2.1.1 Amorphe

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Septembre arrive. C'est la rentrée. À peine dans le train, je réserve ma place dans une cabine de huit personnes. Horace, Sarah et Jamie arrivent très vite. J'en profite pour faire le tour du train et repère Maeve dans un coin tout au fond de la dernière rame. Elle se cache. 

Je chope sa valise pour qu'elle m'accompagne. La donzelle cache son visage dans un manteau avec capuche et me suit en soupirant. Les gars la prennent dans leurs bras dès qu'elle arrive. Elle semble ailleurs. Ses yeux sont noisette, ses cheveux attachés et disciplinés, la jeune fille ne parle quasiment pas.

Horace renouvelle sa demande d'adoption. Elle lui fait un sourire triste, mais accepte de se faire adopter. On la presse de questions. Elle élude et ne veut clairement pas parler de son été ou d'elle. Je ne la reconnais pas. Elle semble si calme, douce et sage. Ce n'est pas Maeve. 

Je veux voir les yeux violets. Alors, je fais mon crétin prétentieux pour la titiller. Elle refuse la bagarre et acquiesce poliment à mes dires, même quand je critique les moldus. D'un coup, Sarah la pince. La brunette pousse un petit cri de douleur et masse son bras à l'endroit du pinçon, mais ne dit rien.

Elle se lève en silence et sort de la cabine, sa valise vole à travers le train. Maeve regagne sa place au fond du dernier wagon. Horace puis Alice essayent de la sortir de sa cachette. Alice vient même nous parler, la trouvant bizarre et ne la reconnaissant pas, comme nous. 

J'entends soudain les discussions des autres élèves à voix basse. Ils la prennent pour un monstre. Plusieurs parents se sont plaints après que leurs enfants leur aient raconté la scène de Pré au lard. Ils voulaient lui interdire l'accès à Poudlard. Les élèves ont peur d'elle. J'apprends que l'école française de Beauxbâtons a refusé de l'inscrire.

Maeve est française ? L'an dernier as dû être un enfer, loin de son pays, dans un monde qu'elle ne connaît pas et avec des pouvoirs qui l'effraient et qu'elle ne contrôle pas et surtout un tas d'abrutis qui lui parlent mal. Pas étonnant qu'elle se soit isolée et énervée. Maintenant, en plus, les élèves ont peur d'elle. Je me sens triste pour mon petit canard. 

Puisqu'elle refuse de parler et de revenir dans la cabine, je m'assois à côté d'elle et m'occupe de faire taire tous ceux qui s'approchent pour l'insulter. Mon poignet me brûle un instant. Mon bracelet a chauffé. Les yeux des serpents ont changé. Celui à couronne a des yeux gris brillants, les autres reptiles ont des yeux émeraudes verts. Le dernier, celui qui est caché au sein du poignet, des yeux de saphirs violets.

Maeve me tourne toujours le dos. Peu importe, je lui fais une bise sur l'épaule pour la remercier. Je m'aperçois alors qu'elle dort à poings fermés. Horace me rejoint. Il pose sa veste sur elle. On décide de se relayer pour veiller sur elle durant tout le trajet. Mon petit canard ne bouge pas. Elle semble épuisée. Lorsque nous arrivons, elle tient à peine debout, ne parle pas, mange rapidement et fonce au lit.

Le lendemain matin, elle descend dans la salle commune déjà habillée. Sarah nous murmure que le pyjama licorne a disparu. Maeve porte un pyjama noir sans décorations. La peluche de petit chat aussi. Par contre, elle a un vrai chat maintenant. Une femelle rousse qu'elle appelle Line et qui recherche les câlins.

Durant un mois, nous faisons face à une coquille vide qui se contente de caresser son chat, plus sociable qu'elle et qui semble adorer Horace. Je finis par aller trouver le professeur Bordial et lui dire que ce n'est pas notre amie qui est là.

- Si c'est elle. Elle a juste besoin de temps. Son été fut éprouvant.

Il me met à la porte sans plus d'explications. Je dois réveiller Maeve. Je profite qu'elle est seule dans un coin pour lui envoyer des gouttes d'eau au visage. Il me faut au moins dix gouttes avant qu'elle ne tourne les yeux vers moi. Je lui en renvoie une sans même me cacher. Elle sourit tristement et part en courant sans raison.

Je la revois en cours de métamorphose. Elle semble ailleurs et se tient de l'autre côté de la classe, loin de moi, Jamie, Horace et Sarah et des autres. Mon petit canard a pleuré. Je parviens facilement à transformer mon animal en verre à pied avec brio. Mon récipient se remplit d'eau. 

