L’après-midi est passé aussi vite que le matin. En un éclair, je me suis retrouvée devant les amis de Kay et son copain, Mattias. Kay et lui se sont rencontrés pendant l’été et semblent si proches que c’est comme s’ils se connaissaient depuis toujours. Je suis un peu jalouse de leur relation. Avant, c’était Kay et moi contre le monde, mais plus maintenant. Les choses ont changées. Mattias est un gars sympa, attentionné et ne rate jamais une occasion de dire un mot gentil à Kay. J’aime bien leur couple.

« Et toi, as-tu déjà été en couple, Violette ? » demande Avery, une amie de Kay.

« Tu ne seras jamais en couple avec personne, tu m’entends ? Personne ne voudra de toi, tu es moche, tu es grosse. »

Grosse, grosse, grosse. Ce mot tourne dans ma tête depuis. Il me hante.

Je tire sur les manches de mon pull.

"Vi, ça va ?" demande Kayli.

"Ouais, ne t'inquiète pas, et pour répondre à ta question Avery, non, je n'ai jamais été en couple."

"Oh, on a trouvé la vierge du groupe !"

J'entends des rires venant du groupe. J'ai l'impression d'être surveillée, ça ne me plaît pas. J'ai envie de m'enfuir, très loin.

Tais-toi, tais-toi, tais-toi.

"Tais-toi Molly, laisse-la tranquille."

Je lance un regard reconnaissant à Avery. Peut-être qu'elle n'est pas si horrible que ça, après tout.

Je décide de partir quand même, et me dirige vers ma chambre pour m'isoler un peu. Je n'ai pas besoin d'autant d'interactions sociales, je ne me sens pas bien en public. Je préfère rester dans ma bulle, dans mon monde où tout va bien. En remontant les escaliers, je tombe sur la directrice.

"Violette Davis ! C'est toi que je cherchais."

Ne me dites pas que je vais avoir des ennuis après une seule journée de cours, n'est-ce pas ? La voix tremblante, je lui demande ce qu'elle veut.

"Nous ouvrons un groupe de discussion sur le harcèlement, un groupe anonyme, et j'espérais compter sur toi pour être là, je sais ce qui s'est passé dans ta précédente institution et tu pourrais être d'un grand soutien pour les étudiants en difficulté"

Comment puis-je aider les autres si je ne sais pas m'aider moi-même ?

"Je ne pense pas que je serai d'une grande aide, mais j'y réfléchirai."

"Merci, Violette. Tu es vraiment un exemple qui prouve qu'on peut surmonter ça."

Si seulement elle savait ce que je cachais sous mes manches. Personne ne le sait. Sauf Kay, et elle ne m'a jamais jugée pour ça.

Une fois dans ma chambre, je retrousse mes manches et admire mon travail. Mes bras sont magnifiques comme ça, à chaque fois que je me coupe, une partie de ma douleur s'envole. Peut-être pour laisser la place à d'autres douleurs, mais ça en vaut la peine, je pense. Je suis peut-être stupide de penser comme ça, mais je vois mes bras comme des œuvres d'art sur lesquelles je dessine ma douleur.

« Tu ne devrais pas aller voir un psy ou quelque chose comme ça ? » me demande Kayli en entrant dans la pièce sans frapper, suivie de son copain.

Je ne voulais pas en parler devant lui, alors je la fixe et détourne le regard.

« Est-ce qu’il a le droit d’être ici ? » Je pointe son copain assis sur son lit. Sans écouter la réponse, je commence à ranger mes affaires et tombe sur mon rasoir.

La première fois que je me suis coupée, c’était pendant ma première dépression. C’est arrivé après une altercation avec une fille de ma classe qui pensait que j’allais lui voler son copain. Elle m’a giflée devant toute l’école, au milieu de la cour de récréation. Ce fut le début de ma spirale infernale.