Octobre 2022

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4 octobre 2022

Je suis de retour à Paris. Tout s’est enchainé vraiment vite. Tellement vite que je n’ai pas compris ce qu’il m’arrivait. Samedi et dimanche j’ai dit au revoir à mes amies, à mes collègues et j’ai commencée les démarches pour arrêter ma session. Et maintenant me voilà, de retour dans cet appartement de Paris, dans une chambre qui n’est pas la mienne et sans rien à faire. J’ai passé 6h dans l’avion puis 6h dans la salle d’attente des urgences. On a fini par voir une dame d’une clinique spécialisée dans les TCA qui m’a dit que si je ne me motivais pas j’allais mourir. Apparemment mon cœur est trop faible. Je n’ai pas les clefs de mon appartement de Paris, pas d’argent, pas d’amies et interdiction de faire de l’activité physique sous peine de mourir. Je veux retourner à Québec, là ou il y a ma vraie vie.

Je n’ai rien à Paris, rien du tout.

10 octobre 2022

Une journée qui s’annonçait bien avec une petite virée à la Fnac pour trouver des livres. Mais après j’ai eu RDV avec un médecin et c’était un peu dur pour le moral… D’après elle, c’est nécessaire que je me fasse hospitalisée pour être renutrit. Les parents sont ultra stressés et paniqués. Je n’ai plus le droit de rien faire à cause du risque trop élevé de l’attaque cardiaque. Donc je reste confiné à la maison en attendant une place dans un hôpital. Je n’arrive pas à réaliser. Pour moi, rien de tout ça n’est réel. Je ne pourrais peut-être jamais retourner à Québec. Je ne sais pas combien de temps vont durer les soins.

17 octobre 2022

Encore et toujours des résolutions qui partent à la poubelle. J’ai encore fait une crise de panique pour une tartine de saumon après mon déjeuner. Les parents ont crié, j’ai crié et ça s’est enchaîné avec une discussion de 4 heures sur les efforts a faire. On dirait que peut importe les motivations, les résolutions, ou mes idées, il y aura toujours une petite voix dans ma tête qui va prendre possession de moi et m’empêcher de guérir. C’est tellement difficile et fatiguant de toujours devoir lutter.

24 octobre 2022

Ça y est, c’est le grand jour. Aujourd’hui je prépare ma valise et je déménage à l’hôpital. Je me suis réveillée à 6h30, à cause de stress surement. J’avais mangé pendant la nuit : du fromage et une barre mais je me suis quand même forcée a manger un gros petit déjeuner. C’est vrai que je suis plutôt stressée. Stressée d’avoir mangé, de devoir manger, d’aller dans un endroit inconnu, d’être toute seule. Mais y-a-t-il des moments où je ne le suis pas : stressée ? Oui, je pense… J’ai vu sur le site de la clinique qu’il y avait des activités, ça va peut-être être cool… Surtout, ça va me forcer à écrire. Je vais essayer d’utiliser ce temps à bon escient : apprendre l’italien, écrire un livre, faire du tricot, écrire une BD, lire, …

C’est bon, je suis dans ma nouvelle chambre à la clinique. Ça ressemble un peu à une chambre de résidence universitaire. La différence c’est qu’il y a une salle de bain dans ma chambre. J’ai fait plusieurs examens médicaux : électrocardiogramme, prise de sang, glycémie, … J’ai vu 2 médecins et une infirmière et demain je vois la nutritionniste. Les gens ont l’air plutôt sympa mais je pense rester dans ma chambre ce soir. Et peut-être sortir au salon de l’étage à 21h pour prendre une tisane. Par contre on m’a retiré ciseaux, taille crayon, aiguille à tricoter à cause du risque de suicide… J’ai très peur de me sentir enfermée dans ma chambre mais bon je n’ai pas trop le choix. La médecin qui m’a vu à parler de me poser une sonde pour m’aider à me renourrir. Ça fait peur mais je suis motivée à tout faire pour guérir. De toute façon, ici je n’ai pas d’autre choix que de me reposer et me concentrer sur la guérison. Ce qui m’énerve c’est que je mange seule, enfermée dans ma chambre. Donc dans l’espace ou je dors et ou je me détends. Il va falloir que je me crée des routines avant et après repas pour éviter d’être tout le temps enfermée dans ma chambre. Déjà avec un diner a 18h15 je risque d’avoir faim le soir donc je vais surement diviser mon repas en plusieurs fois. Pour la soirée, j’ai prévu écriture de journal, lecture et film dans mon lit. J’espère bien dormir, demain je vois la masse de médecin et il y a une petite réunion présentation de la clinique avec d’autres nouvelles arrivantes. Il ne faut pas que je commence déjà a stresser, paniquer ou déprimer. Il faut se concentrer sur la guérison.

Le repas est fini. J’avoue que j’aurais pu faire plus d’effort. Pour un premier soir, j’ai tout laissé sur le plateau. Demain, réunion nutritionniste ça va aller mieux. J’ai écrit dans mon journal et une infirmière est venue me voir pour savoir si je tenais le coup. Maman vient me rendre visite dès demain pour apporter 2 ou 3 trucs. Ça va aller.

