Chapitre 8 Ludovic
Evie m’obsède. Je suis fou de désir pour elle. Je ne comprends pas ce qui m’arrive, moi qui suis célibataire. J’ai toujours préféré avoir des relations tarifées, qui ne demandent aucun engagement sentimental. Or son entrée dans ma vie bouleverse mes schémas habituels.
Je ne m’explique pas pourquoi je l’ai menacée de lui mettre une fessée, si ce n’est que j’ai réussi ce que je voulais, lui faire peur et l’éloigner de moi. Alors pourquoi cela m’irrite-t-il autant ? Est-ce parce que cette image d’Evie dénudée, le postérieur en évidence sur mes genoux, reste accrochée aux tréfonds de mon cerveau et m’empêche de réfléchir sereinement ?
Elle remue des choses profondément enfouies au fond de moi. Me donne envie de lui faire des trucs qui nécessiteraient un corps à corps autrement plus intéressant qu’un entraînement au combat.
Pourtant, il n’est pas question de m’engager dans une relation. Ma mission consiste à renseigner au contact, mais aussi à neutraliser des terroristes. Je poursuis deux cibles de hautes valeurs dans la région, des Français qui ont un mandat d’arrêt international : l’un d’entre eux pilote des attentats à distance sur le sol français !
La DGSE m’envoie, en partenariat avec l’OTAN, par l’intermédiaire du CTLO, dont provient Marko, le contre-terrorisme et libération d’otage. Aleksander, instructeur géorgien pour l’OTAN, est investi de la communication entre nos deux pays. Cette collaboration DGSE-OTAN-Géorgie fait partie de la politique de coopération interarmées. Marko et moi sommes chargés du renseignement, mais aussi d’éliminer les cibles françaises que nous recherchons.
Il nous faut découvrir ce qu’il se trame au plus vite. Je dois agir discrètement, avec les hommes de la mission.
Mon arrivée ici fait suite à des témoignages d’une douzaine d’étrangers parcourant la région, dont justement deux jeunes Français. Or, il n’y a plus de touristes depuis que l’épidémie de coronavirus a paralysé le monde, une crise économique sévère terrasse les habitants.
Alors qui sont ces étrangers ? Des Russes, des Irakiens, des Syriens ? Ou encore des Tchétchènes, des Ouzbeks, ou des Daghestanais ? La liste est longue, et les possibilités multiples. La Géorgie est aussi dans la ligne de mire de la Russie qui veut accroître son influence, ainsi que de la Turquie, pour la même raison.
Qui se promène dans le Caucase en plein hiver ? Cette chaîne de montagnes est une barrière naturelle aux sommets de cinq mille mètres d’altitude qui forment des remparts. D’ici, les deux premiers postes-frontière sont à deux cents kilomètres à l’est comme à l’ouest.
Outre ces témoignages qui indiquent qu’il se produit quelque chose d’anormal, le crash de l’appareil de l’ONG vient brouiller les cartes. Le moteur de l’hélico a littéralement explosé en vol. L’aéronef a-t-il été abattu parce qu’il a franchi la frontière ? Ou est-ce une déclaration de guerre du voisin russe ?
Il y a dix ans à peine, la Russie a anéanti le Rassemblement des Peuples de la Montagne, car il était mené par un islamiste tchétchène, qui revendiquait l’indépendance de son pays. Cela signifie que d’autres groupes peuvent se constituer.
Seuls les contrebandiers franchissent peut-être encore le Caucase du nord au sud, en été. Mais ils sont discrets. Les gens d’ici les connaissent, les cachent, parfois. Ils ne sont pas non plus vêtus de kamis et de djellabas.
Avec le marché et la foire aux animaux qui commence dès demain matin, il va y avoir une affluence de marchands et de badauds à Ouchgouli. Même si les routes sont recouvertes de neige, cela n’empêche pas les commerçants de Maestia de faire leurs achats, avec leurs mules de bâts et leurs charrettes. Le bétail est réputé, les gens viennent de loin pour la vente de Noël. Ils approvisionnent aussi les montagnards en vivres que ceux-ci ne peuvent produire eux-mêmes.
Je vais donc organiser mes forces autour d’Ouchgouli cette semaine. Il me faudra également poster des hommes dans le village, et dans l’auberge, le soir de la fête. Je crains un coup d’éclat de la part des extrémistes, un tel rassemblement est une aubaine pour eux.
J’envisage d’engager une surveillance autour de l’ONG, avant que son équipe ne serve d’otage. Ils se baladent par deux en pleine montagne, inconscients du danger, et me font confiance comme s’ils m’avaient toujours connu. Bienheureux dans leur ignorance, ils sont des proies faciles. Un gain de tout bénéfice pour les organisations guerrières.
Malheureusement, mon obsession pour Evie met en péril mon analyse de la situation.
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