L'eau sort du gobelet discrètement et me mouille les cuisses, puis gèle. Le liquide se réchauffe et va dans mon dos pour remonter à ma nuque et regèle. Je passe le cours avec un dos glacé. Je souffre en silence. Je sais de qui ça vient, toutefois ses yeux restent noisette et ternes.

Le prochain cours est la défense contre les forces du mal. Chouette des duels. Il faut se combattre. Je désarme vite mes adversaires. Il ne reste plus que quatre. Alice, Rodrigue, moi et Maeve. La présence de mon petit canard est très étonnante. Elle déclame d'une voix morne ses sorts cependant elle réussit ses duels avec une très grande facilité. Je suis face à Rodrigue. Je gagne avec difficulté.

C'est au tour d'Alice et Maeve. En quelques secondes, Alice se retrouve muette, ligotée et bâillonnée par une corde. Le professeur tique. Personne n'a entendu les mots prononcés par la brunette. Tout le monde sait de quel sortilège il s'agit, un que l'on n'a pas le droit d'utiliser en cours : le sortilège du saucisson. La rouge et or va bien. Elle regarde bizarrement la coquille vide qui est restée immobile. On dirait un zombie.

Je vais donc affronter cette fillette sans émotions. À moi de la faire réagir. Maeve répond en fonction du sort qu'on lui envoie. J'ai une idée en tête, ne pas l'attaquer directement, plus par sous-entendus. Je veux qu'elle s'énerve un peu. Lançant un canard ronchon sur l'estrade, je l'observe, aucune menace, juste une provocation. La brunette s'éveille enfin et le transforme en cygne majestueux noir, puis en serpent venimeux et en lapin en chocolat. J'ai aperçu un éclair bref violet. Elle est intriguée.

Je continue sur ma lancée en lui envoyant des fleurs. Je recouvre l'estrade de pâquerettes. Les autres élèves sont stupéfaits. Ils ne comprennent pas le duel. Mes potes et Alice devinent mon petit jeu. Je me retrouve assis sur un trône ou plutôt devrais-je dire un toilette avec une couronne en or sur la tête. La lueur violette a duré plus longtemps. Elle semble amusée. Bien. On avance.

Je lui envoie un sort qui la force à rire. Elle le contre en silence. Ses yeux sont enfin violets. Elle sourit de manière inquiétante. Des centaines de fourmis me grimpent dessus et me chatouillent. Je m'en débarrasse rapidement. Le duel va être long, je sens. Je lui lance un sort pour modifier sa tenue. Elle se retrouve avec un pyjama licorne. J'ai les cheveux roses dans la seconde. Il faut que je l'énerve plus.

Je fais apparaître une peluche de petit chat avec un serpent qui l'étrangle. Maeve la transforme en tigre avec un boa de plumes rose. Je fais apparaître son iPod et n'ai pas le temps de faire quoi que ce soit que je me retrouve volant dans les airs par un « Expelliarmus » puissant et sonore. J'ai gagné. Pas le duel toutefois, j'ai atteint mon but. La brunette est furieuse. Les yeux violets sont de retour. Nous descendons de l'estrade. Je lui susurre :

- Rebonjour mon petit canard colérique. Tu m'as manqué.

Mes cheveux deviennent roses tandis que je ricane. Je suis quitte pour une aprem de cheveux arc-en-ciel. Maeve boude. Elle est enfin de retour. J'ai un sourire nias et satisfait qui l'exaspère encore plus. À la pause, Horace peut enfin aller lui faire un câlin sans qu'elle refuse. Elle ne décroche pas un mot. 

Mon repas du soir se transforme en vers de terre gluants. Mon verre d'eau en jus de chaussettes ou en boue. Peu importe. Elle est assise à côté d'Horace, son chat sur les genoux. Maeve m'en fait baver pendant une semaine. Entre le pyjama transformé en nuisette à dentelles, les cheveux qui changent constamment de couleur et la nourriture au goût étrange, elle ne décolère pas.

Je ne fais rien pour me faire pardonner. Au contraire, je tends les bras pour des câlins, tente de soudoyer son chat avec des poissons, lui envoie des bisous dans l'air. Bref, je lui casse les pieds. Horace et Jamie me disent que ça va mal finir. Pourtant, ils préfèrent ça à l'espèce de mollusque d'avant. Maeve reparle à demi-mot à Alice, Rodrigue, Sarah, Jamie et Horace. Elle semble cacher quelque chose, avoir un secret qui la ronge.