25 octobre 2022

Première vraie journée à la clinique. J’ai vraiment super mal dormi, j’étais stressée, j’avais faim, j’ai même appelé une infirmière pour qu’elle me donne à manger et elle m’a dit qu’elle ne pouvait pas. Je me suis réveillée à 5h45, j’ai essayé de me rendormir mais je n’ai pas vraiment réussi. À 8h on m’a pesé, pris ma tension, mesurer ma glycémie et après j’ai eu le droit au petit déjeuner top du luxe : un yaourt nature et une pomme à l’apparence douteuse. Je ne vois pas comment ils sont supposés nous redonner envie de manger avec leurs plats tellement mal présentés. Là, j’aimerais vraiment sortir de ma chambre pour aller sur la terrasse mais on ne sait jamais quand quelqu’un va débarquer dans la chambre pour prendre des constantes ou autres. Je sais déjà que la nutritionniste doit passer ce matin mais quand ? La matinée c’est tellement vague.

J’ai enfin vu la diététicienne. On a eu une longue discussion sur moi et mes objectifs et à la fin on a fait un planning des repas et elle m’a dit que j’aurais 500kcal dans une sonde pendant 6h. Elle a vraiment été très gentille et claire. Puis maman est arrivée mais on a été interrompue par la kiné. J’ai eu le droit à 20 min de massage et c’était trop bien. Puis je suis allée rejoindre maman sur la terrasse et on a discuté de notre journée jusqu’à ce que les heures de visites se terminent.

Ensuite une infirmière m’a posé la sonde.

27 octobre 2022

J’ai sauté le pas et j’ai prévenue mes amies du lycée que j’étais malade. C’est aussi une étape importante face au déni. Capucine m’a appelé et elle a dit qu’elle arriverait immédiatement avec des fleurs et j’ai trouvé sa réaction vraiment bien. Sa positivité, qui m’avait tant énervée au lycée en fait j’en ai besoin en ce moment. Je suis de tellement meilleure humeur récemment même si les repas sont extrêmement anxiogènes. Le problème c’est que même en ayant diminuer de moitié les quantités j’ai du mal. J’ai extrêmement mal au ventre. Ce qui crée des crises de panique c’est de sentir mon corps et ses sensations.

Je viens d’avoir la discussion la plus difficile et bénéfique de ma vie et je dois essayer de la raconter. En descendant sur la terrasse, j’ai fait la rencontre d’une dame de la cinquantaine qui souffre de TCA depuis 40ans. Elle m’a demandé ce que je lisais, mes passions, mes études et puis avec les larmes aux yeux elle m’a demandé de m’en sortir.

« Tu es jeune, s’il te plait sors toi de cette merde. Pour moi c’est déjà fini. »

J’ai promis d’essayer, de tout donner, de réussir.

Cette rencontre, je crois que je m’en rappellerais toute ma vie. Il faut que je puise dans la force que tout le monde me donne et que je m’en sorte. Mais j’ai tellement peur. J’ai mal au ventre rien qu’à la pensée du diner qui va bientôt arriver. C’est dur car ce n’est pas seulement mental mais physique. Ce sont les sensations physiques de la faim, de la satiété, de la digestion, qui me font peur.

30 octobre 2022

J’en ai marre du corps qui ne veut pas guérir malgré ma volonté, qui continu à me dire stop après deux cuillères de soupe. Ce corps qui me fait ressentir des choses désagréables ou douloureuse. J’ai de plus en plus mal au ventre pendant les repas, je stresse tout le temps, et les pincements au cœur ont repris en force. Je mange tout les jours la même chose sans aucune variété. Et je me dis que mon corps ne mérite pas mieux que ça. Et pourtant, je suis tiraillée par cette volonté de guérir, de sortir d’ici, de reprendre ma vie en main.

Aujourd’hui, ce n’est pas vraiment ma meilleure journée. J’ai déjà pleuré 2 fois par terre dans ma salle de bain. Le psychiatre a dit qu’il allait me donner des anti-dépresseurs. J’ai fait un ECG pour ces pincements au cœur qui ne s’arrêtent pas. J’ai l’impression que rien ne va. J’étouffe de plus en plus enfermée ici. Il y a une semaine j’étais à la campagne et maintenant je bois du café degeulasse et l’infirmier se sent obligé de discuter pendant 4 h alors que je veux juste être en paix. Je ne me sens pas bien. J’ai envie d’arracher ma sonde et de m’enfuir loin d’ici. Je veux retourner dans ma tête, avec Lisa. J’ai envie de rien.

J’ai refait une crise de panique pendant le repas. Je ne voulais pas manger. J’ai pleuré durant tout le déjeuner. J’étouffe ici. J’étouffe dans mon corps. Je me sens comme dans une prison de laquelle je ne peux pas m’échapper. Ce corps malade et fragile que je hais plus que tout. Donnez-moi des médicaments, je veux partir. Mon esprit veut voyager, découvrir, apprendre, rencontrer, crée, … et le corps est malade. Le corps est comme une prison. Un support défectueux chargé d’accueillir mon esprit. Mais mon esprit est plus grand que le corps, laissez-moi partir.

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