Chapitre 3
Chapitre 3
— Salut, lâcha Maëlyne d'une voix hésitante.
Il ne pouvait pas encore lui en vouloir, non ?
— Vous êtes vraiment stupides ! Je pensais que d'entre vous ce serait toi la plus sage, mais apparemment je me suis trompé. Et si le petit a besoin d'aller à l’hôpital, on fera comment ?
Elle mordilla sa lèvre avant de répondre. Elle n'avait pas songé à ça. Son regard se porta sur Arganthaëlle qui profitait de la discussion pour s'enfuir en direction de sa maison.
— Euh... Arganthaëlle utilisera sa magie pour le guérir ?
Le druide soupira.
— Tu ne m'avais pas habituée à autant d'inconscience. Jusque là, tu ne prenais pas de décisions hâtives. Sauf quand tu n'avais pas le choix. Mais depuis que tu as fait ressurgir Ys, je ne te reconnais plus.
Elle leva ses yeux vers lui, dévorant son visage sérieux. Depuis quand ne l'avait-elle pas vu esquisser un sourire malicieux ? Il faut dire qu'elle s'échappait à chaque fois qu'il voulait discuter.
— Peut-être qu'on ne se connait pas vraiment ?
Il grimaça.
— Outch ! Tu me blesses là ! J'avais l'impression de te connaitre. Plutôt bien même sous certains aspects.
Sa voix prit une note tendancieuse alors qu'il s'approcha d'un pas d'elle. Son parfum envahit l'espace autour de Maëlyne. Elle recula légèrement et découvrit les créneaux dans son dos. Il en profita pour poser une main sur sa joue.
— Je pensais même qu'on était proches...
Maëlyne sentit ses joues se réchauffer. Elle ferma les yeux. Le souvenir de leurs deux corps fusionnants l'assaillit.
— Oui... c'est vrai... balbutia-t-elle.
— Mais j'ai l'impression que tu n'as plus envie d'être aussi proche désormais ?
Elle déglutit bruyamment.
— C'est pas ça... Enfin, c'était agréable, parvint-elle à dire malgré sa peau qui la brûlait. Mais je... Quand on a commencé, j'étais en colère contre Tristan... Au fur et à mesure, j'ai eu l'impression que l'on se rapprochait en tant qu'amis... Et je ne veux pas tout mélanger...
Hugues écarta sa main.
— Je vois. C'est vrai que je me suis attaché à toi...
Devant l'air gêné qu'elle afficha, il s'empressa d'ajouter :
— En tant qu'amis, bien sûr.
Mais son ton manquait de conviction. Maëlyne hocha la tête.
— Tant que c'est clair entre nous...
— Eh bien, puisque tout a été dit, tu veux bien marcher un peu avec moi et arrêter de t'enfuir quand je veux te parler ?
Elle glissa les mains dans les poches de son manteau. Il s'en était rendu compte.
— Si tu veux...
— J'imagine que tu es satisfaite de ta vie ici puisque tu as fait en sorte de ne plus pouvoir retourner sur le continent...
Il commença à marcher le long de la digue. Le regard perdu vers l'océan, Maëlyne réfléchit.
— C'est plus simple pour moi. Tout a été si vite après la mort de Tristan. Depuis que je suis sur Ys, tout est plus calme. Pas de double-jeu, pas de mensonges envers les collègues.
— La vie est tout de même rustique, commenta Hugues en pointant du doigt les cinq maisons en pierre déjà construites au centre de l'île.
Elles étaient à peine visibles à cette distance du centre de l’île.
— C'est sûr... Mais c'est pas désagréable. Et puis, quand les druides seront installés aussi, la vie commencera à vraiment s'organiser. C'est comme un retour aux sources. Je pense que ça te plaira, toi qui déteste la technologie.
Il eut un sourire.
— Sûrement... Mais il faut réfléchir à d'autres choses. L'aspect financier. Les études de Gaël. Si on s'installe ici, je lui impose un avenir uniquement de druide... Ce n'est peut-être pas son souhait.
