Chapitre 18 Partie 2/2 - La plaine des vérités
Elle ouvrit des yeux collés par ses larmes séchées. Doucement elle les frotta, les ouvrant un peu plus puis elle admira le beau ciel. Une forte odeur sucrée planait dans l'air; elle s'en imprégna. Tout semblait si calme, si paisible au point où elle pensa à se rendormir. Mais lorsqu'elle jeta un œil autour d'elle, Anika se releva avec effroi.
Sylas était assis à côté d'elle entouré d'une nature morte et sèche. Le Millénium tenait à peine debout. Son tronc cendré était gros mais fébrile; plus de branches ni de feuilles. Tout était parti en fumé. Il n'y avait plus aucune trace des animaux à son pied, et encore moins des fées étant restée. Le cadavre de l'arbre était encerclé par un champs de terre brûlé. La flore qui entourait la clairière était elle aussi touchée et alors, certains végétaux avaient perdu de leurs couleurs.
Et pourtant une odeur douce et agréable chatouillait les sens de la Princesse et du Purificateur. Ils s'en était maladivement enivré tous comme ses animaux avares. Elle épia le dos de son employé avec un fin sourire dissimulant une immense peur.
— Qu'est-il arrivé ? demanda-t-elle.
Sylas écrasa des restes de plantes entre ses mains qui croustillèrent. Il ne se retourna pas.
— Il faut croire que je nous ai porté malheur. Elles sont arrivées avant nous et ont tout détruit. Il ne reste plus rien comme vous pouvez le voir. Vous vous êtes évanouie, et moi aussi lors de l'explosion. J'ai juste pu nous protéger même si ça m'a un peu éclaté à la figure, en rit-il. Elles n'étaient plus là à mon réveil.
Elle acquiesça de la tête sans rien répondre. Que pouvait-elle dire de plus ? Les faits étaient les faits et elle ne pouvait plus rien y changer. Elle avait merdé, aidé le mal et avait en plus laissé un professionnel encore plus impuissant qu'elle face à la situation.
— Je suis désolée, réussit-elle à briser son silence. Je sais que ça fait partie du métier d'avoir des imprévus, mais celui-là est en partie d'ordre politique. Tout ce que vous ne vouliez pas, n'est-ce pas ?
— Vous ne pouviez pas savoir, Princesse. Comme vous dites, ça fait partie du métier.
La tête baissée, elle le rejoignit à genoux. Elle se posa à nouveau et le regarda. Le visage du balafré était noir de crasse et de cendres. Ses vêtements étaient en encore plus piteux états et recouvraient à peine son corps; même l'une de ses nouvelles chaussure possédait un trou. Laissant les effets des effluves la gagner, elle éclata de rire.
— Quoi ? Je vous ferais dire que vous n'êtes pas belle à regarder non plus, votre Altesse, se défendit-il.
Ses cheveux étaient emmêlées de terres, de débris, ainsi que de feuilles mortes. De la cendre avait grisé ses cheveux blancs et son visage était lui aussi noircit. Sylas avait néanmoins l'honneur d'être le plus sale des deux. Du revers du bras, il frotta son visage. La damoiselle l'épia telle une enfant curieuse face à l'inconnu. D'un sourire béta, elle lui demanda :
— Elle vous vient d'où cette cicatrice ?
— D'une Berkgolm.
— Et comment une telle créature a pu vous atteindre, mh ? questionna-t-elle.
— Vous êtes tous obnubilés par son histoire ma parole ! rit-il légèrement du nez.
— Il faut dire qu'elle prends de la place sur votre visage lorsqu'il n'est pas aussi noir !
— C'est un fait. Bien. C'était à mes débuts et mes compétences n'étaient alors pas très... évoluées, avoua-t-il. Distinguer les flux est à la porté de tous, mais pas si facile si je puis être honnête. Une sadique Berkgolm avait déposé son dévolu sur moi à une période peu joyeuse de ma vie, alors j'ai vite plongé. Elle a puisée mon énergie chaque nuit avec appétit. J'étais crevé constamment, vulgaire, méchant et bête. Pour appuyé mes dires, j'ai giflé une catin dont je ne voulais plus une fois le moment venu alors qu'elle ne faisait que son boulot.
— Oh oui ! C'est dire ! se moqua-t-elle. C'est sur que vous êtes un homme dont la première qualité est l'aimabilité.
— Et vous la politesse royale et sa sagesse ?
— Aïe, se plaignit-elle. De toute façon, peu importe le comportement que j'arbore, vous m'aimerez quand même alors à quoi bon rester aussi cérémonieuse avec quelqu'un de votre tempérament ?
— Je vous en prie, étayez...
— Vous n'aimez pas la fausse politesse. Vous préférez les confrontations que les faux semblants, je me trompe ? Je le sais parce que moi aussi ! Sauf que vous, vous avez de la liberté.
— Et donc vous vous lâchez avec moi ?
— Oui ! Et comment vous l'avez battu ? enchaîna-t-elle rapidement.
— Difficilement, fut-il prit au dépourvu. Dans un sens, elle m'a aidé à développer ce sixième sens par la suite. À force, je devenais insomniaque mais je m'efforçais de garder les yeux fermés. J'imagine que je m'y étais habitué... Elle est apparue, on s'est battu, et ses griffes m'ont pas loupés. Un simple combat entre un Purificateur et une bête noire.
