XVI

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 Ce n’était pas la première fois qu’Élaine vivait une nuit si troublée. À vrai dire, les mauvais rêves se faisaient de plus en plus fréquents. Dans celui-ci, elle se trouvait enceinte de Xavier et la joie du couple était à son comble. La famille de son compagnon, égayée par la bonne nouvelle, s’empressait autour d’elle pour lui indiquer pas à pas tout ce que son état exigeait à l’évidence qu’elle fasse. Elle prenait scrupuleusement des notes et, encouragée par Xavier, suivait à la lettre leurs recommandations, quand bien même elle n’était pas d’accord, afin de ne pas les vexer.

 Son ventre s’arrondissait de plus en plus, peut-être plus vite que ce que la nature ne dicte. Arriva enfin le grand jour de l’accouchement, qui devait signer l’apothéose familiale. Élaine, dans une grande blouse de malade, poussait de toutes ses forces et suait à grosses gouttes. Mais aucune petite tête nouvelle ne pointait. À court de solutions, la sage-femme fit appel au médecin obstétricien de la clinique. Celui-ci décida le recours aux forceps, qu’il introduisit promptement dans l’orifice en souffrance. C’est là que l’expulsion, spectaculaire, se produisit.

 Au lieu du corps gluant d’un nouveau-né en pleurs, une marée brune se déversa du ventre plein. Le personnel médical, choqué, fixait la scène avec une fascination morbide. Les excréments s’étalaient sur le lit et tombaient jusqu’au sol. Face à cette vue abominable, une intense sidération s’empara d’Élaine, dont les jambes se mirent violemment à trembler. Son regard consterné chercha un soutien, une explication. Mais elle se rendit compte avec horreur que sa belle-famille, elle, regardait ce déversement méphitique d’un œil profondément attendri et ému. Élaine se mit alors à hurler.

 Et elle se réveilla dans un brusque sursaut, happant éperdument l’air et tressautant comme le cadavre harcelé d’une grenouille en cours de biologie. Xavier ne put pas ne pas se réveiller. Il lui demanda ce qui se passait. « J’ai fait un cauchemar » réussit-elle à lui dire, une fois son souffle revenu. Son cœur battait encore à grands coups et elle sentait sur elle se refroidir la transpiration qui avait suinté de sa peau. « C’était atroce. »

 Élaine attendit avec terreur et espoir que Xavier lui demande le contenu de son rêve. Mais il ne le fit pas. Avec une moue compatissante, il la serra dans ses bras, posa un tendre baiser sur son épaule, cala son front dans son cou et se rendormit très vite.

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