Chapitre 7 Evie

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J’ai passé un peu plus de temps que je ne l’aurais voulu à chercher une tenue qui ne fasse ni trop simple ni trop habillée, pour finalement choisir une robe en laine beige cintrée à la taille, et des bas marrons foncés. J’ai mis un peu de fard à paupières rose sur mes yeux, ce qui ne manque pas de faire sourire Charlotte.

— Pour lequel t’es-tu apprêtée, Randy ou Ludovic ? raille-t-elle gentiment.

C’est samedi soir, nous sommes dans le salon en attendant notre convive, Ludovic. Ses amis ont décliné l’invitation, ce qui m’arrange. Moins il y aura de témoins lorsque Ludovic me reprochera le vol de sa motoneige, moins cela sera gênant.

— Pour moi-même, évidemment, je réponds en lui adressant un clin d’œil.

Charlotte, très élégante, a enfilé une robe grenat à laquelle sont assortis des pendentifs émeraude, semblables à la couleur de son regard. Elle rit de ma plaisanterie. Elle sait très bien que mes histoires amoureuses sont un désastre. Je suis trop franche, et garçon manqué. Ma vie tourne autour du sport et du travail, cela fait peur aux hommes que je rencontre. Sans compter que mon physique n’a rien d’exceptionnel. Mon indépendance est ce qui compte le plus à mes yeux. Une relation durable impliquerait de devoir être raisonnable, ce que je ne suis pas.

Pourtant, quand j’observe Charlotte et Alan, ils paraissent heureux. Charlotte est amoureuse de lui, cela lui va bien. En retour, Alan est adorable avec elle. Il n’y a qu’elle qui parvient à le sortir de ses études scientifiques et à dérider cet homme un peu trop sérieux. Leur tendresse est touchante, et parfois, les voir épris ainsi l’un de l’autre me fait prendre conscience de ma solitude. En général, cela ne dure pas, car la vie de Charlotte tourne autour de celle d’Alan. Tous ses actes ont pour raison la carrière d’Alan ou son plaisir. Cela représente pour moi une sorte d’enfermement dans son couple.

Pour ma part, il n’est pas question de vivre cela. Mon père est dévoré par ses recherches en physique, et a été bien trop absent pour aider ma mère à nous élever mes frères et moi. C’est un homme égoïste qui a rendu maman malheureuse. Sa carrière est systématiquement passée avant sa famille, ma mère a dû tout gérer seule.

J’essaie de paraître la plus sereine possible lorsque nous accueillons Ludovic Staveski. Charlotte lui ouvre la porte et l’introduit dans le salon. Je me lève de mon fauteuil, toujours impressionnée par sa stature imposante et sa plastique parfaite. Ludovic me salue d’une façon si formelle que je n’ai aucun doute sur le fait que je lui sois indifférente. Il est vêtu d’un costume, pantalon et veste bleu nuit sur une chemise blanche, taillés sur mesure. Cela met en valeur sa musculature. Je détourne les yeux pour ne pas le dévorer du regard. Alan est en jean et en chemise gris clair, décontracté. Il a une classe naturelle et n’a pas vraiment besoin de se fatiguer pour attirer les femmes, à son insu et au grand dam de mon amie. Il s’avance vers Ludovic et lui porte une accolade tout en lui serrant la main. Cette habitude du contact rapproché est très américaine. Je m’attends à voir une gêne chez Ludovic, mais il n’en est rien. Celui-ci la lui rend comme si c’était normal pour lui.

— Merci d’avoir accepté de venir, déclare Alan.

— Tout le plaisir est pour moi, je suis ravi de rencontrer des compatriotes, répond Ludovic en souriant, ce qui génère une légère accélération de mes battements de cœur tellement cela lui va bien.

