Chapitre 10
Quand je suis rentrée de l’aéroport cet après-midi là, mon sourire béa et mes larmes ne passèrent pas invisible aux yeux de ma mère. Elle me demanda comment son départ s’était passé. Je préférais rester dans mon monde à ce moment là, et je n’ai pas avoué à ma mère que l’on s’était embrassées. Je lui dis juste qu’il y avait eu au moins trois litres de larmes mais que nous nous étions promises de nous revoir rapidement.
En réalité, tout ce que j’avais envie de faire à ce moment précis, hors prendre le premier vol pour Gauteng, était de pleurer dans les bras de ma mère. Mais ma fierté m’en empêchait. Je n’avais jamais montré mes sentiments à mes parents, je ne voulais pas pleurer devant eux, il en était hors de question. Nous étions le modèle même de la famille parfaite en apparences. Mon père était médecin, ma mère infirmière, mon grand frère réussissait avec brio ses études d’informatique et mon petit frère souhaitait faire médecine après le lycée. Et il y avait moi, qui essayait tant bien que mal de tenir le rythme qu’on m’imposait.
Prends les choses a ton rythme, tu vas y arriver. La voix de Kay résonne dans ma tête. Elle était la seule à savoir comment je me sentais dans ma famille, comme une étrangère.
Je passais les heures suivantes enfermée dans ma chambre, attendant un message de Kay, elle devait arriver d’une heure à l’autre maintenant.
Nous étions mi-août. Il fallait également que je prépare mes affaires pour mon propre déménagement. Absorbée par celui de Kayli, j’en avais complètement oublié le mien. Mon père avait réussi à me trouver un studio sur Strasbourg, près de la gare à environ 30 minutes en bus de l’université. Je pensais déjà à la galère que ça allait être avec mes béquilles. Mon plâtre n’allait être enlevé que dans trois mois. Je pensais également au regard des autres étudiants. Qu’allaient-ils penser d’une étudiante américaine qui débarquait un plâtre à la jambe le premier jour de cours? J’allais faire bonne impression c’est sûr.
Ma mère se proposa de m’aider à faire mes bagages, elle savait que je n’étais pas la meilleure dans l’art de plier les vêtements. J’accepta, mais je savais que j’allais devoir passer un interrogatoire concernant le départ de Kayli. J’étais sûre que ses parents allaient lui envoyer un message dans les heures qui suivaient. Mais je voulais garder ce secret le plus longtemps possible pour moi. Il m’appartenait, j’avais enfin un souvenir heureux que je pouvais chérir. C’est vrai que malgré son départ qui m’attristait, j’étais heureuse. Je pouvais enfin décrire ce que c’était que d’être heureuse. D’avoir des sentiments qui sont réciproques, et d’avoir trouvé son âme soeur, aussi loin soit-elle.
Je pensais que ma mère allait me poser trois milliards de questions sur son départ, et pourtant contre toute attente, elle ne m’en posa qu’une seule.
“Comment vas-tu, tu n’es pas trop triste?”
Bien sûr que je suis triste maman, j’avais envie de lui rétorquer. Mais elle faisait de son mieux pour me réconforter, alors je me contenta d’un si, que j’étais triste mais qu’on avait prévu de s’appeler tous les jours. Et qu’elle avait prévu de venir me voir à Strasbourg, et moi d’économiser pour aller la voir à Gauteng. Ma réponse sembla lui convenir et nous continuâmes le pliage de mes vêtements. On se rendit vite compte que je voulais emmener bien trop de vêtements et que cela ne rentrait pas dans les deux valises que j’étais autorisée à prendre dans l’avion. On se mit à rire toutes les deux devant ma valise qui était très loin de fermer. Cela me fit du bien, de rire un peu, j’oubliai quelques instants les adieux qui avaient eu lieu plus tôt dans l’après-midi.
Finalement, après deux heures, nous avions réussi à fermer mes valises. J’étais prête pour partir dans une semaine à Strasbourg. Je remercia ma mère. Et elle savait que je ne la remerciait pas uniquement pour les valises mais aussi pour avoir fait passer le temps, en attendant que Kay arrive à destination et m’appelle. J’avais hâte et en même temps j’appréhendais, après nos baisers notre relation allait-elle rester la même, allait-elle évoluer ou les choses allaient-elles devenir gênantes? Je me creusais le cerveau à chercher une réponse, quand mon téléphone vibra. C’était elle. Je laissa le téléphone sonner quelques fois, histoire de reprendre mon souffle, avant de répondre.
Hey! Soufflai-je.
Je vis son sourire s’élargir et mes doutes se sont tous envolés. C’était juste Kay et moi. Comme toujours.
Elle me raconta comment s’était passé son voyage, beaucoup trop long d’après elle, et elle me fit voir sa nouvelle maison ainsi que sa chambre, qui paraissait bien terne sans aucune décoration. Elle me montra une photo de nous deux qu’elle avait fait développer et me dis que cette photo irait tout droit au-dessus de son lit. Je ne pu que sourire bêtement face à cette preuve que rien n’avait changé, les choses n’étaient pas bizarres.
“Et toi tu es prête pour ton grand départ pour Strasbourg?” M’a-t-elle ensuite demandé.
Je lui répondis que j’avais peur du regard des autres. Une américaine plâtrée qui débarquait c’était un tableau assez étrange.
“Le regard des autres tu t’en fiches! Tu seras là-bas pour décrocher ton diplôme et venir me rejoindre en Italie!”
Elle n’avait pas oublié notre projet.
J’acquiesçais, et soudain il y eu un blanc dans notre conversation.
“Je-“ Une fois de plus nous avions parlé d’une seule voix.
Je lui dis alors de commencer, comme on allait surement aborder le même sujet.
“Alors voilà, je ne veux pas rendre les choses bizarres entre nous, mais je ne m’excuserai pas pour ce qui s’est passé à l’aéroport, j’en avais vraiment envie Vi’, tu ne sais pas à quel point j’attendais ce moment. Et je regrette de ne pas l’avoir fait plus tôt.”
Cela me laissa sans voix, si bien qu’elle cru que ce n’était pas réciproque et commença à s’excuser.
“Non, ne t’excuse pas, surtout pas, tu sais à quel point je ne suis pas douée pour décrire ce que je ressens, mais ce qui s’est passé à l’aéroport, c’était vrai, et ça j’en suis sûre. Je me fiche de la distance qui nous sépare, je veux être avec toi, c’est toi que j’aime, je le sais.”
Elle se mit à sourire, et je savais que j’étais tombée juste. J’adorais ce sourire, plus que tout au monde.
J’aurai aimé être avec toi en ce moment. Mon coeur se met à crier. Et je sais que le sien aussi. Kay et moi sommes comme ça, nous n’avons pas besoin de nous parler, un sourire et nous savons ce que l’autre ressens. Ça a toujours été elle et moi.
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