Le temps d'une chanson
Je me suis levée tôt, anormalement tôt. C. tambourinait en peignoir à ma porte que je lui ai ouverte sans cérémonie. Sans écouter le débriefing de sa nuit agitée, je nous ai préparé un café à la Bialetti. Pendant que ça chauffait, je l'ai regardée. Elle avait les yeux cernés d’un mascara de la veille et les boucles en pagaille. L’abus de médicaments… Voilà ce qui arrive quand on a l’envie obsessionnelle d’être tout le temps malade : on finit par le devenir et on vient s’en plaindre chez les voisins à n’importe quelle heure (il n’était pas 5 heures !) Après avoir grimacé au goût du café, elle m'a demandé d’allumer la radio. Elle voulait savoir si le monde avait sombré dans le chaos pendant qu’elle essayait sans succès de dormir. Elle disait « La bêtise a gagné du terrain hier, tu as vu ça ? Pauvre Humanité… Tous ces gens aveugles… Est-ce que tu conçois, toi, que l’être humain puisse être son propre bourreau ? Jusqu’où ils vont aller maintenant qu’ils ont piétiné par milliers la démocratie au pays de la liberté ? Et l’Humanité, tu lui laisserais sa majuscule toi ? Est-ce que tu m’écoutes au moins ? J'ai dit "Oui mais oui, je t’écoute" mais je pensais à la nuit parée d’étoiles. J’aurais aimé être dans ma mansarde pour l’admirer au lieu d’écouter C. parler toute seule. Après, elle s'est tue le temps d’une chanson ; je pensais à ma fenêtre de toit, juste au-dessus de mon lit...
Je suis le ciel.
Je serai la dernière étoile dans ce matin du 7 janvier.
Je suis la musique quand elle a tous les droits.
Je suis un champ de bataille.
Et la pluie qui commence à tomber.
Je suis une tornade.
Et tous les morts après mon passage.
Je suis la nuit quand elle fait peur.
Les vitres qui volent en éclat.
Je suis une note.
Je suis l'humanité sans majuscule.
Et puis le silence.
Je ne sais même pas pourquoi on est là.
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