Le silence des étoiles mortes
J'ai perdu Lucas et je me sens complètement perdue. Le silence des étoiles mortes semble envelopper mon cœur brisé. Les souvenirs de notre bonheur passé me hantent, mais maintenant ils ne sont que des ombres lointaines dans l'obscurité de la nuit. Je me sens seule, perdue dans un univers sans fin, où même les étoiles semblent avoir abandonné leur éclat. Comment vais-je trouver la force de continuer sans lui à mes côtés ? Le vide dans mon âme semble insurmontable, mais je sais que je dois trouver un moyen de continuer à avancer. Peut-être que, lentement mais sûrement, je finirai par trouver une lueur d'espoir dans ce noir infini.
Je serre fort Starlight contre moi en regardant les étoiles dans le ciel. Pourquoi les étoiles brillent-elles autant alors que rien ne va ? Pourquoi me donnent-elles espoir alors que ça ne sert plus à rien ? J'ai perdu Lucas, je suis vide sans toi. Je ne sais même plus comment respirer. L'air ne passe plus dans mes poumons. Mon coeur rejette tout le sang qui devrait y entrer pour battre correctement. Mon corps est en train de s'auto-détruire suite à ta disparition. Là, à ce moment, je donnerais tout pour être à tes côtés et pour autant je suis certaine que je te regarderais, debout, à peut-être deux mètres de toi et je te crierais dessus et pleurerais. Je n'aurais plus foi. Mon Lucas, comment ferais-je pour te croire à nouveau ? Tu m'avais promis que l'on partirait ensemble et pourtant me voilà, ici, allongée au milieu d'un champ, dans le nord de la France, à observer des étoiles qui brillent tellement qu'elles m'en font mal à la tête. Tu sais, mon Lucas, à ce moment je ne dirais pas non pour boire une bière, qui sait, peut-être que j'aurais l'impression d'être avec toi. Mais non, je ne vais pas le faire. Ce serait trop facile de sombrer dans l'alcool. Et puis de toute façon quand je reviendrais à la vraie vie je me rendrais compte que tu ne serais pas là. Ce ne serait pas juste toi et moi. Et pourtant mon Lucas, mon amour, quand je mets le pull rouge, celui avec lequel tout a commencé, que je sens ton odeur encore dedans, j'ai l'impression que tu es là, moi dans tes bras, à regarder les étoiles au loin.
Les kilomètres défilent sous les roues du Grand California. Je crois qu'avec Alex nous avons trouvé un équilibre. Nous ne parlons pas beaucoup. Des fois nous rigolons. On se montre des gens qui font des grimaces dans les bouchons. Nous traversons la France, puis la belgique, les Pays-Bas et là nous sommes en Allemagne. Nous sommes en juin. Il fait bon mais pas très chaud. Les champs sont fleuris, c'est magnifique. Dès que je vois des coquelicots je sens mon coeur se serrer. Automatiquement je me mets à penser à Lucas. Je me revois courir avec lui dans les champs, morts de rire à ne plus pouvoir avancer. J'aimerais entendre son rire à nouveau. Des fois je regarde la vidéo que Tom m'a envoyé. J'observe la première image. J'avais l'air tellement heureuse, en forme, avec un corps qui fonctionnait. Maintenant j'ai des cicatrices le long de mes jambes. Je ne peux plus plier mon genou gauche normalement. Rien que mettre des chaussures est devenu un geste complexe. Je me haie pour ça. Je me haie pour ne pas avoir vu que Lucas n'allait pas bien. De ne pas avoir pu empêcher l'accident. Souvent, quand nous ne roulons plus, je m'installe dehors et mets mon casque audio. Je crois qu'Alex a compris que j'en ai besoin. Par exemple, là j'écoute Car Radio et ça me force à me centrer un minimum sur mes émotions. Je ressens pleinement la solitude à laquelle je suis confrontée. Des fois je pleure. D'autres moments je regarde au loin et me perds pendant des heures ou des minutes dans mes pensées. Je ne vois pas le temps passer. Je me remémore les bons moments que j'ai passé avec Lucas. Par moments je lui parle. Le silence me répond. Je lui pose des questions en regardant les étoiles. J'aime penser qu'il est là, en haut, parmis les étoiles, à guetter, à me regarder et à me soutenir dans cette descente en enfer. Je me retrouve confrontée au silence, le silence des étoiles mortes. Puis je me rapelle pourquoi je suis partie. Je le fais pour lui rendre hommage, aussi à la vie que nous avons eu, à nous, à l'amour, au vrai amour, fort, puissant, violent, qui vous prend les tripes. Et quand je me souviens ou plutôt me rends compte qu'il n'est pas là, j'ai mal. J'ai l'impression qu'on me donne des coups de marteau sur mon coeur, qu'un rouleau compresseur l'écrase ou ce qu'il en reste. Des fois Alex arrive à ce moment, quand je chute. Il s'installe à côté de moi. Nous ne parlons pas. De toute façon je n'y arriverais pas de toute façon.
