1.1.4 Préjugés
Encore un cours de défense contre les forces du mal. Je suis le meilleur dans ce cours. Je connais un maximum de créatures et de sorts. Alice et Rodrigue sont bons élèves aussi, mais à ce cours, c'est moi le boss. Tous les trois, nous nous chamaillons, toutes matières confondus, pour avoir la première place dans le classement des élèves, au grand dam des Serdaigles dont aucun ne parvient à se hisser sur le podium.
Face à mon savoir et à mes exploits, le professeur ne cesse de me féliciter, ce qui a le don d'énerver mes camarades, pour m'amuser et les faire enrager davantage, j'en rajoute une couche. J'aime me sentir le meilleur.
L'enseignement prodigué la première année est très théorique. Je n'apprends pas beaucoup de nouvelles choses. Je pense que le but de ce cours est de bien faire comprendre le distinguo entre la magie blanche et la magie noire, de nous apprendre que le danger est partout.
Seule la connaissance peut nous aider en cas de soucis. Savoir les faiblesses et les forces de notre adversaire, qu'il s'agisse d'une bête ou d'un lanceur de sort peut nous fournir de quoi nous protéger et déjouer les attaques.
Le professeur nous enseigne les connaissances théoriques, également l'art de l'observation et de la déduction. Un sort possède un contre sort. Une créature a son talon d'Achille. J'aime sa façon de décortiquer et d'analyser. Son cours est ludique, nous nous prenons pour des petits Sherlock Holmes en herbe. La plupart d'entre nous s'amusent tout en apprenant. La pédagogie de notre maître est vraiment formidable. C'est mon cours préféré et de loin.
Vers le milieu du cours, le professeur note le total désintérêt de Maeve. Elle rêvasse, ses yeux suivant un petit oiseau qui picore à la fenêtre. Je l'ai vue bâiller et cela m'irrite un peu. Elle n'a rien écrit sur son cahier, mordille son stylo, absorbée par sa contemplation du bruyant volatile. Le professeur aime tellement sa matière qu'il s'énerve et lui demande pourquoi elle est autant distraite. Elle se tourne vers lui d'un air nonchalant et le regarde avec détachement, sa tête toujours appuyée dans la paume de sa main.
- Avec tout le respect que j'ai pour le corps enseignant, permettez-moi de vous dire que je ne comprends pas l'utilité de ce cours monsieur. Puisque Voldemort et tous les mangemorts ont été tués ou neutralisés, la magie noire n'existe plus. Pourriez-vous me dire la raison pour laquelle nous devons-nous apprendre à nous battre les uns contre les autres ? N'est-ce pas un moyen d'entretenir la haine ?
- Parce qu'ils peuvent revenir et que d'autres créatures maléfiques existent encore comme les gorgones. Ces monstres doivent être tués. Je lui réponds d'un ton sec.
J'ai coupé la parole au professeur. Je ne supporte pas qu'on se montre aussi légère avec un cours si essentiel. Les mages noirs sont des sorciers qu'il faut combattre avec rage et vaillance. Certains de mes ancêtres en étaient et je ne veux pas que des gens pareils puissent revenir. Ce cours est le plus important de tous à mes yeux et entendre remettre en question cet enseignement si indispensable est une aberration qui me rend furieux. Les yeux violets de Maeve me foudroient. Elle quitte sa posture avachie et se redresse, me jaugeant avec mépris.
- Tout le monde ne peut partager vos envies de guerre votre majesté. Certains aspirent à la paix et à d'autres solutions pacifiques. Quant à vos créatures, vous ne les connaissez pas. C'est un peu trop facile de les juger en monstre. Du point de vue moldue, les sorciers étaient des monstres. Auraient-ils dû-vous exterminer comme vous souhaitez le faire ? Vous vous êtes cachés par peur de l'extinction, en pauvres trouillards, laissant des créatures disparaître sans réagir ou les protéger.
