Chapitre 6 Nikita
C'est un frottement contre la porte qui me sort de ma léthargie. J'ai perdu connaissance sous les coups de mon bourreau. Je ne sais pas comment je suis arrivée de nouveau dans cette chambre qui est l'antre du diable. Aucun souvenir... je soulève ma tête de l'oreiller essayant d'entendre si le bruit qui m'a sorti de cette brume est bien réel. Je l'entends de nouveau, suivi de mon prénom d'emprunt.
— Daisy... Daisy... c'est moi Sandie... tu es là ?
Je me relève doucement et retiens un cri lorsque mon dos emporte avec lui, le drap housse collant à mes plaies. Je sers les dents, je n'ai plus la force de dire un seul mot de toute façon. Ma gorge me brûle, même déglutir m'est difficile. Je me glisse hors du lit, rampe jusqu'à la porte et gratte à mon tour pour montrer ma présence.
— Daisy ?
Je frotte le bois de la porte deux fois avec mes ongles.
— J'ai su ce qu'il t'avait fait, j'ai eu juste le temps de rentrer dans ma chambre avant qu'il ne me remarque. Je vous ai suivi discrètement jusqu'à la cave. J'aurais tellement voulu t'aider si tu savais. J'ai eu droit aux mêmes coups, aux mêmes blessures. Je vais dire à la dame de ménage qui viendra faire ton lit, de te passer de la crème cicatrisante dans le dos. Tu verras, elle est très gentille mais surtout il ne faut pas que quelqu'un s'en aperçoive, elle risquerait sa vie et toi, le fouet de nouveau. Qu'en penses-tu ? Veux-tu que je lui demande ?
— Oui... s'te plaît... arrivé-je à articuler.
— Je vais également prévenir la cuisinière pour qu'elle te prépare une infusion pour soulager ta gorge et des cachets pour éviter l'infection.
— Mer... ci
— Ne me remercie pas, si seulement je pouvais ouvrir cette porte mais un cadenas la condamne. Je ne sais pas si je t'entendrais à nouveau car ma mère m'a demandé de me préparer à toutes éventualités aujourd'hui. Elle va aller parler à Caleb pour négocier notre liberté mais sache que quoiqu'il se passe, si j'ai la moindre possibilité de contacter les autorités, j'enverrais des secours pour te sortir de là. Je vais tout faire pour que ces ordures paient pour leurs crimes. Je t'en fais la promesse. Je dois te laisser, il faut que je rejoigne la loge de ma mère après m’être occupée de tes soins. Courage Daisy mais surtout ne perds jamais espoir, c'est ce qui m'a maintenue en vie jusqu'à ce jour. L’espoir que ces pourris finiront au fond d'un trou de terre ou de prison. Dis-toi qu’ils ont peut-être pris ton corps mais qu’ils n’auront jamais ton âme. Je ferais tout pour te sortir de là dès que je pourrais, ma mère m'aidera j’en suis sûre. Mon corps et son corps sont les témoins de nos dires, finit-elle.
Puis, je l'entends s'éloigner. Je regagne mon lit en rampant sur la moquette, mes jambes ne me portant plus. Je n'ai plus de larmes à verser aujourd'hui. Je suis épuisée, je ne sais pas si j'aurais le courage de continuer encore longtemps comme elle voudrait que je le fasse. Mon corps est tellement meurtri que je ne sais même plus de quel côté je peux m'allonger pour ne pas souffrir.
J'ai dû m'endormir car c'est le verrou de la porte qui me réveille. Je sursaute et me retourne brusquement pour voir qui entre. Mal m'en a pris, je suis vite rattrapée par la douleur qui me fait serrer les dents pour ne pas hurler. Je vois alors une petite femme rondelette pénétrer dans la chambre avec un plateau, elle est suivie par une autre dame, un peu plus fine, tenant des draps dans ses bras.
— Bonjour Mademoiselle, comment vous sentez vous ? Sandie nous a demandé de vous apporter quelques petites choses pour vous soulager. Mettez-vous sur le ventre, Marie va vous passer de la pommade, vous verrez, c'est un réel bonheur pour soulager rapidement les blessures, dit-elle doucement. Pendant ce temps, je vais surveiller que personne ne vienne.
Marie s'approche de moi avec un sourire triste sur le visage. Elle me fait signe de me retourner, je lui montre donc mon dos. Aucun commentaire ne filtre de sa bouche. A t'elle l'habitude ? Certainement, au vu de ce que m'a laissé entendre Sandie. Elle se dirige d'abord vers la salle de bains puis revient avec un gant de toilette et une petite bassine que je n'ai jamais vu. Elle la dépose à côté de moi sur le matelas et avec douceur, me passe un gant tiède sur mes plaies. Ça pique mais ça va, le deuxième passage est moins douloureux que le premier. Elle effleure délicatement mon dos avec la serviette, évitant ainsi de le frotter, puis prend la pommade et commence à m'enduire le dos. Sur le coup, je sursaute à cause du froid de la crème. Elle me demande ensuite de me retourner sur la serviette, pour que celle-ci absorbe l'excédent, ne laissant aucune trace pour les yeux affûtés de Russell. Puis, je me bascule de nouveau sur le flan pour qu'elle retire cette dernière.
— Mona c'est bon, tu peux venir, je vais prendre ta place et ensuite nous changerons les draps.
— D'accord, surveille bien. Au moindre bruit, nous dissimulerons tout dans nos blouses.
Mona vient s'asseoir sur le rebord du lit, approchant de mes lèvres, un verre rempli d'une infusion de thym, de miel et de citron.
— Buvez cela mon petit, Sandie m'a dit que vous aviez mal à la gorge. Cela va vous soulager. Pour les multiples coups que vous avez reçus, je vous ai emmené un dérivé de morphine pour vous soulager, c'est un analgésique puissant pour calmer la douleur. Vous vous sentirez peut-être un peu groggy mais cela vous soulagera. J'ai entendu dire que Monsieur Russell était absent pour la journée, vous devriez pouvoir ainsi vous reposer.
— Mer...ci, dis-je la voix enrouée.
Elles m'aident ensuite à me poser sur le fauteuil près de la fenêtre pour changer mes draps. Une fois l'opération terminée, elles reviennent toutes les deux me soulever, pour m'aider à me glisser sous ces derniers, ils sentent bon la lavande, c'est apaisant.
— Reposez-vous, Mademoiselle, me dit Marie mais nourrissez-vous également, il ne faut pas que vous perdiez de forces. La guérison n'en sera que plus rapide.
Une guérison plus rapide alors que je voudrais que ce soit la mort qui me cueille en cet instant.
Elles sortent de la chambre et je me retrouve de nouveau seule, face aux démons qui envahissent dorénavant aussi bien mes jours que mes nuits...Combien de temps me reste t'il avant de sombrer dans la folie... Allongée sur le côté, je replie mes genoux contre mon ventre, les entoure de mes bras, ferme les yeux et fredonne pour me replonger dans un passé où tout n'était qu'innocence... je ne prononce pas les paroles, seul le son sort de ma gorge... «♫♪ Une chanson douce que me chantait ma maman...♪♫ »
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