Chapitre 31 Evie

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Un silence suit ma déclaration, puis Ludovic me prend dans ses bras et me serre contre lui, comme pour atténuer la peine qui me ronge de façon toujours aussi vive.

— Merci de m’avoir livré ce morceau si intime de toi, me murmure-t-il tendrement.

Sa voix, sa chaleur corporelle et sa douceur contrastent incroyablement avec le ton dur et méprisant qu’il a souvent eu avec moi, mais en cet instant, j’oublie tous ces moments désagréables pour me fondre contre lui comme si j’étais une petite fille calinée par son père. J’en ai bien trop dit à mon goût, cependant. Je me sens mise à nue, vulnérable. Il doit rééquilibrer la balance des confidences, pour que je puisse retrouver ma confiance en moi et en lui.

— Et toi, je demande, qu’est-ce qui t’a conduit à devenir capitaine d’un commando en mission secrète dans ce trou perdu ?

Il rit, nullement offensé par ma façon de qualifier le Haut Svanéti.

— Es-tu Géorgien par ton père et ta mère ? j’ajoute timidement, car je suis vraiment très curieuse et m’en veux un peu pour mon indiscrétion.

— Ma mère est parisienne, mon père était Géorgien, me répond-il avec une voix légèrement altérée par une émotion intérieure.

Je me serre davantage contre lui, en sentant confusément qu’il souffre aussi. Va-t-il se permettre de se livrer à moi tout comme je l’ai fait ? C’est un militaire, après tout. Ces hommes sont des pros pour enfouir leurs sentiments au plus profonds d’eux-mêmes.

Tout à coup, je comprends que si Ludovic ose me confier une part intime de lui-même, de la même manière que je viens de le faire, cela signifiera quelque chose pour lui, comme pour moi.

Il s’éclaircit la voix et reprend :

— Mon père était militaire gradé. Il a succombé au combat alors que j’avais douze ans.

Mon cœur se serre à l’idée qu’il ait dû affronter la perte d’un être proche alors qu’il n’était qu’un enfant.

— Dans quelle circonstance est-il décédé ? je demande, afin de l’aider à s’abandonner.

— Il est mort dans une embuscade lors de la guerre en Afghanistan.

Je ne savais pas que la France avait été en guerre en Afghanistan il y a un peu plus d’une vingtaine d’années, mais ne fais pas de commentaire pour ne pas interrompre sa confidence.

— Et ta mère ? j’interroge.

— Mon père a rencontré ma mère alors que c’était une petite comédienne de théâtre, incroyablement belle. Son jeu d’actrice n’était pas mauvais, et elle plaisait beaucoup. Ma mère est une femme ambitieuse, qui raffole de l’adulation des hommes. Mon père était en adoration devant elle, et l’a mise enceinte très vite. Elle a choisi de se marier à lui, car il était déjà officier, et paraissait promis à une brillante carrière.

Ludovic semble crispé à l’évocation de sa mère, je sens que cette femme est probablement à l’origine de la légère misogynie qui apparaît dans sa façon de me traiter. Mon cœur se serre à l’idée qu’elle ait pu abîmer un homme tel que lui.

— Elle a cessé son métier à ma naissance, pour se consacrer à la vie mondaine. Elle aimait donner d’importantes réceptions dans notre appartement parisien, que mon père soit là ou non. Elle dépensait énormément d’argent ainsi, sans se soucier de moi, qui devait demeurer des heures durant dans le fauteuil de notre grand salon, à écouter des gens futiles déblatérer les idioties les plus révoltantes que j’ai entendues. Ses invités adoraient se critiquer mutuellement, notamment ceux qui étaient absents. Néanmoins, j’ai beaucoup appris de la culture du théâtre, et assisté à des spectacles incroyables.

— Cela devait être difficile pour toi de rester sage alors que tu étais un petit garçon.

— C’était dur, mais mon père s’occupait beaucoup de moi dès qu’il était de retour. C’était mon idole.

— Ta mère ne faisait jamais attention à toi ?

— Elle me déteste. Je suis le gosse qui a perturbé sa carrière prometteuse, et elle n’a cessé de se débarrasser de moi dès qu’elle le pouvait. Heureusement, je passais toutes mes vacances chez mon grand-père, dans le Vercors. C’était un homme bon et patient qui m’a appris beaucoup de choses.

— Que s’est-il produit lors de la mort de ton père ?

— Ma mère m’a envoyé en pension, au lycée de l’armée à Grenoble, les Pupilles de l’air, lâche Ludovic d’une voix atone qui me fait saisir que la pilule a été dure à avaler. J’y ai accompli le restant de ma scolarité. Puis je suis parti effectuer des études aux États-Unis, comme tu le sais déjà, avant de rejoindre l’école des officiers.

