Chapitre 8
Quelques temps après, je suis suis allée voir mes parents et mes frères en France, à Saint-Jean-de-Luz. Quelle galère de prendre l’avion en béquilles! Une fois arrivée, ma mère était aux petits soins pour moi. Cela me faisait plaisir, et en même temps de la peine, elle se démène toujours pour nous donner le meilleur, et moi j’ajoutais un poids à tout ça. Elle essayait de me faire tous mes plats préférés, mais c’était sans compter cette petite voix en moi qui comptait chaque calorie que j’ingérais et qui me forçait à aller me faire vomir dès qu’elle avait le dos tourné. Ce fut réellement cet été que mon trouble s’endurcit, j’avais demandé à ma mère d’arrêter de cuisiner pour moi - la chaleur me coupant l’appétit, lui avais-je dis - et je savais que ça la rendait triste. Elle aimait me montrer qu’elle était là pour moi. Mais cette voix dans ma tête était plus forte que tout. Elle était plus forte que moi, que mes parents, que tout le monde.
Un jour, alors que j’allais bronzer sur la plage avec mon frère, et tant pis pour le bronzage raté à cause de mon plâtre, je fis mon premier malaise. Je n’avais rien mangé depuis des jours a part de la pastèque - seul aliment que je m’autorisais - et l’effet du soleil et de la dénutrition avait eu mon être. En me relevant pour partir, j’eu la tête qui tournait violemment et dû me recoucher dans le sable en fermant les yeux.
“Ça va passer, tu es grosse, c’est tout ce que tu mérites. Tu mérites de souffrir.”
Mon frère me demanda ce qu’il se passait et je lui répondis que ça allait passer, ce n’était que la chaleur qui me faisait avoir la tête qui tournait. Il s’impatientait, je le savais, le vélo était déjà prêt et il n’attendait que moi pour partir. Des gens sont alors venus vers moi, alors que j’avais les yeux fermés couchée dans le sable, et m’ont demandé si tout allait bien. Je leur répondis que oui, mais que j’avais juste la tête qui tournait à cause du soleil. Ils semblèrent assez naïfs pour y croire et me portèrent jusqu’à un arbre pour me mettre à l’ombre et me donner une compote à boire.
“Tu ne devrais pas boire ça. Et ton régime alors? Tu ne respectes rien. Tu y arrivais enfin.”
Après cet incident, je fis promettre à mon frère de ne rien dire à nos parents, promesse qu’il me fit - mais surement avec les doigts croisés dans le dos -, en effet j’étais sûre qu’il leur dirait. Quand nous rentrâmes, notre père nous fit une remarque sur le fait que l’on était en retard pour le déjeuner. Ce a quoi nous ne répondîmes rien. On se tut, en se regardant, savant très bien pourquoi nous avions été en retard.
Pendant le repas, sachant que j’avais déjà mangé une compote, je ne voulais rien avaler d’autre. Mais on me força. “T’es anorexique ou quoi?” M’avait-il demandé de but en blanc. Ce à quoi j’avais répondu non. Je n’étais pas anorexique. Je faisais juste attention à mon poids, d’autant plus que je n’avais plus la gymnastique pour garder un poids constant. Il était hors de question que je prenne du poids.
“Tu es grosse, grosse, grosse.”
Cette voix dans ma tête refusait de se taire. Elle était omniprésente. Et je ne pouvais - et ne voulais - pas la faire disparaitre.
Les seules personnes au courant de cette voix dans ma tête étaient Kay, bien sûr, et Arthur. Je ne sais pas pourquoi je vouais cette confiance en Arthur, je ne faisais pas confiance aux hommes. Mais il avait quelque chose de différent, je sentais que je pouvais lui parler de tout sans recevoir une once de jugement. Quand je lui ai parlé de la voix dans ma tête, il m’a dit de faire attention à moi et de ne pas tomber trop profondément. Mais que si besoin, il serait là pour me rattraper et me parler. Quand à Kay, elle m’avait fait promettre de ne pas faire de bêtises. Elle était comme une voix de la raison pour moi. Certes elle n’avait pas toujours raison, et elle avait ses défauts, mais ses encouragements pouvait m’aider à bouger des montagnes si je le voulais.
“Tout ira mieux lorsque nous habiterons ensemble, tu verras, plus que quelques années et nous serons en Italie, rien que toutes les deux.”
Quelques temps après, je reçu une notification de mon espace dédié à la faculté de Strasbourg. J’étais finalement acceptée en licence de sciences de la vie! Je couru le dire à mes parents qui furent très contents pour moi, leurs inquiétudes semblaient passées derrière eux maintenant, et nous avons fêté ça. J’avais également immédiatement envoyé un message a Kay, avant même de prévenir mes parents, pour lui annoncer la nouvelle. Elle était super contente pour moi et avait déjà hâte de venir me rendre visite pour visiter la ville comme des touristes. J’en avais profité pour l’appeler en FaceTime pour lui demander de ses nouvelles, lui dire à quel point elle me manquait et voir un peu le paysage. Elle résidait dans une sorte de villa, avec piscine, en plein milieu de la nature. J’ai toujours rêvé de faire un safari en Afrique du Sud avec elle. C’était une sorte de promesse que je m’étais faite à moi-même, qu’un jour je l’emmènerai en safari photo avec moi dans un parc naturel là-bas, photographier et observer les guépards. Elle me montra les girafes, les zèbres et les rhinocéros qu’elle avait vu en se baladant. Tout cela semblait irréel, pour elle, comme pour moi, nous n’étions pas habituées à ce genre d’environnements.
Si j’avais su que cela était son dernier voyage, j’aurais profité d’elle un peu plus, et j’aurai photographié son sourire pour le garder éternellement…
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