Chapitre 7

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Après cette soirée, et contre toute attente, Arthur a continué à me parler. Une partie de moi voulait croire qu’il ne me laisserait pas tomber, et c’est ce qu’il a fait. Louisa est devenue plus distante avec moi, malgré que j’essaye d’arranger les choses. Ce n’est pas grave, les relations viennent et repartent. Comme je l’ai toujours dis, ce qui doit venir à toi viendra. Concernant le reste, tu as deux choix, te battre pour que ça arrive ou laisser tomber. J’ai souvent fait ce deuxième choix dans ma vie. Je n’étais pas une battante. Je fuis des que la situation devient un peu trop compliquée.

Je fuis, sauf quand il s’agit de la gymnastique. Là je suis prête à tout.

Nous étions mi juillet, le stage intensif pour le tournoi de Septembre avait commencé. Des gymnastes belges nous avaient rejoint, comme chaque année, nous avions un jumelage avec leur ville. Je m’entends particulièrement bien avec deux gymnastes en particulier, Simon et Andrea.

On ne se parlait pas sur les réseaux sociaux, mais c’était toujours un plaisir de les retrouver chaque année depuis 5 ans déjà.

Le stage commença, et nous reprîmes certaines bases. Ce jour-là, nous avons travaillé sur les doubles salto arrières, un élément qui me faisait peur autant que je l’adorais.

Alors que j’étais au sol, en train d’enchaîner les diagonales de préparation, j’ai entendu le bruit d’une chute venant du trampoline. Immédiatement je m’arrêta et regarda ce qu’il se passait. Je m’approchais du trampoline et vit Andrea, dans une posture bizarre, ne bougeant plus.

« Je ne sens plus mes bras ni mes jambes »

Ce fut la seule phrase qu’il prononça et elle nous fit à tous l’effet d’un choc. On ne le toucha pas, et les entraîneurs appelèrent les urgences qui l’emmenèrent immédiatement par hélicoptère à l’hôpital le plus proche.

J’étais sous le choc. Je ne réalisais pas, je me disais que tout cela n’était qu’un rêve, qu’Andrea allait revenir au gymnase avec son sourire habituel et ses bonne blagues qui me faisaient toujours rire. Mais ce jour-là, quand les entraîneurs nous ont tous convoqués sur le praticable, et qu’ils pleuraient, je compris que je ne reverrai pas Andrea de si tôt.

« Andrea a été transféré par hélicoptère à l’hôpital le plus proche de chez lui. Deux de ses vertèbres sont cassées, et il est pour le moment tétraplégique. On ne sait pas si la condition est irréversible ou si il remarchera un jour. Mais les médecins nous ont dit que s’il n’avait pas été aussi musclé à ce niveau, il serait mort aujourd’hui. Toutes nos prières vont vers lui et sa famille actuellement. »

Alors que tout le monde s’est mis à pleurer, je n’y arrivais pas. Pas une seule larme ne coulait. Je ne l’acceptais pas. Je me leva et m’enfuis vers le vestiaire. Ce fut seulement à ce moment que les larmes ont commencées à couler, ruisselant sur mes joues.

Oh Andrea. Je suis si désolée pour toi. Tu dois vivre un moment si difficile, je suis désolée.

Les jours ont passés, et le stage a pris fin. Nous n’avons pas fait le traditionnel barbecue au bord du lac comme tous les ans. Sans Andrea, cela sonnait faux. Et les belges sont rentrés chez eux, dans une ambiance des plus moroses, on avait peur qu’ils ne décident de pas revenir l’année suivante. Simon me fit un câlin ce jour-là, je lui dis combien j’étais désolée, il me dit que ce n’était pas ma faute, que c’était sûrement écrit dans un stupide bouquin qui s’appelait l’avenir et que nous ne pouvions rien faire pour le moment à part le soutenir.

Nous n’avons pas eu d’entraînement pendant deux semaines après cet incident. Le temps que tout le monde se remette de ses émotions. Pas longtemps après, l’un de mes coachs préférés a décider d’arrêter d’entraîner. Nous avons fait une fête pour son départ, mais nous savions tous pourquoi il partait. C’était lui qui encadrait au trampoline le jour de l’accident. Il devait se sentir encore plus coupable que tout le monde, et je ne lui en voulais pas pour ça. Au contraire, j’aurais aimé prendre sa peine et l’effacer, car tout cela n’était pas sa faute, c’était la faute de ce stupide bouquin, l’avenir.

Quelques semaines plus tard, je ne me sentais pas très bien, en plus de la blessure d’Andrea, que nous tentions tous d’oublier, j’avais des vertiges, je m’étais faite vomir tout ce que j’avais mangé et je n’avais pas envie de venir à l’entraînement. Mais je me suis forcée. Pour le tournoi. Il fallait que je donne mon maximum. Pour Andrea.

Ce jour-là un nouvel entraîneur était là, il était là en essai. Après avoir fini ma routine aux barres asymétriques avec brio, où j’ai réussi chaque mouvement entamé, je suis allée boire un coup. Et je fut prise de vertiges de nouveau. Je ne pensais pas monter sur la grande poutre aujourd’hui, je ne le sentais pas. Je fis donc mes routines sur la petite poutre, où j’étais plus à l’aise. Quand le nouvel entraîneur arriva vers moi.

« Tu ne montes pas sur la grande poutre? » m’avait il demandé.

Je lui expliqua que je ne me sentais pas au top de ma forme avec tout ce que j’avais fait aux barres, et que je préférais rester sur la petite poutre aujourd’hui. Et c’est là qu’il me dit:

« Écoute Violette, c’est simple, soit tu montes sur la grande poutre, soit tu rentres chez toi. Tu es la pour t’entraîner, pas pour rêvasser sur la petite poutre en attendant que le temps passe. »

Mais pour qui se prenait il?