"Manon, j'ai une question. Enfin deux exactement.
- Vas-y.
- T'es pas obligée de répondre. Si t'as pas envie ou que ça te dérange le fais pas.
- T'inquiète Dubois. Faut que je parle je crois. J'en peux plus là.
- Ok euh, tu comptes faire quoi maintenant exactement ?
- Euh bah parler avec toi en regardant les étoiles avec Starlight entre mes bras puis essayer d'aller dormir.
- Non mais genre dans la vie ? Vu que si j'ai bien compris tu peux dire adieu au running et t'as pas fait de formation.
- Merci pour la piqûre de rappel...
- Pardon mais c'est juste je savais pas comment assurer le sujet et je me suis dit que le plus simple était d'être le plus direct...
- T'as peut-être raison. De toute façon il faut bien que je sois confrontée à la réalité... dis-je plus pour moi que pour lui. Bah honnêtement je ne sais pas. Toute ma vie je n'ai fait que courir. On m'a appris ça. Et puis qui voudra de "la pauvre Manon Reynolds qui en plus d'avoir perdu son sport, son métier, sa passsion, a aussi perdu la seule personne qui pourrait l'aimer" ?
- Hein, mais attends, de quoi tu parles là, Reynolds ?
- Rien, tinquiète.
- Non, raconte. On est bloqué ensemble pour un bout de temps donc accouche.
- Euh, bah, t'as pas lu les journaux, regarder la télévision ou les réseaux sociaux ?
- Non, c'est pas trop mon truc.
- Bah, euh, les gens écrivent ça. Au début c'était assez rare mais maintenant c'est, euh, comme plus courant.
- Tom le sait ?
- Non, enfin je ne crois pas. Mais je ne veux pas qu'il le sache. Il s'inquiète déjà assez. Je ne veux pas lui rajouter un autre poids.
- Eh, t'es tout sauf un poids pour Tom, ok ? T'es une des personnes les plus drôles que je connaisse, t'es une vraie étoile meuf, t'es juste dans une phase où tu brilles un peu moins.
- J'ai même l'impression d'être une étoile éteinte...
- Eh bah partons à la recherche des étoiles éteintes alors ! Deal ?
- Euh ouais, deal. On est d'accord tu parles bien d'aller dans le Sarek, là ?
- En Norvège, ouais !
- Le Sarek c'est en Suède ! On va en Suède pas en Norvège Dubois !
- Direction le Sarek en Suède ! À la recherche des étoiles éteintes !
- T'avais pas une deuxième question ?
- Si ! Pourquoi ton chien s'appelle Starlight ?
- C'est une longue histoire...
- Comme je t'ai dit Reynolds, on a plein de temps. Donc vas-y raconte.
- Ok. Avec Lucas on aimait se poser comme ça, s'allonger et regarder les étoiles. Et depuis longtemps on voulait prendre un chien. Quand on a décidé d'adopter Starlight on nous a demandé un nom. On a paniqué et on a répondu à l'unisson Starlight. Ce n'est que le soir que nous avons parlé. En fait, chacun a pensé à un moment préféré et c'était pour nous deux nos soirées à la belle étoile. D'où Starlight.
- C'est pas long comme histoire. Mais c'est mignon Reynolds. C'est bon, c'est validé.
- Merci, enfin je crois merci.