Notre salon est petit, les murs sont en bois, ce qui donne l’impression de vivre dans un chalet. Ludovic apprécie la décoration, il examine les skis accrochés au-dessus du canapé et la luge d’un autre temps qui sert de meuble à la lampe. Randy se joint à nous. Les deux hommes se serrent la main. Randy le remercie chaleureusement en français hésitant, puis en américain, et Ludovic lui répond de même, en anglais impeccable. Décidément, cet homme est plein de surprise ! Nous trouvons tous une place autour de la table basse. Charlotte se réserve une chaise et je m’assois sur le sofa avec Alan, tandis que Randy et Ludovic prennent chacun un fauteuil. Puis Charlotte apporte une sangria de la cuisine. Elle sert les verres, que nous levons.

— Bienvenue au dispensaire de Terre et Humanité, dit Alan. C’est tellement généreux d’être venu en aide à Evie pour porter secours à mon ami Randy et à notre pilote !

— C’était bien normal, n’importe qui d’autre aurait fait la même chose. À propos du pilote, comment se porte-t-il ? interroge Ludovic.

— Ricky est encore très fatigué, mais il va mieux, répond Alan. Racontez-nous comment vous avez été amené à sauver nos collègues !

— Et bien, j’habite une cabane de chasse dans la montagne, et vers onze heures du soir, alors que je regardais la fenêtre par hasard, j’ai remarqué les phares d’un pick-up percer la nuit. Cela m’a beaucoup étonné, car personne ne peut circuler dans ces conditions. Je suis donc sorti voir si le conducteur avait besoin d’aide. C’est ainsi que j’ai rencontré Evelyne, bloquée par une congère.

— Je me demande comment vous avez pu la convaincre de patienter le lendemain pour monter au Chkhara, plaisante Charlotte, qui sait à quel point je peux être obstinée.

— C’était évident même pour Evelyne, qu’elle ne pourrait pas continuer en pleine nuit.

C’est poli de sa part de prétendre que c’était clair pour moi.

— Evie. Je préfère qu’on m’appelle Evie, je le reprends.

— Bien sûr, concède Ludovic en avalant une gorgée de sangria.

— Un autre homme que vous aurait attendu les secours, remarque Alan en reposant son verre.

— Il fallait faire quelque chose ! C’est grâce à la présence d’esprit de votre pilote qui a communiqué sa localisation, et aussi à la ténacité de Madame Riviera, qui a su me convaincre de la survie de vos amis, répond Ludovic en me regardant, sans que je puisse deviner ce qu’il pense.

Hum, nous y voilà. Je vais me faire passer un savon.

— Evie est extraordinairement têtue, enfonce Charlotte avec un clin d’œil dans ma direction.

Heureusement, Randy intervient en ma faveur.

— Sans votre courage, je ne serais pas là ce soir. Je lève mon verre à Evie, clame-t-il bien fort.

Tous portent un toast, tandis que mes sourcils se froncent. Je n’ai fait que ce que je croyais juste, comme toujours. Par bonheur, Alan questionne Ludovic sur son matériel de secours, emporté dans le Ford F-150.

— Vous aviez des civières portatives, ce n’est pas courant, comment cela se fait-il ?

Ludovic marque une pointe d’hésitation avant de formuler sa réponse.

— Je pratique l’escalade avec Marko depuis l’adolescence. Nous avons tous deux perdu un ami sur un pic isolé, alors qu’il avait fait une chute de dix mètres, après avoir décroché. Il était vivant, mais fracturé à plusieurs endroits. Nous sommes allés le chercher. Nous l’avons ramené, mais nous n’avons pas pu le sauver, car faute de brancard, le retour nous a pris trop de temps. Il avait une hémorragie interne. Depuis, je me suis pourvu de matériel médical et muni d’une radio.

Mon cœur se serre en entendant cette histoire. Je comprends pourquoi il a voulu préparer ce sauvetage et non pas foncer tête baissée. Je devine l’adolescent passionné qu’il a pu être, car une ombre traverse son regard.

— C’est très triste, conclut Alan. Cela explique pourquoi vous êtes équipé comme un secouriste de haute montagne.

— Quels sont les soins que vous dispensez ici ? demande Ludovic, qui semble désireux de changer de sujet.