Malgré tout, je m’exécutais. Je n’avais pas l’habitude de répondre à mes entraîneurs. Je les écoutais, parce que je ne savais pas ce qui était le meilleur pour moi, alors je pensais que eux, le savais.

Je montais sur la grande poutre, une appréhension me montant dans le ventre. Je commençais ma routine, une fois arrivée à la série de saut, je fus prise d’un vertige. Je me suis mise assise sur la poutre, en attendant que ça passe, mais l’entraîneur revint directement me voir.

« Tu n’as pas fini ta routine, Violette, tu ne descends pas de cette poutre tant que tu ne l’as pas finie. »

Les larmes commençaient à me monter aux yeux. Mais une fois de plus, je m’exécutais. Je chassa les larmes et me repris. Au moment de réaliser mon acrobatie la plus dure de mon mouvement, j’eu un mouvement de recul et pris mon temps. Les vertiges revinrent et je perdis tous mes repères. Me lançant en flip-salto arrière, je ne savais plus où j’étais.

Au moment d’arriver sur la poutre pour la réception, mon pied glissa de la poutre, et ce fut la chute. Je ne me souviens pas de ce qu’il s’est passé exactement, j’avais perdu connaissance, mais en reprenant mes esprits quelques secondes plus tard, je vis mes entraîneurs rassemblés autour de moi, Miles me tenant le pied en l’air pendant que Justine était assise sur moi, me cachant la vue.

Puis je la sentie, la douleur. Je leur criais de se pousser, pour me laisser voir ma jambe, c’est la que je vis ma cheville droite, pendante sur le côté, et j’étais incapable de la bouger pour la remettre droite.

Je me mis à pleurer, mais pas à cause de la douleur, seulement parce que je pensais au tournoi et au fait que j’allais laisser tomber mes coéquipières. Je me déteste.

« Tu laisses toujours tomber tout le monde, Violette, tu devrais avoir honte. »

Je fus prise de spasme et Justine vint immédiatement me consoler.

« Ne t’inquiètes pas, on a appelé les pompiers, ils vont arriver d’une minute à l’autre. Veux-tu que j’appelle tes parents? »

Non je ne veux pas, je vais encore les inquiéter pour rien.

Ils les ont quand même appelés, car j’étais mineure. J’avais 17 ans. Mon avis ne comptait plus. Regardant ma cheville pendante pendant que Pierre téléphonait à mes parents, pour leur expliquer la situation.

« Ton père veut te parler »

J’appréhendais.

« Allo? Violette, qu’est-ce que tu nous a fait encore? »

Je sanglotais au téléphone.

« Ne t’inquiètes pas tout va bien, c’est juste une petite blessure » observant le sang couler de ma blessure.

Mon père raccrocha rapidement après ça, pour lui tant que je n’avais pas de traumatisme crânien tout allait bien. Mes entraîneurs m’ont regardé d’un air désolé. Mais moi j’étais trop occupée à regarder l’entraîneur qui m’avait forcée à monter sur cette poutre, tout était de sa faute. Je ne participerai pas au tournoi de mes rêves, et je laissais tomber tout le monde. Je le vis se retourner et partir. J’espère qu’il s’en voudra toute sa vie pour ça.

Les pompiers arrivèrent rapidement. Après cela, ils me prirent en charge. Lorsque vient la question de quand est-ce que j’avais mangé pour la dernière fois, je regardais Justine droit dans les yeux et, n’osant plus répondre je me tue. C’est à ce moment qu’elle compris que mes TCA étaient toujours là. Elle me regarda d’un air désolé, et je vis une larme pointer du côté de son œil droit.

Quand vint le moment de mon départ, il fut décidé que ce serait Miles qui m’accompagnerait. Je n’avais pas une grande confiance en lui, il avait ce genre de crush sur moi, c’était un homme à femme et je savais qu’il me voulait uniquement pour satisfaire ses pulsions sexuelles. Ce qui ne me rassurait pas vraiment. J’avais besoin de mes parents. Mais ils ne viendraient pas, ils étaient en France à l’heure qu’il était.

« La gym c’est terminé pour toi. »

Cette phrase du médecin que je vis en consultation aux urgences me hante. Je me remis à pleurer. Il me dit qu’avec une blessure pareille ça allait être très dur de s’en remettre.

Ce jour-là, c’était un lundi soir, alors que Miles me ramenait chez moi en voiture, j’observais mon plâtre. Il me proposa de porter mes affaires jusque chez moi, puisque je ne pouvais pas avec mes béquilles et je ne pus refuser. Une fois arrivée devant ma chambre, je lui dis qu’il pouvait poser les affaires là et le remercia.

C’est à ce moment que l’impensable se produit. Miles tenta de m’embrasser, j’esquivais, et lui demanda pourquoi il avait fait ça. Il me dit que je n’avais pas à jouer les prudes et que j’en avais autant envie que lui. Il essaya de me pousser sur le lit et je tomba. Puis, il grimpa sur moi, et avec toute la force qui me restait, je lui donna un coup de pied dans le ventre de mon pied gauche et roula sur le côté pour tomber à côté de mon lit. Je me mis à pleurer, je ne savais pas où il était, ni ce qu’il faisait à ce moment là, mais je compris que j’avais évité le pire.

Une fois ma crise d’angoisse passée, je regarda autour de moi, et fit le tour de la maison. Je regarda par la fenêtre et ne vit plus sa voiture. Il était parti.

« Plus rien ne serait comme avant. »

Qui suis-je sans la gymnastique ?

Je venais de perdre mon identité et presque 16 ans de travail acharné pour atteindre le meilleur niveau possible. Et j’avais failli me faire violer une première fois.

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