Nous sommes debout face à face, le corps tendu. Si nos yeux étaient des mitraillettes, nos camarades entre nous seraient pris entre deux feux. Ils se font tous petits et se ratatinent sur eux pour ne pas entrer dans nos champs de vision. La colère monte en moi en entendant les mots méprisants de Maeve à l'encontre de ce cours et des sorciers. Comment peut-elle tenir de tels propos après ce que je lui ai enseigné sur l'Histoire de la sorcellerie. Je suis écœuré par son attitude. J'ai envie de lui envoyer un sort pour la faire taire.
- Tu ne connais rien du monde magique. Il y a deux mois, tu ignorais tout de nous. Comment peux-tu oser dire de tels mots et prendre ce cours à la légère. Tu ne sais rien de notre Histoire. Tu n'as aucun respect pour le monde de la magie. Tu bafoues les valeurs du monde des sorciers. Tu renies ce que tu es. N'oublie pas que tu es toi aussi une sorcière, tu craches sur ton passé, sur ce qui fait chacun de nous aujourd'hui. Tu craches sur ceux qui se sont battus pour la paix.
- Je n'ai pas la même conception de la magie que sa seigneurie certes. Mais cela ne veut pas dire que c'est moi qui suis en tort. Et oui, je n'ai aucun respect pour les petits cons prétentieux qui se croient supérieurs parce qu'ils savent agiter une baguette. Être sorcier ne veut pas dire que vous êtes les meilleurs. Juste que vous savez faire certaines choses. Vous oubliez tout ce que vous n'êtes pas capables de faire. Un parfait exemple. Aucun sorcier ou sorcière n'a créé de musique ou de chansons. Vous ne faites que reproduire celles inventées par les moldus. Vous manquez de créativité.
- Et alors ? À quoi ça sert la musique ? C'est totalement inutile. La musique n'a jamais servi de grandes causes ou défendu les gens.
- Tu devrais te cultiver un peu, espèce d'ignare. La musique permet de rassembler un grand nombre de gens pour recueillir des fonds pour de grandes causes, elle alerte l'opinion publique contre les guerres inutiles et soutient les peuples qui ont faim ou souffrent. La musique reflète les sentiments qui nous rendent humains, l'amour, la compassion, la douleur, la tristesse. La musique, ca sert à me calmer les nerfs pour ne pas exploser vos gueules d'andouilles prétentieuses.
- Te calmer les nerfs ? C'est plutôt une camisole de force et un bon coup de pied au cul qu'il te faut. Le fait que tu sois née moldue n'est pas une excuse pour ton ignorance et ton jugement hâtif. Tu fais honte à ta maison Serpentard, tu fais honte à tes amis pour peu que tu en as ici, tu fais honte au monde des sorciers. Ton mépris est inadmissible.
- Tu es vraiment persuadé d'avoir raison... C'est triste de constater les œillères que tu portes. Tu encenses tellement le monde des sorciers que tu ne te rends pas compte du mal qui a été fait. Les sorciers sont méprisants, hautains et se pensent supérieurs aux autres, je ne parle pas des moldus, mais des créatures magiques que tu veux exterminer avec tes envies de sang.
Au fur et à mesure de notre dispute, Maeve s'entoure d'une boule de vapeur violet et vert qui semble se regrouper au niveau de son cœur. Nous respirons avec tension, continuant à nous opposer du regard. Nous avons les dents serrées, prêts à mordre. Le professeur nous parle, je n'entends rien, trop concentrée sur Maeve et mon envie de l'étrangler. Sa vapeur, qui s'accumule, ne m'effraye pas. Je ne suis pas un froussard et j'ai bien l'intention de la remettre à sa place.
Brutalement, la boule explose et les vitres de la salle volent en éclats. Le professeur et les élèves, y compris moi, décollent du sol pour être projetés sur les murs avec fracas tandis que Maeve sort en courant de la classe. Si je la retrouve, je lui fais bouffer sa baguette.