— Et bien, nous traitons tous les patients postopératoires et les affections courantes, répond Alan. Nous avons un petit cabinet de radiologie, un défibrillateur et des masques à oxygène. Nous prenons en charge tout ce qui ne nécessite pas d’hospitalisation, mais aussi les cas urgents, avant l’arrivée de l’ambulance. C’est pour ça que Randy nous a rejoints, il est urgentiste.

Alan est intarissable sur son métier, mais Charlotte souhaite en découvrir davantage sur notre invité.

— Vous êtes originaire d’Ouchgouli, questionne-t-elle en resservant de la sangria. Evie nous a dit que vous passiez vos vacances ici depuis tout jeune.

— Elle a dit vrai. Mon grand-père est natif du village. Il a émigré vers la France alors que je n’étais pas encore né.

— Mais vous êtes écrivain, interroge Alan.

— C’est la raison de ma présence, répond Ludovic. J’ai besoin de m’éloigner de mes contemporains afin de composer mon roman.

— Quel est le sujet ? je demande, curieuse.

— Je m’intéresse aux mythes de la région, aux contes de bonne femme. Cela fera un cadre amusant pour ma prochaine fiction, un policier.

— C’est un récit de meurtre, alors, s’exclame Randy.

— Une histoire de crimes et d’enlèvements commis par des terroristes djihadistes.

— Cela doit être passionnant de monter une intrigue, je commente.

— J’adorerais voir votre cerveau pour comprendre le mécanisme de la création, s’enthousiasme Randy.

— Il faut avoir un esprit tortueux, rétorque Ludovic, pince sans rire.

Puis Charlotte nous invite à passer à table. Chacun s’installe, Alan en bout, Charlotte à sa droite et Randy à sa gauche. Je me retrouve face à Ludovic. La raclette est composée avec du fromage local, le sulguni, qui est produit ici, dans le haut Svaneti, ce que nous explique Ludovic. Il se mange à tous les repas et convient aussi en fondue. À cela s’ajoute du Goudis, et du Touchouri, plus salés, au goût plus prononcé, en provenance de l’est du pays.

— De quelle partie de France provenez-vous ? demande Ludovic.

La conversation s’oriente sur les racines de chacun d’entre nous. Charlotte arrive de Chamonix et moi de Val Thorens. Alan et Randy sont originaires du Montana et Ludovic est de Paris. Ludovic a fait ses études en Californie, en littérature. Cela explique qu’il comprenne et parle l’anglais sans avoir un affreux accent français.

— Je n’aurais jamais cru qu’un Parisien puisse venir s’exiler ici, en Géorgie, je m’exclame sans réfléchir.

— Et bien, Evie, je n’aurais jamais imaginé qu’une femme puisse faire ce que vous avez fait pour sauver Randy et le pilote ! me rétorque-t-il si sérieusement que je m’en mords les doigts.

OK, je n’aurais pas dû utiliser ce lieu commun selon lequel les Parisiens sont incapables de vivre en dehors du confort des villes. Mais sa repartie m’apprend sa façon de concevoir les genres. Encore un homme qui croit que le sexe féminin est fragile et sans cervelle. Je souris mielleusement.

— C’est parce que je suis une femme que vous pensez cela ?

Alan me lance un regard sévère, comme si je venais d’aborder un sujet tabou.

— Evie peut être surprenante, M. Staveski, me coupe-t-il, car il me connaît suffisamment pour ne pas laisser la conversation prendre une tournure qu’il ne maîtriserait pas. C’est une infirmière compétente et une sportive accomplie.

Je rougis pour la deuxième fois, ne sachant encore comment faire face à ce compliment.

— Merci Alan, c’est gentil d’avouer que je suis indispensable à ton équipe, je réplique en plaisantant à moitié.

Heureusement, Charlotte se lève pour débarrasser la table et je m’empresse de l’aider. On passe ensuite au dessert, de la glace à la vanille et à la mangue, puis Alan propose de finir le repas avec un verre de cognac. Je suis repue, je me mets à desservir les assiettes avec Charlotte, alors que Randy prend congé, car il est encore convalescent. Ludovic et Alan sortent sur la terrasse pour fumer un cigare, tandis que Charlotte annonce qu’elle va se coucher aussi, elle a du sommeil en retard. J’ôte la nappe et rejoins les deux hommes, qui bavardent.

