Chapitre 12 Falco

21 minutes de lecture

Quelques heures plus tôt.

Je quitte Nikita après lui avoir volé un baiser puis me dirige vers ma moto, mon deuxième amour. C'est une Héritage Classic cent quatorze de chez Harley Davidson, gris noir, un petit bijou. Elle se pare d'un peu de rock'n'roll et d'autorité par rapport aux précédentes. Rock'n'roll parce qu'elle est toute noire au niveau du moteur et de certains éléments du châssis, et d'autorité parce qu'avec son pare-brise qui est noir dans sa partie inférieure, ressemble un peu aux motos de police de l'époque. Au cœur du modèle Héritage se trouve un bicylindre en V à quarante-cinq degrés refroidis par air, il est boulonné directement au cadre. Le moteur est un Vdeux, mille huit cent soixante-huit centimètres cube ; quatre-vingt-quatorze chevaux ; cent cinquante-cinq newton par mètre de coupe ; vitesse de pointe cent-quatre-vingt kilomètres heures. La sellerie est en cuir, un vrai confort, c’est jouissif.

Les gars me rejoignent, nous partons avec un petit groupe de dix motards. Nous avons besoin de faire le tour de nos garages mais surtout des clubs pour voir si personne n'essaie de nous doubler. Notamment celui de Dallas, nous sommes à cent soixante kilomètres, nous en avons bien pour plus d'une heure et demi pour y aller, donc nous finirons par celui-ci. Un de nos membres sur place a relevé des trucs louches, de la drogue circulerait dans le club et ça ce n'est pas bon pour les affaires. La drogue, Ghost n'en veut pas, ceux qui le connaissent ne s'aviseraient pas de détourner ses ordres, donc il y en a un qui ne le connait pas, il va falloir que j'y remédie en tant que vice-président. Ce n'est pas vraiment le bon mois de l'année pour aller y traîner, mais les affaires étant ce qu'elles sont, nous n’avons pas vraiment le choix.

Les tornades sont peut-être la plus grande menace pour la ville de Dallas. La tornade mineure la plus récente avec des dommages notables s'est produite en dix-neuf-cent-quatre-vingt-quatre où une formation minuscule a atterri près de Lovers Lane et Greenville Avenue. Au printemps, les fronts de froid se déplaçant du Canada se heurtent à l'air chaud et humide dans la région du golfe du Mexique. Quand ces fronts se rencontrent au-dessus du Texas, de sévères orages sont produits avec des éclairs spectaculaires, parfois des torrents de pluie, de la grêle et des tornades. Dallas se trouve à l'extrémité méridionale de la Tornado Alley. En mai deux mille, la Fort Worth Tornado a frappé le centre de la ville voisine de Fort Worth, endommageant considérablement plusieurs des gratte-ciels avec des plus petits bâtiments sur la périphérie du centre des affaires. Notre club n'a pas été touché mais il s'en est fallu de peu.

A la fin de la journée, nous nous dirigeons enfin vers Dallas et après une heure et demi de bitume, nous mettons le pied à terre devant le « SDC Cabaret ». Il est déjà dix-huit heures et le parking est plein. Nous sommes ouverts six jours sur sept, presque vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il ne désemplit jamais. Les spectacles tournent toute la journée et toute la nuit, il y en a pour tous les goûts, jeunes et moins jeunes. Ces derniers préfèrent venir en journée.

Le club est un grand bâtiment rectangulaire de cent mètres de long par soixante de large, soit six mille mètres carrés. Ses façades sont éclairées par des lumières dans les tons violet mauve. A l'intérieur une hauteur sous plafond de seize mètres avec plusieurs podiums haut d’un mètre ; chaque piste de danse est éclairée pour qu'aucun spectateur ne loupe quelque chose. Elles ont chacune en leur centre une barre de pôle dance, montant à six mètres, où se trémoussent les strip-teaseuses. Autour, formant comme une toile d'araignée, des rangées de tables basses, entourées de quatre fauteuils club en cuir rouge. Dans certains endroits plus intimes, en général disposés contre les murs de la salle, de petits salons privés fermés par un rideau. Derrière se trouve de très hautes banquettes en cuir marron formant un U et en leur centre une mini scène, avec une barre de pôle dance, pour une lap dance plus discrète et intime.

Des coursives en métal courent le long des murs intérieurs et en font le tour. Elles accueillent les salons VIP, ces derniers ont une vue directe sur la scène et les spectacles, mais aussi sur toute la clientèle. Sous l'une d'entre elles, dans le fond de la salle, un bar de cinq mètres de long. Des écrans géants indiquent les différents menus, d'autres les boissons.