— Tu lui en as parlé ? demanda-t-elle en attaquant la descente du long escalier qui permettait de retrouver la terre ferme.
— J'ai l'impression qu'il ne voit que le positif. Pourtant, c'est lui l'ado accro aux écrans ! Il ne pourra pas s'en passer...
— Peut-être... Tu devrais en parler avec lui, c'est un garçon assez mûr.
— Oui... Il restera toujours un petit garçon à mes yeux.
— J'imagine. Tu restes pour longtemps ?
— On était juste venus voir si les maisons avançaient bien. Xavier et Corentin sont venus voir où ils pouvaient installer un potager. Il va falloir commencer à cultiver.
Maëlyne acquiesça. S'installer sur une île déserte demandait beaucoup d'organisation.
— Arganthaëlle a commencé aussi. Je l'aide, mais je suis pas très douée, s'esclaffa-t-elle.
— Tu apprendras. Regarde ta magie ! Il y a moins d'un an tu ne connaissais même pas son existence, et maintenant tu produis l'eau nécessaire pour deux maisons.
La jeune femme sentit ses joues rosir.
— On y va ? J'ai un peu froid, les nuits blanches, c'est pas pour moi.
Ils avaient presque atteint les quelques habitations terminées. Les korrigans semblaient danser pour assembler les pierres autour d’une maison en construction. Ces bâtisseurs de légende avaient offert une maison à chacune des morganes qui avaient fait ressurgir leur île. Marie et Esther avaient préféré s'installer ensemble et en laisser une à Arganthaëlle. Ils avaient ensuite proposé leurs services aux druides. Hugues, émerveillé par leur rapidité de construction, avait accepté malgré le prix fort demandé par les lutins.
— Ah bah ça petite ! Qu'est-ce que tu diras quand t'auras mon âge ?
— Oh non... j'ai presque cru que tu n'utilisais plus ce surnom ridicule.
— Dommage, hein !
Le viking prit une mine satisfaite. Ils s’approchèrent à peine que Gaël les rejoignit :
— Maëlyne ! ça va ? C'est super ce que vous avez fait pour Esther !
Hugues faillit s'étrangler.
— Super ? Mais tu plaisantes ? C'est stupide et dangereux, oui ! Ne les prends surtout pas pour exemple.
Il toisa son neveu d'un regard furibond et croisa ses bras tandis que Gaël et Maëlyne explosèrent de rire. Ils s'arrêtèrent net quand la muraille s'illumina brusquement.
— C'est quoi ça ? demanda le jeune homme.
— Aucune idée, répondirent Hugues et Maëlyne en même temps.
Ils se jetèrent un regard inquiet et coururent vers les korrigans qui venaient de stopper leur construction. Certains poussaient des piaillements aigus.
— Diwano, qu'est-ce qui se passe ?
— Une attaque.
— Une attaque ?
Maëlyne songea qu'elle n'aurait pas dû être si surprise. Ils se doutaient que Dahut ne laisserait pas leurs actions impunies. Cela faisait d'ailleurs des mois qu'elle scrutait anxieusement la surface de l'océan. Finalement, aucune queue de sirène n'avait annoncé l'attaque.
— Que se passe-t-il ? demanda Marie en sortant de chez elle.
— Nous sommes attaqués, expliqua Arganthaëlle.
La morgane se décomposa.
— Où ça ? demanda le Grand Druide.
— Nous pas savoir exactement. Aller voir portes.
— Je... vais rester avec Esther et Damien... Au cas où...balbutia Marie, ses tâches de rousseur plus que visibles sur sa peau d'un blanc inhabituel.
Maëlyne, Arganthaëlle, Hugues et, Gaël se précipitèrent en direction des portes, suivis par les deux druides et une troupe de korrigans.
Les digues étincelaient d'une lueur surnaturelle autour des portes. Comme le jour où elles avaient réussi à les fermer. Ils grimpèrent les marches à toute allure jusqu'au sommet.