C’est à mon tour de mieux le comprendre. Il réside cependant un point à éclaircir.

— Pourquoi as-tu choisi de rentrer dans les Forces spéciales, tu aurais pu faire carrière n’importe où ailleurs !

— J’ai su très jeune que j’entrerais dans l’armée, comme mon père. Longtemps, j’ai voulu venger sa mort, en quelque sorte, en tuant le plus de méchants possibles. Enfin, c’était la vision que j’avais à douze ans. Par la suite, j’ai compris que je devais servir la France, car ce pays nous avait beaucoup donné, à mon grand-père et moi. De plus, les Svanes sont des guerriers de longue date, et mon grand-père m’a appris beaucoup de techniques de chasse et de survie quand j’étais enfant. Je l’admirais beaucoup, il était fier que son fils ait protégé la France, et que je suive ce chemin aussi. Au moins, mon père était mort sur le champ d’honneur. C’était très important pour lui.

— Tu as de la famille en Géorgie, alors, je l’interroge, comme il ne semble pas avare de confidences.

— Oui, sans aucun doute ai-je de la famille plus ou moins éloignée dans ce village ainsi que ceux d’alentour, mais je ne les connais pas suffisamment bien pour les fréquenter. Le temps et la distance ont effacé les liens que mon grand-père avait avant d’émigrer.

— Et ton oncle, il est toujours garde du corps à Tbilissi ?

— Tu veux tout comprendre, toi hein ? Tu es plus curieuse qu’un chaton de trois mois ! Je ne sais pas pourquoi, mais ça ne m’étonne même pas.

Sur ce, il m’attrape dans ses bras et me fait basculer dans la fourrure sans me répondre. Je devine qu’il s’agit d’un point encore plus sensible que ce qu’il m’a déjà dit, et n’insiste pas.

Ludovic bascule au-dessus de moi, s’empare de mes poignets qu’il emprisonne dans une main, et m’embrasse. Cette sensation d’être immobilisée me donne envie de ruer pour me dégager, ce que je fais vaguement, pour lui montrer qu’il ne me fait pas peur. Il réagit en se mettant à califourchon, entourant ma taille de ses cuisses musclées, sans me lâcher les avant-bras. J’ai affaire à plus fort que moi, ce qui m’excite à nouveau, sans m’effrayer pour autant. Il me considère ainsi d’un air narquois.

— Alors, que fais-tu à présent, me nargue-t-il, amusé, ce qui me trouble malgré moi.

Rien, évidemment, puisque je suis complètement coincée. Je souris, sans répondre à sa provocation, admirant une fois de plus ses prunelles si claires qu’on pourrait voir à travers.

Il se penche et pose un baiser sur mes lèvres, lâche mes poignets pour m’effleurer les seins et le ventre. C’est divin. Ma respiration s’accélère dès qu’il serre mon téton tout en m’embrassant avec une douceur qui contraste avec son pincement. Je sens immédiatement monter une vague de désir surpuissante pour cet homme si magnifique. Je passe mes mains dans son dos afin de caresser ses muscles endurcis par les combats, et note mentalement de l’interroger sur les incroyables cicatrices qui lui parcourent la chair. Cet officier a dû vivre un tas d’aventures étonnantes, et j’espère qu’il les partagera avec moi. Tout à coup, je me surprends à souhaiter que notre relation soit le début de quelque chose de beau et durable.

Il me prend d’assaut, s’enfonce en moi lentement en me regardant comme si j’étais la plus jolie femme de sa vie, ce que j’apprécie à sa juste valeur. Dès qu’il approche sa bouche de la mienne, je lui embrasse le nez, pour le taquiner un peu, puis redescends afin de lui mordiller la lèvre supérieure. Il pousse un gémissement, puis entreprend de dévorer les miennes, tout en bougeant son bassin de mouvements amples et profonds. Je m’ajuste et réponds à son rythme alangui avec mes hanches. Ses doigts se glissent entre nous, caressent mon point sensible, je feule mon extase.

Il me fait ainsi l’amour si doucement que je comprends que ses mises en garde contre lui-même sont en partie de la fanfaronnade. Il n’entend pas être un dominateur sans pitié, mais un amant délicat et fantastique. Dès qu’il accélère le tempo, je réponds en allant à sa rencontre, et bientôt ni tenant plus, j’impose aussi mon rythme en le prenant d’assaut à mon tour. Il me regarde, stupéfait puis ravi, m’abandonne la cadence quelques minutes, avant de réagir avec des coups de reins qui m’envoient au paradis en quelques secondes.

Ce dernier round nous laisse chaos tous deux, et Ludovic réinstalle les couvertures sur nous. Nous nous endormons l’un et l’autre, moi blottie contre cet homme hors norme qui me fait grimper dans des sommets de plaisirs inédits, plusieurs fois de suite.

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