C'est le week-end. Nous allons nous détendre à Pré au lard. Le groupe s'avance doucement. Je me chamaille avec Horace. Sarah et mon petit canard s'arrêtent d'un coup et palissent. Je lève les yeux. Nous sommes là où il y a eu la dispute il y a trois mois. Sarah prend la main de Jamie et reprend sa route. 

Maeve reste immobile comme pétrifiée. Elle respire bruyamment comme à bout de souffle. Horace décide de prendre une de ses mains et de l'embrasser dans un baisemain tendre. Elle tremble. Horace ne peut résister à sa détresse. Il l'enlace et embrasse ses joues. Elle éclate en sanglots, s'accroupit et cache ses yeux dans ses mains.

- T'as bien agi petit canard. Tu ne dois pas t'en vouloir, lui dis je d'une voix douce.

Son petit chat sort de son sac. La femelle vient se blottir contre elle et lui lèche les mains en ronronnant. La petite tigresse parvient à calmer Maeve qui se reprend. Elle saisit Line pour la caler sur ses épaules et se remet debout. La brunette prend la main d'Horace et nous rejoignons Sarah et Jamie. 

Nous passons une bonne journée en riant comme des gosses, Maeve parvient à sourire. Du soir, elle s'endort sur le lit d'Horace tandis que nous bavardons. Mon ami s'allonge dans son dos tandis que Line vient dans les bras de sa propriétaire. Lorsque nous nous réveillons tous, elle et le chat ont disparu.

Nous les retrouvons en grande discussion avec la directrice et le Professeur Bordial. Line est sur les épaules de Maeve. On lui fait un signe discret de la main et allons nous asseoir en lui gardant une place. Je vois Mon petit canard faire une bise à Alice et Rodrigue. Elle affiche un grand sourire et reste près de la table des professeurs. Maeve lève sa baguette. L'estrade des enseignants se recouvre de mets qu'on ne voit pas. La brunette se tourne alors vers les élèves. Nos tablées s'ornent de mets au fumet alléchant.

- Des viennoiseries françaises !

Une Poutsouffle, qui a l'air gourmande, crie de joie en se léchant les babines. Maeve nous rejoint. Le professeur Bordial explique le nom et la composition des différents aliments. Pain au chocolat, croissants, pain aux raisins, chaussons aux pommes, baguette, pain aux céréales, brioches, sacristain, confitures, pâte à tartiner au chocolat, miel, jus de fruits... C'est un festin.

Les filles et les professeurs ont droit à un petit animal en chocolat. Un serpent, un lion, un blaireau ou un aigle selon leur maison, blanc, noir ou au lait selon leurs préférences. Le petit déj est copieux et délicieux. De nombreux élèves viennent remercier Maeve. Horace et Rodrigue font les gourmands et se plaignent de ne pas avoir reçu de chocolats. Mon petit canard les embrasse sur la joue en riant.

- Attendez ce soir. Je verrai si vous êtes sages.

Elle a retrouvé sa joie, soit avec Alice, soit avec mon meilleur ami, elle se montre câline toute la journée.

- Je sais que ce n'est pas très Serpentard Horace, mais j'en ai très envie, dit-elle en se blottissant dans ses bras.

- Si tu savais comme je m'en fous de ce qui est Serpentard ou pas en ce moment, sœurette, lui répond mon pote en lui embrassant les cheveux.

Maeve et la bande éclatent de rire. Du soir, même scène. Table des professeurs puis élèves. Cassoulet, poulet aux champignons, tartiflette, ratatouille, daube selon les goûts. Île flottante, salade de fruits frais, moelleux au chocolat ou clafoutis cerise ou abricot. Les professeurs ont droit à du vin. 

Horace et Rodrigue reçoivent en plus un serpent et un lion en chocolat noir, avec des yeux rieurs en chocolat blancs colorés en violets. À l'intérieur, des tas de petits bonbons gélifiés. Ces deux enfoirés n'en donnent à personne.

Les garçons des trois autres maisons ont droit à des chocogrenouilles. Ceux de Serpentards, sauf Benoît et moi, ont des dragées surprises de Berthie Crochue. Jamie a en plus des bonbons pour imiter les cris d'animaux. Mon cousin et moi, recevons des pastilles de gerbe. Je ricane doucement et m'explose le ventre en mangeant. Les cours reprennent. Maeve ne me parle pas toutefois, elle se lie d'amitié avec Alice, Horace, Sarah, Jamie et Rodrigue.

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