Tout autour de la salle, d'autres écrans géants suspendus aux gardes corps des coursives, diffusent les divers shows se produisant. Les lumières du cabaret sont feutrées dans les tons rose mauve.

Nous montons directement et discrètement dans le salon VIP réservé aux membres de notre club, mais plus précisément à Ghost et moi. C'est une salle fermée avec de grandes vitres sans tain, nous permettant de voir sans être vu. Les clients, de leur côté ne voient qu'une grande glace. Divers ordinateurs y sont installés diffusant en direct les vidéos du cabaret, grâce à plusieurs caméras disposées à chaque recoin, ainsi que plusieurs autres au centre, dissimulées au milieu d'énormes boules à facettes. Aucun coin ne nous est interdit. Nous voyons tout, nous entendons tout puisque nous avons également disposés des micros à certains endroits stratégiques pour écouter certaines conversations, lorsque nous estimons que les clients ont des comportements bizarres. Nous épions ainsi leurs discussions pour en avoir le cœur net, ceci nous a permis par le passé, de stopper une tentative de braquage e, entourant d'une quinzaine d'hommes, les tables concernées. Les braqueurs n'ont rien compris, ils étaient au nombre de six et ont été reconduits gentiment à la sortie. Enfin ça, c’est la version officielle, l’officieuse étant qu’ils ont été accompagnés dans une de nos salles de nettoyage, si vous voyez ce que je veux dire. Nous n’avons plus jamais entendu parler d'eux et pour cause.

Nous sommes là depuis deux bonnes heures, à visionner les écrans à la recherche de l’homme qui se permet de venir vendre sa saloperie dans notre club. Il apparaît soudain sur un de nos moniteurs. Nous suivons ses allées et venues puis nous repérons son manège très vite. Il trouve une potentielle proie, s'en approche, lui glisse quelques mots à l'oreille puis ouvre sa veste, lui montrant secrètement les petits sachets de drogue qu'il conserve dans sa poche intérieure. Il emmène ensuite la personne dans un de nos salons privés, ressortant quelques minutes après. Lui partant d'un côté à la recherche de sa future proie, pendant que son client se dirige vers les toilettes.

— Tomy, Joe et Mike ! Allez me chercher cette tête d'enclume et soyez discret.

— Ok Falc !

Dix minutes plus tard, ils reviennent. Tomy se tient derrière lui, Joe et Mike sont de chaque côté. Lorsqu'il me voit, il perd de sa superbe.

— Alors petite fiotte, on vient faire son business dans notre club ?

— Ce n'est pas ce que vous croyez !

— Ah ? Alors que dois-je croire ? Parce que ce que j'ai vu ne me laisse pas beaucoup de place à l'imagination sur autre chose que de la daube que tu diffuses chez moi.

— Hein ? Non, je ne ferais jamais ça. Il faudrait être fou, non... non... j'essaie juste d'avoir des petites faveurs dans les salons privés... c'est tout... euh... c'est qu'une histoire de cul... vous voyez ?

— Ah bon ? Une histoire de cul, tiens donc... femme ... homme... tu marches à voile et à vapeur alors ?

— Euh ... oui... oui ... c'est ça...euh... je suis bi... quoi.

— Ok, je vois. Je n'ai rien contre, je ne juge pas, chacun prend son plaisir où il veut. Mais dis-moi, simple curiosité, tu préfères être pris ou prendre ?

— Euh, comment ça, me dit-il des perles de sueur commençant à se former sur son front, regardant tour à tour les gars qui l'encerclent.

— Et bien, tu préfères être derrière ou devant ? C'est simple comme question non ? Avec les mecs, tu préfères te faire enfiler ou te les enfiler ? Ou alors c'est chacun son tour. Oui ça doit être ça, chacun son tour, ce qui serait normal après tout.

— euh... oui... oui... me répond t'il de plus en plus mal à l'aise.

Ce ne sont plus des gouttes mais des rivières qui coulent de ses tempes. Sa chemise commence à être trempée elle aussi.

— Bien... bien... bien, dis-je, Steve !

— Oui Falc !

— Tu peux aller me chercher les trois gars à qui il a vendu sa poudre ?

— Pas de soucis, j’y cours.

— Quoi ? Non, vous ne pouvez pas faire ça ?

— Pourquoi ? Ils seront peut-être contents de remettre le couvert. Comme ça, tu sauras si tu es un bon coup ou pas.

— Non attendez !

— Trop tard, je crois que Steve vient de mettre la main sur ton premier client, dis je en regardant les écrans de contrôle.

Je vois le type déglutir et devenir de plus en plus pâle. Pourtant, plus aucun mot ne sort de sa bouche.

