claquements de pas sur le sol se rapprochant, la porte s'ouvrit dans un léger grincement jusqu'à ce que les deux coéquipiers puissent entrevoir la dame.

Vieille comme elle était, Madame TINMART était petite et recourbée. Elle portait de longs vêtements peu élaguant mais ayant le mérite d'être bien chaud avec de gros sabots en bois. Ses cheveux gris étaient attachés en chignon et derrière ses petites lunettes rondes, elle haussa les sourcils d'étonnement.

— C'est pour un enfant ? demanda-t-elle en premier.

Chloé allait répondre au quart de tour, stupéfaite de ce gros sous-entendu qui ne lui plaisait guère mais Sylas la devança.

— Pas du tout. Sauf si vous vendez la bête que vous demandez à tuer.

— Oh mes aïeux ! Si encore je savais qui elle est... Vous êtes Chevalier ?

— Non, Purificateur.

— Et moi une invocatrice ! s'immisça rapidement Chloé en haussant le ton.

— Bonté divine, merci. Mille mercis mes prières ont été entendues... remercia-t-elle tout en regardant le ciel et en joignant ses mains comme pour prier le seigneur.

— Votre annonce à surtout été lue, rectifia l'adolescente, sceptique en haussant un sourcil.

— Ne restez pas dehors ! Entrez, entrez ! Les invita-t-elle avec entrain d'un mouvement de main.

En entrant, l'on pouvait remarquer que l'intérieur était bien plus modeste et accueillant que l'extérieur. Le bâtiment n'était plus tout jeune et bien qu'encore un minimum entretenu, sa vieillesse se faisait visuellement ressentir.

Alors que Chloé regardait tout autour d'elle avec curiosité et dévisageait les enfants qui faisaient de même, le Purificateur commença le travail.

— Alors ? Qu'en est t-il de...

Mais Chloé le coupa. Sortant de ses rêveries, elle sauta sur l'occasion pour montrer sa valeur et prit le devant de la scène.

— Vous pouvez nous en dire un peu plus à propos du fameux Loup ? demanda-t-elle d'un ton fier faussement responsable et mature.

— Bien évidemment, acquiesça la dame.

— Vous allez emmener Ragon ? demanda une voix lente d'enfant.

Un petit curieux s'était incrusté dans la conversation.

Les yeux de la rousse et de la vieille femme se croisèrent, toutes deux mal à l'aise. Sur un commun accord déduit en un regard, elles acquiescèrent silencieusement.

— Allons plutôt dans mon bureau, déglutit madame TINMART en engageant le pas suivie de près par ses invités.

*

— Qui est Ragon ? demanda Chloé une fois tout le monde rentrés dans la pièce.

— C'est le dernier petit qui a été retrouvé éviscéré il y a trois matins... soupira tristement la bonne femme. Il a dû vous prendre pour les légistes.

— Les légistes sont censés le récupérer dans la matinée ? demanda Sylas.

— Oh oui. Je n'ai plus la force de les enterrer moi-même. Ça me fait trop de peine, vous comprenez ? questionna-t-elle d'une moue aussi chagrinée que sa voix. De toute façon, ils meurent tous de la même manière, conclut-elle.

— On devrait vite aller voir le corps nous-même avant qu'ils arrivent !

— Oh oui, vous devriez.

Sylas n'en fit rien. Il ne démentit pas, ni n'acquiesça. Il resta impassible, les bras croisés sur sa poitrine, sûrement pensif, alors que la petite attendait sur lui. Mais plus elle le fixait et s'impatientait, moins il avait l'air de vouloir répondre quoi que ce soit. Et pourtant, il ouvrit la bouche.

— Racontez nous d'abord les faits, ce que vous en savez.

Chloé se sentait bête, peut-être un peu honteuse et agacée également. Forcément qu'il fallait des détails, mais en même temps, tout était déjà écrit dans l'annonce. N'était-ce pas plus productif d'aller sur le terrain ? Mais Sylas n'était absolument pas de cet avis. Après tout, qui nous dit que ce n'est pas elle, la Louve-Garou ?

