Naufrages au cœur de l'abandon
A chaque matin qui se ressemble, je me souviens des draps froissés en ton absence. Je me souviens que lorsque tu as mis les voiles, moi, j'ai pris la mer sans gilet de sauvetage. Je me souviens des naufrages précédents et je me souviens avoir pensée que, pour le prochain, je ne l'oublierais pas, ce gilet. Mais on ne pense à sa survie que quand il est trop tard, et c'est là que les gilets de sauvetage sont bien rangés, là-bas bien trop loin dans le passé, à milles lieux de l'instant où l'on se noie.
A chaque regard qui se détourne, je perds un peu de force. A chaque regard qui cesse de se mélanger au mien, je me vide un peu plus. A chaque fois qu'on me regarde, me voit, je pense que j'ai tout perdu et la force s'enfuit. Et les chances s'amenuisent et j'oublie d'être vivante.
Parfois je pense, un jour peut-être il y aura quelqu'un qui ne se lassera pas de suivre des yeux mes envies. Mais ce jour-là, il sera peut-être trop tard, ce jour-là je n'aurais peut-être plus de force ; je serais épuisée, figée, ensevelie par les images du passé, noyé dans les murmures du temps, qui ne sont plus tout à fait lui.
Alors parfois, je lui en veux de m'avoir laissée là au beau milieu de l'océan sans gilet. Je m'en veux de ne pas savoir nager, même après tant de noyades, malgré tant de submersions.
Ne prends pas la mer, ne met pas les voiles ! Dans ma tête résonne ma plus grande peur, cette inlassable peur. Dans ma tête l'abandon. Il me paralyse. Naufrage après naufrage, je me vide un peu plus de ce que j'étais et je ne respire plus : je m'efface. Je suis restée là, immobile, au fond d’un océan que je ne sais toujours pas surmonter, figée dans la profondeur infinie de l’oubli.
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