Steve arrive avec le gars qui parait lui aussi effrayé, il le fouille puis lui prend ses papiers qu’il me tend.

— Que... que me voulez-vous ? nous demande ce dernier.

— Ne panique pas comme cela, au contraire si je peux me permettre le jeu de mot, tu vas niquer, dis je en dépliant ses papiers d’identité, Monsieur... Martial Benner, c’est bien toi ?

— Oui Monsieur.

Je tends de nouveau les papiers à Steve.

— Je... je ne comprends pas ? nous fait ce dernier.

— Ah bon ? Tu ne comprends pas ? fais je en me retournant vers son vendeur. Il me semble pourtant que cela est assez clair. Tu vois, ce monsieur ici présent, vient de nous dire qu’il s’envoyait en l’air dans nos salons privés.

— Que... quoi ? Pourquoi il... a dit ça ? bégaie ce dernier.

— Peut être parce qu’il sait qu’il vaut mieux être pris en train de s’envoyer en l’air plutôt que d’être pris en vendant de la drogue. Ici, c’est strictement interdit, il en va de la réputation de notre club.

— Je... je ne savais pas ! Je suis désolé ! nous dit le gars qui est livide à présent. Je ne savais pas, je vous jure !

— Que ne savais tu pas ? Qu’il était interdit de vendre de la drogue dans notre établissement, ou que vous étiez filmé ?

— Filmé ?

— Hum, hum.

— Attendez ! Ce n’est pas ce que vous croyez ! s’insurge soudainement notre détenu. Lui, il n’a pas voulu. Nous ne nous sommes pas bien compris avec le bruit de la musique. Il pensait que j’allais lui vendre quelque chose, n’est-ce pas ?

— Que ... je...

Le client ne sait plus où se mettre, il déglutit à multiples reprises, nous regardant plusieurs fois tour à tour. Il est temps pour moi de mettre fin à cette mascarade.

— Ma question va être simple, seule la réponse devra être précise, il en va de ta bonne santé, expliqué je au client.

Je vois que celui-ci tremble de tous ses membres.

— Je... je vous écoute Monsieur.

— As-tu oui ou non, eu des relations sexuelles avec cet homme.

— Nous ne nous sommes pas compris, je vous ai dit que...

J’allonge une droite dans le ventre du vendeur, le pliant en deux.

— Je ne parle pas à toi ! Alors ? fais je à l’homme qui est au bord de l’évanouissement.

— Non... non, nous n’avons pas eu de relations sexuelles, je suis hétéro monsieur, je suis marié.

— Alors peux tu m’expliquer ce que vous faisiez dans cette cabine ?

Le vendeur même plié en deux, continue de regarder son client, lui demandant silencieusement de ne rien dire.

— Je répète les conditions, si tu mens tu auras quelques soucis, je ne suis pas sûr que ton épouse serait contente de recevoir quelques morceaux de ton corps.

Il blêmit encore plus, si cela est encore possible.

— Non... non attendez ! Je ne savais pas qu’il était interdit d’acheter de la drogue ici, je vous le jure ! Je ne savais pas, c’est... c’est lui ... qui est venu me trouver... c’est lui...

— Ok, tu as de la chance pour cette fois, tu peux partir.

— Vraiment ? Vous me laissez partir ?

— A une condition.

— Tout ce que vous voudrez !

— Si j’entends que cette conversation ou ce qu’il s’est passé ici, est sorti de cette pièce, je jure devant mes hommes ici présents, que nous viendrons te chercher ou que tu sois, même si l’envie de déménager à l’autre bout du monde te prenait, me suis-je bien fait comprendre Monsieur Benner Martial ?

— Oui monsieur !

— Tu es sûr ?

— Oui monsieur, je vous le jure sur la tête de ma femme, c’est ce que j’ai de plus cher !

— Je l’espère car ce sera alors elle qui finira en pièce, si tu ne respectes pas cette parole et crois moi, tu n’as pas envie que je te fasse avaler ces morceaux.

Je fais un signe de tête à mes hommes pour qu’il laisse sortir le type. Ce dernier ne demande pas son reste, il ne jette même pas un regard à son vendeur. Il déguerpit rapidement.

— Bien, bien, bien, nous voici enfin fixé.

Le vendeur se met alors à pleurer.

— Je suis désolé Monsieur, je ne le ferais plus promis !

— Il est trop tard pour avoir des regrets. Tu as joué, tu as perdu.

— Pitié monsieur, ne me faites pas de mal, je vous jure que vous ne me reverrez plus ici... je vous le jure.

— Ni ici, ni nulle part d’ailleurs.

— Non, pitié !

— Faites-lui les poches de sa veste !