Elle s'assit à sa chaise derrière son bureau, les invitant à faire de même. La pièce était petite mais disposait néanmoins de sa bibliothèque contenant un nombre démesuré de livres sur les enfants et l'éducation. Sylas le fit remarquer à Chloé d'un signe discret du doigt. Quand elle comprit, celle-ci poussa un gémissement de mécontentement et se laissa tomber sur la chaise. Elle était cette fois, bel est bien agacée et vexée.

— Cela fait un mois que la bête sévit ici, vous savez ? Elle n'est plus une légende dans les environs, et mes enfants sont angoissés. Elle a déjà ôté la vie de 9 de mes marmots, soupira-t-elle.

— 9 ? En effet, ça en fait un paquet, appuya Chloé.

— Est-ce que les morts arrivent de façon aléatoires ? Est-ce régulier ? Questionna le purificateur.

— Oh oui, c'est régulier. Environ tous les trois ou quatre jours il prend un nouveau de mes protégés. Le jour précis importe peu... Souligna-t-elle. On les retrouve tous les tripes à l'air. Enfin, quand y'en reste... Juste là, derrière l'orphelinat. Sans doute sort-il par la porte arrière !

— Il y a des traces de griffes, de luttes... questionna Sylas.

— De morsures ? Surenchérit Chloé.

— Oh oui ! Pleins ! De grosses griffures sur les épaules, et puis dans le cou voire les jambes aussi, parfois. C'est un vrai carnage, un champ de bataille, rajouta-t-elle.

— Mais il ne mange que les abats, c'est ça ?

— Oui...

Plus la discussion durait, plus la femme perdait ses moyens. La pauvre, c'était déjà dur de voir des enfants rejoindre aussi brutalement la mort mais devoir se remémorer les faits aussi durement n'était pas simple non plus. Elle arrivait à peine à les regarder pour finir, elle se contentait uniquement de regarder ses mains entrelacées.

— Avez-vous entendu des bruits anormaux, dans les couloirs, les chambres, une autre pièce peut-être ?

— À part les cris horrifiés et douloureux des enfants qui se font prendre en pleine nuit, comme un bruit de fond, là, dehors ? Non. Rien. Je n'ai rien remarqué d'anormal autre que ce que je vous raconte.

La gérante de l'établissement retira les lunettes de son nez et les posa sur le bureau. Elle se frotta nerveusement les yeux. Elle perdait son sang froid et le sourire qu'elle avait arboré devant les enfants. Madame TINMART faisait peine à voir.

— E-excusez-moi... bégaya-t-elle.

— Les enfants vous ont-t-il fait part de quelque chose ?

— Non. Non, rien du tout.

— Un employé aurait-il rejoint l'établissement avant les drames ? Questionna-t-il encore.

— Non, nullement. Je...

Alors que Sylas allait poser une autre question, Chloé frappa fortement le tibia de son coéquipier en poussant un fort et long cri lascif pour le dissimuler.

— Salle petite- ! Commença-t-il à s'exclamer.

— Bon allez, c'est barbant là ! Elle n'apporte rien de plus que ce qu'on sait déjà de toute façon. On a meilleur temps d'aller voir le cadavre en premier et d'essayer d'interroger le personnel et les enfants après.

— Je n'ai pas fini, se fâcha Sylas.

— Bah moi j'ai fini. Alors sois tu ne me suis pas et j'anéantis la scène de crime sois tu te démerdes avec ce qu'il en restera, répondit-elle avec désinvolture tout en s'extirpant de sa chaise.

Alors que Sylas fronça les sourcils et se leva dans le but de rétorquer quelque chose qui aurait dû être cinglant, Chloé empoigna un livre qu'elle avait repéré plus tôt alors qu'elle boudait et le lui balança à la figure dans un fracas de pages.

— Puis tu devrais lire ça, tiens. Visiblement tu connais même pas les bases ! S'indigna-t-elle avant d'ouvrir grand la porte et de quitter la pièce.

Sylas soupira. Plus silencieux que la bonne femme qui sanglotait, il ramassa l'ouvrage dont il lut le titre : « Comment comprendre les autres ? ».

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