- Bon Reynolds, c'est pas que je n'aime pas parler avec toi, bien au contraire même, si ça continue je pourrais plus t'aimer que ton fichu frangin, mais je vais aller me coucher moi. Demain il y a de la route et il faut que je dorme. Donc au lit.
- T'as raison. Qui sait, peut-être que je vais réussir à dormir un minimum correctement...
- J'espère pour toi ma vieille. Si besoin je suis de l'autre côté du van.
- Merci Alex. Vraiment.
- T'inquiète Reynolds. Allez bonne nuit ! Bisous mon Starlight !
- God natt. Je reste encore un peu là.
- Tu veux que je reste ?
- Comme tu veux. Mais vraiment, t'inquiète pas, vas te coucher !
- Vas-y, il fait pas froid, il n'y a pas de nuages, je peux rester là. Au pire s'il pleut on rentre ou s'il y a un truc chelou que tu vois tu me réveilles.
- Sûr ? Genre tu préfères dormir là que dans ton lit ?
- Bah je t'avoue que j'aime bien le confort du lit mais on est là pour l'aventure et aussi je n'ai pas tellement envie de te laisser seule, là, au milieu d'un champ alors que ça n'a clairement pas l'air d'aller Reynolds.
Sur le coup, je suis tellement sonnée par sa franchise que je ne sais pas quoi répondre. Je le regarde et il commence à se marrer.
- Pourquoi tu me regardes avec des yeux de merlands fris Reynolds ?
- Euh rien, c'est juste que je n'ai plus l'habitude qu'on soit si transparent avec moi.
- Ah merde. Tu veux que j'arrète ? Vu que je peux. Tu me le demandes et j'arrète sur le champ. Sans mauvais jeux de mots.
- Non, surtout pas. Plus personne ne me parle, sans pour pas que je m'effondre mais le silence est encore pire.
- Je crois que je comprends. Donc je continue d'être complètement moi ?
- Bah si c'est le Alex que je vois, oui, vas-y. Honnêtement, ça fait du bien. J'ai l'impression qu'il y a enfin quelqu'un qui me voit, moi, Manon Reyolds, plutôt que la fille cassée à qui on ne dit plus rien.
- Ok. Bon bah je continue. Je vais dormir m'dame. Si besoin je suis là, ok ?
- Merci Dubois. Vraiment, merci.
- Bah merci pourquoi ?
- D'être là, de me suivre dans mon délir sans poser de questions.
- Eh m'dame, ça ne me dérange vraiment pas. Comment je pourrais dire à une telle aventure ?
- J'ai une question moi aussi.
- Vas-y Reynolds.
- Je croyais que tu détestais l'aventure, voyager en van, camper, faire de la randonnée, alors pourquoi tu es là ?
- Alors, déjà, moi, j'adore ça. C'est ton frangin qui a horreur de ça, pas moi. Et puis Manon, on se connait depuis plus de vingt ans, ce n'est pas parce que tu es la jumelle de mon meilleur pote que je ne te porte pas dans mon coeur pour autant. Et jamais je n'allais te laisser montertoute seule dans cet état. En plus ça faisait longtemps que je voulais partir comme ça et je crois que j'en avais besoin moi aussi.
- Dubois, si toi aussi tu veux parler, hésite pas. Je suis là.
- Honnêtenement je ne veux pas te soûler avec mes histoires.
- Tu m'enquiquinerais pas. Et je ne dis pas non en plus. Je ne te le proposerais pas si ça me dérangerait.
- Non mais aussi des fois ça fait du bien d'écouter les histoires des autres. Ça permet un peu d'oublier.
- Oui c'est ça. Mais comment tu sais tout ça Dubois ?
- Tout le monde a des bagages Reynolds. Plus ou moins lourds mais tout le monde en a.
- Tu sais quoi, on a un long trajet et pas de date de retour donc tu pourras me partager tes bagages si tu en as envie.
- Merci Reynolds.
- T'inquiète Dubois. Bon tu ne voulais pas dormir à la base toi ?
- Allez bonne nuit Reynolds.
- Bonne nuit Dubois."
Pour la première fois depuis plus de trois semaines j'ai bien dormi, là, dehors, à la belle étoile, dans mon pull rouge, blottie contre Alex.
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