— Charlotte et moi avons inauguré le dispensaire il y a tout juste deux mois, explique Alan. Nous sommes venus pour soigner la population, mais en réalité nous préparons également l’ouverture d’une maison de santé qui sera tenue par des praticiens géorgiens, à terme. Nous notons chaque acte médical afin de cibler les besoins des gens.

— Il est temps que le gouvernement se préoccupe des villages de montagne, surtout s’il veut que l’économie touristique se développe. Il y avait un médecin à Ouchgouli, autrefois, explique Ludovic. Mais à sa mort, il n’a pas été remplacé. Vous faites des visites dans les hameaux voisins ?

— Nous avons alterné l’ouverture libre le matin avec les tournées l’après-midi jusqu’à présent. Mais il ne nous est pas possible d’aller plus loin qu’Adishi, en raison de la difficulté de se déplacer en hiver. C’est pourquoi un second médecin et une deuxième infirmière sont venus rejoindre l’ONG. Nous allons pouvoir mener les deux dès que Randy sera d’aplomb.

— Alan, appelle Charlotte. Je ne parviens pas à faire fonctionner le groupe électrogène relais !

— J’arrive ! Alan s’excuse et part retrouver mon amie.

— Alan a branché une pompe à chaleur pour le chauffage du dispensaire. Mais elle n’est pas suffisante, c’est pourquoi nous mettons en route le groupe électrogène pour avoir un appoint, j’explique, amusée, car chaque soir c’est le même problème. Ludovic sourit aussi. Je suis de nouveau frappée par la beauté de ses traits et envahie d’émotion à la vue de son visage détendu. Nous admirons un moment les étoiles briller haut dans le ciel nocturne et limpide de la montagne. Puis je me jette à l’eau, pour rompre le silence qui devient embarrassant.

— Je voulais vous remercier d’être venue me rejoindre au Chkhara. Pour m’avoir aidé à dégager Randy et Ricky de la carlingue. Et les avoir ramenés, je bredouille sans savoir comment me sortir de ce moment gênant.

— C’est tout ? fait-il en me scrutant intensément.

— Je vous dois des excuses, lui dis-je en m’empourprant. Je n’aurais pas dû partir avec votre motoneige sans vous demander la permission.

Plus aucune trace d’humour ne s’affiche sur son visage. Ses mâchoires contractées m’apprennent qu’il est en colère. Pourtant je n’ai rien fait de mal !

— Vous êtes une héroïne, vous n’avez pas à vous justifier. Cependant, ne recommencez jamais cela, car je ne le tolérerais pas, m’avertit-il d’un ton cassant qui ne laisse pas de place au doute sur le fait qu’il est très sérieux.

Mon cœur se pétrifie d’un seul coup. J’ai conscience que voler est mal, mais je ne m’attendais pas à cette réaction glaciale. Après tout, je ne l’ai pas pillé pour tirer de l’argent de sa motoneige, mais pour sauver des vies ! Je ne peux empêcher mon exaspération de percer alors que je lui réponds agressivement :

— Et bien, que feriez-vous ?

Au moment où je parle, je me rends compte que je cherche à le provoquer parce que je suis en tort, et que cela me rend en colère.

— Evie, personne ne prend ce qui m’appartient sans en payer le prix. Je fais une exception pour vous parce que votre vol est parti d’un bon sentiment. Mais il y a bien pire que m’avoir dérobé. Vous ne semblez pas avoir conscience de vous être mise en danger. S’il vous était arrivé quelque chose, il aurait fallu déployer encore plus de moyens pour vous sauver également.

Il a probablement raison, mais je ne suis pas prête à le reconnaître. J’ai plutôt l’impression qu’il me perçoit comme une petite fille à qui on fait la leçon, et je déteste cela. Pourquoi les hommes pensent-ils que les femmes sont faibles et fragiles ? Je ne supporte pas son intonation suffisante. Je ne laisse personne m’écraser en me dictant ma conduite.