Devant les portes, des morganes envoyaient des jets d'eau puissants en direction des portes tandis que sous la surface un kraken fonçait dans le bois tel un bélier.
Maëlyne reconnut des femmes qu'elle avait déjà croisé au palais, notamment la jeune Antonine au visage déterminé. Cette dernière était en première ligne. Aucune trace de la reine des abysses. Surprenant. A moins qu'elle n'arrive après pour se faire attendre... Ce serait bien le genre.
Hugues se tourna vers Diwano :
— Ils ont des chances d'y arriver ?
L'interprète se tourna vers les autres korrigans.
— Magie à nous puissante. Normalement résister. Mais beaucoup de puissance... Mieux vaut arrêter les morganes.
— Vous pouvez nous aider ?
— Korrigans vouloir protéger Ys !
Le visage sérieux de Hugues rassura Maëlyne. Il ne semblait pas trop inquiet et assumait son rôle de leader à la perfection.
— Ecartez-vous, tonna-t-il. Ne nous gênez pas !
Les druides se placèrent en ligne le long des remparts. La jeune femme en profita pour se mettre à leur droite avec Arganthaëlle.
— Je vais leur envoyer quelques jets. Tu m'aides ?
— Je vais voir si je suis capable d'improviser quelques sorts, marmonna la tante. Il est pas dit que je reste les bras croisés à regarder.
Maëlyne esquissa un sourire. Cela n'aurait pas été son genre, en effet.
Avec aisance, elle lança un puissant jet en direction d'Antonine. Celui-ci fit reculer la morgane et cesser son attaque. Elle lui lança un regard noir.
— Toi ! Traitresse ! hurla la jeune fille.
Et, au lieu de continuer à viser les portes, elle s'attaqua à Maëlyne qui se baissa à l'abri du mur pour se protéger. De l'eau franchit les remparts mais sans blesser quiconque. AuU moins, cela en faisait une de moins.
— On va s'occuper du kraken, annonça Hugues.
Il donna ensuite des noms de runes. Les autres druides acquiescèrent puis tracèrent rapidement les dessins sur leur carnet. Arganthaëlle les imita.
Maëlyne se releva. Antonine l'aperçut.
— Visez cette traitresse ! vociféra-t-elle.
Les autres morganes levèrent les yeux vers elle.
— Ce n'est pas que Dahut a ordonné, remarqua l'une d'elles.
— Parce qu'elle ne savait pas qu'elle serait là. Mais imaginez sa satisfaction quand on lui amènera sa dépouille.
Carrément ! Elle y allait franchement la petite ! Maëlyne n'en attendit pas plus et attaqua la gamine en plein visage. Des mois d'entrainement l'avaient rendue habile. Elle se protégea immédiatement avec un fin bouclier.
— Algiz Natuthiz Thurisaz, scandèrent les druides d'une même voix.
Celle d'Arganthaëlle se joignit à eux.
Sur les écailles obscures du kraken, des runes incandescentes se dessinèrent.
Antonine profita de l'inattention de Maëlyne pour l'attaquer avec une camarade. Leurs deux jets d'eau la surprirent et firent voler son bouclier en éclats. Elle riposta de suite sans parvenir à les toucher.
Le kraken gémit sous elle. Un malaise s'installa en elle. Cette attaque était ridicule. Ils en venaient à bout avec une poignée de défenseurs. Où était Dahut ?
Des halètements retentirent dans son dos.
— C'est un piège... Il y a une autre attaque...
Esther, essoufflée, Damien dans les bras, ne parvenait plus à parler.
— Où ça ?
— Les grilles d'évacuation... Dahut y est avec... des morganes et des krakens. Je suis venue aussi vite que j'ai pu.
— Diwano, appela Maëlyne. Y a-t-il un risque plus important au niveau des grilles ?
Avant même qu'il ne parle, elle lut la réponse sur son visage.
— Allons-y !
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