Maeve sèche les cours toute la semaine. Personne ne la voit. Les professeurs ne semblent pas s'étonner de son absence. Sarah ne la surprend pas au dortoir des filles, j'ai fouillé le reste de l'école. Elle m'énerve, je veux lui dire ma façon de penser. Si personne ne la recadre, je m'en chargerai.
Maeve réapparaît comme si de rien n'était au premier cours du lundi matin. Elle est accompagnée du professeur Bordial qui la fait s'asseoir dans un coin de la salle. Il n'est pas difficile de voir qu'elle boude. Il suffit de regarder ses yeux violets renfrognés et ses poings serrés. Le professeur s'approche de moi et me demande, en tant que meilleur élève de Serpentard, de bien vouloir donner mes notes de la semaine dernière à Maeve pour qu'elle rattrape les cours. Je lui lance un regard furieux.
Elle plonge ses pupilles dans les miennes. Je ressens un grand froid tout un coup et l'envie de pleurer sans raison. Quelque chose me vrille le cœur, faisant remonter à la surface tous mes souvenirs douloureux et tristes. Le professeur me secoue l'épaule et me fait revenir à la réalité. J'accepte à contre cœur, n'ayant pas le choix, de fournir mes notes à la jeune fille, cependant, je prétexte ne pas les avoir sur moi pour ne pas répondre immédiatement à l'ordre du professeur.
J'ignore toute la journée Maeve, elle a entendu le professeur et elle doit attendre que j'obéisse sans broncher, ce qui me donne encore plus envie de la faire poireauter. Une fois les cours finis, je récupère mes notes et lui jette sur les genoux alors qu'elle est assise à la table de la bibliothèque en train de faire ses devoirs.
Elle sursaute de surprise et me dévisage d'un air perplexe. Elle attend que je parle. Je la toise du regard, méprisant et furieux. J'ai tellement de choses à lui dire, si je commence à ouvrir la bouche, c'est un déferlement de colère qui risque d'arriver. Je me contiens, le temps de calmer ma fureur.
- Débrouille-toi avec ça et n'attends pas d'explications ou d'aide de ma part.
Je pars dans la direction opposée, avant d'en dire plus et de regretter mes propos. Je me suis montré imbuvable, ne me préoccupant pas de sa longue absence. J'ai tellement envie de lui crier dessus. Je dois me retenir pour ne pas exploser. Je ne veux pas lui montrer combien elle est capable de me faire sortir de mes gonds. Je rassemble mes esprits pour rester ce mec inaccessible et froid que tout le monde craint et respecte. Je vais me poser dans un coin, dans un fauteuil confortable avec un roman que je ne lis pas, pour me donner une contenance.
Entre mes notes et les deux gros livres qu'elle a empruntés à la bibliothèque, la table sur laquelle Maeve est installée, est recouverte et pas un morceau de bois n'est visible. Malgré moi, je ne cesse de regarder ce qu'elle fait. Toute la soirée, je vois Maeve recopier mes notes en silence. Personne ne lui parle, malgré ma colère, je trouve cela triste de la voir si seule.
Nous sommes appelés pour le repas du soir. Elle marche lentement en pestant. Maeve est la dernière de la salle à rentrer. Elle est en bout de table, loin de nous, sur la dernière place de libre, celle qui est la plus proche de la sortie. Elle mange en silence sans jeter un œil à quiconque. Le repas fini, dès que les professeurs nous autorisent à sortir de table, elle part en courant vers la bibliothèque.
Le préfet la ramène au cours de sa ronde. Elle était encore dans la bibliothèque et y a passé toute la soirée pour travailler. Elle le suit en ronchonnant, pestant de devoir retourner dans les dortoirs alors qu'elle veut continuer à rattraper son retard. Elle s'apprête à aller dans sa chambre quand elle m'aperçoit.
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