— Il y aurait eu danger si je n’avais pas su ce que je faisais, je lui déclare, revêche.

— Evie, commence-t-il avec un ton paternaliste qui me révolte d’emblée, tandis que le reste de sa tirade me glace instantanément. Si un homme me dérobe quelque chose, je lui colle mon poing dans la figure, puis je le renvoie dans les mains de la justice. Dans votre cas, c’est différent. Vous êtes une jeune femme impétueuse, qui se comporte comme une adolescente trop gâtée. Vous arrivez ici, et vous ne connaissez rien des dangers de la région. Si vous me voliez à nouveau, je vous en ferais passer l’envie. Et si vous preniez de nouveau des risques inconsidérés qui m’obligent à venir vous chercher, je vous mettrais une telle fessée que vous ne recommenceriez pas.

Il me dit cela d’une façon si catégorique que j’en ai le souffle coupé. Pour qui se prend-il ? Comment ose-t-il me traiter d’adolescente trop gâtée ? Je déglutis, alors qu’une chaleur sourde se diffuse dans mon ventre. Quel effet cela me ferait-il de… Je chasse cette pensée importune, pour balbutier d’une voix mal assurée, à mon grand désarroi.

— Vous… vous n’avez pas le droit de me parler ainsi. Je m’assume depuis longtemps. Je n’ai pas de leçon à recevoir de votre part.

Puis je tourne les talons et m’enfuis pour lui cacher mon trouble, le laissant seul sur la terrasse.

Le lendemain matin, je m’éveille de bonne heure, après avoir mis une éternité à m’endormir. Avant même d’ouvrir les yeux, je me rappelle des événements de la veille, notamment de Staveski qui m’a menacé de fessée si je prends des risques inconsidérés.

Quel salaud ! Croit-il que les défis soient réservés aux hommes ? Les femmes doivent probablement tenir la maison, dans son idéal !

Aussitôt, j’ai honte de m’être enfuie comme si j’étais l’adolescente dont il m’a qualifiée. Cette assertion me met d’autant plus mal à l’aise, parce que cet homme est Adonis en personne et que je refuse d’imaginer ce que cela me ferait d’être fessée par lui, cela entre en totale contradiction avec ma nature profonde.

Je suis une femme libre et indépendante.

Je me sens en pleine confusion, sans trop savoir pourquoi. Pourtant il est clair qu’il ne m’apprécie pas, sinon il ne me parlerait pas ainsi. Je ne souhaite pas réfléchir davantage, alors je me lève et m’habille après avoir fait ma toilette. Je constate que Staveski a quitté les lieux. Tant mieux. Cela m’évitera la gêne de le recroiser. Je me rends à la cuisine et remplis la cafetière à ras bord pour notre équipe, car je suis la première debout ce matin.

Dès que mon déjeuner est avalé, je fonce m’équiper pour aller randonner à ski. Je vais grimper sur le versant de la vallée ouest, car j’ai besoin de dépenser toute mon énergie et chasser mes pensées négatives. Les paysages ensoleillés, excepté l’épisode de la tempête, ont conquis mon cœur. La neige brille de mille feux et pare la combe de blanc scintillant. Les immenses sapins semblent disparaître sous une couche de chantilly, j’ai l’impression d’être dans une pâtisserie géante. On ne peut pas dire que le réchauffement climatique a atteint le Haut-Svanéti, constat qui me réjouit tandis que je gravis lentement la pente.

Le silence m’apaise. Je suis loin des bruits de la civilisation, cela contraste avec l’afflux de touristes qui envahit mon village chaque hiver pour prendre d’assaut les télésièges et la station de ski. J’aime sentir les odeurs fraîches de la nature, goûter l’air pur de la montagne. Je ne regrette absolument pas mon choix d’être venue m’installer ici. Alan est un peu trop autoritaire à mon goût, mais il n’empêche que c’est un médecin humain et compétent, alors travailler sous sa direction n’est pas compliqué. Quant à Randy, s’il peine encore à communiquer avec moi, sa bonne humeur constante fait de lui un collègue agréable à vivre.

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