La découverte I-II Par une nuit de décembre (1-2)

3 minutes de lecture

I-II

Par une nuit de décembre

À André, Colette, Vanessa

1

Rembobinons le temps jusqu’au douzième mois de l’ultime année de notre siècle écoulé et, là, regardons ce qui se passe en ce pays nommé France, son Sud-ouest, son Midi-Pyrénéen, sa Haute-Garonne, sa préfecture supposée rose, en l’un de ses quartiers, le nommé Empalot, boulevard des Récollets.

Fin de journée qui amorce sa nuit,

un presque trentenaire marche sans hâte en direction de la rue Jean Moulin, le front bas, la mine peut-être triste ou blasée, à moins qu’il s’agisse de colère, dans un état de rébellion perpétuelle ou d’accablement – l’impuissance a modifier l’indésirable réalité. On ne le décrypte pas bien dans sa discrétion urbaine, qui rase les murs et ne parle à personne, on doit seulement le deviner. Il en ressort qu’il n’est pas à sa place sur ce monde, en cet endroit et dans cette existence…

Et bien qu’on lui bassine continuellement les esgourdes avec cette fichue nécessité de se faire suivre par un psychologue, il peut se targuer de se connaître lui-même mieux que personne au monde.

Tout autour, c’est la grisaille coutumière des quartiers d’une métropole, entassée de grégaires, et sa routine hebdomadaire. Rien qui ne mérite vraiment un roman : l’habituelle crasse, la saleté des jours ordinaires, la puanteur par toutes et tous tolérée, le vacarme et sa rumeur inextinguible, parfois l’air irrespirable et toujours toxique, l’indifférence des automates qui se croisent sans se voir, le stress incontournable des agendas pleins à vomir, la docilité civique des politesses hypocrites, la gentillesse calculée des vendeurs de rêves en plastique...

Et derrière toutes les vitrines de l’apparence sympathique : la sincère malveillance à l’endroit de ce qui se supporte à défaut de se détruire, l’indésirable différence qui dérange, écartée, l’hostilité des pensées qui ne voient le monstre que chez l’autre, camouflée, chacun prudemment crucifié au tribunal mental de son voisin. Et les miroirs se font une fête de n’accueillir que nos perfections maquillées...

Plus loin, au cinquième étage d’un immeuble quelconque, une famille plutôt aimante et somme toute assez banale attend notre docile-révolté pour l’immanquable festivité qui, dit-on, permet de se retrouver quand on s’est perdu de vue. Or, si lui a souvent échappé, en effet, au regard des autres, eux, en revanche, se lâchent rarement d’une semelle plus de trois jours consécutifs et quand ce n’est in-situ, au téléphone. Disons plutôt qu’une année sans petits fours et guirlandes, avec crèche d’un petit Jésus, qu’aucun ne prie dans la tribu, serait loupée si l’on en croit les affirmations de la tradition et l’annonce publicitaire...

Certes, enfant, notre marginal aura lui aussi adoré cette période de magies et de féeries, artificielle, qui enjolive soudainement la médiocrité et la laideur, comme tombée du ciel pour que tout à-coups tout le monde s’aime, se comprenne, compatisse, se célèbre et se gâte – du 21 décembre au 6 janvier. Il a même compté parmi les plus enjoués, à ce petit jeu de sincères simulacres : décorer sapin et fenêtres, emballer et déballer cadeaux et enveloppes, dévorer dinde et marrons, attendre en doux rêveur que le faux père Noël dépose les vrais jouets qui finiront dans le coffre du grenier en moins de trois cent soixante-cinq jours, si ce n’est trente.

Mais il aurait préféré qu’elle s’étale du 1er janvier au 31 décembre et sans terme de contrat, ni père fouettard au-dessus des fesses des moins méritants...

Écoutons un peu le flux de ses pensées et nous en saurons davantage sur ce qui le rend si aigri.

A suivre...

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