— On peut dire que vous vous êtes auto-purifié, ria-t-elle encore sous l'effet des effluves.
— On a tous nos démons, y répondit-il en la regardant du coin de l'œil ce qui l'a fit taire.
— Je vois...
Un faible silence s'installa l'espace d'un instant. L'air était chaud et sec, étouffant même. Leurs oreilles bourdonnaient encore quelque peu, comme si ils étaient ailleurs. La princesse se laissa tomber en arrière. Elle préféra tomber dans le ciel infini que de se saouler en face d'un paysage inerte. À cet instant, ils furent comme seul au monde; mais ils étaient seuls à deux.
— Qu'avez-vous vu ? osa-t-elle demander.
— Mmmh... réfléchit-il. C'était flou. Exactement comme vous me l'avez décris. Violent, incompréhensible... Des bouts de souvenirs de l'arbre mais aussi de vous. Je comprends pourquoi vous avez épargné vos chevaux !
— Mhm. Ca ne réponds pas à ma question. Cessez d'être évasif.
— Il y'avait que de belles femmes. Toutes ensorcelantes de différentes manières. J'ai vue la naissance d'une collaboration démoniaque et des créations. Des carnages, de la douleur, mais aussi de bonnes choses.
— J'ai du rêver plus que vous dans ce cas. Le Millénium ne sera par mort en vain finalement, sourit-elle tristement.
— Je peux vous poser une question ?
— Faites donc, mais choisissez bien.
— Pourquoi est-ce que vous rejetez le regard des autres ? À moins que ça ne soit que le mien... s'en moqua-t-il en arquant un sourcil.
— D'accord, non. Posez une autre question et j'y répondrai cette fois, répondit-elle catégoriquement. J'en donne ma parole.
— Très bien, acquiesça l'homme, ravi. Comment se fait-il que vous soyez à ce point aimé peu importe comment vous êtes, et en souffrir tout de même ?
Anika ne put s'empêcher de lâcher un nouveau rire face a la maladresse de cette question qui la mettait au pied du mur.
— Vous regrettez votre serment ?
— Oui, répondit-elle avec sérieux.
— Eh bien, si ça ne vous plait pas : c'est pareil, ajouta-t-il, sourire aux lèvres.
— Hm, je vois. Ca va paraitre aussi absurde que prétentieux mais j'ai reçu un don à la naissance. J'aurai pu mettre ça sur la faute de mes particularités physiques, mais je trouve ça encore plus tiré par les cheveux si je puis dire. Les gens m'aiment, quoi que je fasse. Il suffit d'un regard et comme médusa, je les condamne en leur enlevant une certaine liberté et leur jugement. Plus ils m'épient, plus ils s'enferment.
— Comme c'est aimable à vous de protéger ma volonté.
— Vous voyez ? Vous ne me jugez pas négativement.
— Je crois surtout aux malédictions.
— Alors vous me pensez maudite ?
— J'ai été vous dans certaines visions, je pense, avoua-t-il sans hésitation. Alors j'ai reçu quelqu'une de vos pensés et certains de vos sentiments.
— Oh bordel, jura-t-elle naturellement. J'aimerai me tuer sur le champs.
— Si vous le vouliez vraiment, vous l'auriez fait Princesse.
— C'est plus compliqué que ça. Quand tout le monde t'aime, que tout semble aller...
— Vous vous sentez coupable de ressentir de tels sentiments ? De vouloir que l'on vous haïsse un peu, alors que beaucoup vous envie et aimerait une telle notoriété ? Commencez peut-être par haïr plus de gens, peut-être que ça fera de votre vœux une réalité.
— Je ne peux pas. Croyez moi Sylas, quand tout le monde est aussi gentil avec toi, que ce soit de bonté de cœur ou non, c'est impossible de les repousser et d'être aussi exécrable pour aucunes raisons valables ! Ils ne commettent aucune mauvaise impression. Ils se montrent tous sous leur jour le plus appréciable, le plus doux, le plus généreux : je ne peux pas réagir autrement !
— Et qu'est-ce qui vous empêche de me haïr ?
— Comme tout les autres, vous m'aimez et portez une grande attention à mon égard même lorsque je suis froide et désintéressée. Vous détester serait illogique.
— L'amour n'est pas forcé d'être réciproque. Il y a une première fois à tout, Princesse. Moi je vous l'autorise, à être cette première fois.
— Vous êtes fou ! Ma parole vous êtes... Vous voulez seulement me faire plaisir. Vous ne pensez pas ce que vous dites. Vraiment je... Je ne sais pas comment réagir.
— Alors acceptez. Je suis Purificateur, votre Altesse. Si tout ceci m'affectait, j'aurai ris avec vous à chaque fois que j'en ai eu l'occasion. J'aurais baisé vos mains, vos pieds et vous aurais compté mon amour, non ? demanda-t-il, narquois.
Anika resta bouche bée. Que pouvait-elle dire ? Elle se laissa un peu plus envahir par cette odeur si sucrée qui perdait en intensité. Elle respira profondément et se perdit dans le bleu qui lui donna le vertige.
La femme avait le visage rougi par la chaleur ainsi que cette odeur qui lui avait monté à la tête. Elle ferma les yeux un moment s'autorisant une dernière fois à lâcher prise. Elle se sentit transporter par une brise légère. Son visage était paisible et la honte n'ayant plus lieu d'être, elle sourit.
— Je te déteste Sylas. Je te déteste sincèrement.
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