Tomy s'en charge et sort de la poche intérieure, cinq petits paquets de poudre blanche.

Il pleure, la morve lui coulant du nez.

— Pardon... pardon... je ne savais pas...

— "Nul n'est censé ignorer la loi" de notre club et je suis sûr que tu la connaissais, mais comme tout bon petit rebelle, tu t'es dit, ils ne verront que du feu. Dommage, que vais-je bien pouvoir faire de toi ?

— Pitié... monsieur... je ne recommencerai plus... je vais quitter la ville... vous n'aurez plus jamais de mes nouvelles... je vous le promets...

— Ce n'est pas vraiment l'idée que j'avais en tête.

— Quoi... qu'est-ce que vous voulez dire ?

— Je pense que tu as raison dans un sens, tu vas disparaître mais pas de la ville, plutôt de la terre.

— Non... non... faites pas ça... par pitié...

— Désolé mon gars mais si je laisse partir une petite vérole comme toi, tout le monde va savoir qu'ils peuvent venir foutre le bordel ici, sans aucune conséquence, cela est inenvisageable. Tu comprends, c’est comme une trainée de poudre que tu laisses derrière toi, si quelqu’un allume la mèche, elle ne s’arrêtera que lorsqu’elle aura atteint sa cible, explosant en dispersant des millions de petits fragments.

— Mais je ne dirais rien, renifle t'il.

— Et pour cause, tu ne pourras plus.

Je me saisis des sachets de poudre qu’il avait sur lui puis étale plusieurs lignes sur la table. Je récupère ensuite une paille que je lui tends.

— Vas-y, fais toi plaisir ! Mais surtout, n’en laisse pas un grain.

— Quoi ? Non... je ne vais pas pouvoir...

— ... je me fous de ce que tu vas pouvoir ou pas. Je veux que tu sniffes ta coke et que tu ne m’en laisse pas une miette.

— Non ! Pitié !

Je sors mon glock, vise un silencieux sur l’embout, vise son genou et tire. Le type hurle, se tenant la rotule qui vient certainement d’exploser.

— Sniffe ! Je n’ai pas toute la nuit, je suis attendu.

Il pleure, supplie. Je repositionne mon flingue vers sa rotule.

— Non ! c’est bon... c’est bon pitié !

— Tu verras, dans quelques minutes, tu ne sentiras même plus la douleur, ta dope va bien faire son travail.

Il se penche et commence à aspirer une ligne. Il tousse mais je lui fais signe de changer de narine, ce qu’il fait. Il aspire une deuxième ligne. Les larmes lui montent aux yeux sous la puissance de la poudre.

— Continue !

— Je peux ...

Boom, deuxième rotule. Autre hurlement, autre ligne d’aspirée. Il est de plus en plus mal, commençant à délirer. Je fais un signe à Steve pour qu’il l’aide à prendre une autre ligne, en lui tenant la paille. Il commence à saigner du nez mais je n’ai pas de pitié, il va savoir ce que ça fait de crever d’une overdose. J’en profite pour lui soutirer le nom de son grossiste, profitant de son état à demi comateux.

Une demi-heure plus tard, son cas est réglé. Tchao, un de moins.

— Descendez-le par l'ascenseur de service à la salle de nettoyage, je l’ai assez vu. Par contre faites vite, il est déjà vingt heures et je voudrais rentrer. D’accord ?

— Ok, font-ils en chœur

Pour être rapide, cela a été rapide, même pas une demi-heure plus tard, mes gars remontent.

— C'est bon, me dit Tomy, tout est nickel. Pendant que les mecs s’occupaient de séparer les diverses parties de son corps, j’en ai profité pour fouiller dans son portable et j’ai fini par trouver le nom de son fournisseur. J’ai remonté la piste, elle n’était pas très compliquée à remonter, d’ailleurs, le mec est un petit joueur, pas très fute fute, si tu veux mon avis. Il est à Dallas, c’est un certain Dominguez, nous avons l’adresse également, nous allons lui faire parvenir la tête de ce con pour qu'il comprenne bien le message et qu'il n'envoie plus personne sur notre secteur.

— Voilà une affaire qui roule ! dis-je. Alors en route mauvaise troupe, rentrons au MC, vous avez bien mérité votre repos.

Au moment de démarrer nos Harley, je sens mon portable vibrer dans ma poche. Je le sors et regarde l'appelant. C'est Ghost.

— Ouais Préz ! Je te manque déjà mais t'inquiète, nous sommes sur le chemin du retour. Nous venons de régler le problème ! Nous allions reprendre la route...

— ... c'est Nikita, me coupe t’il.

— Quoi Nikita ? réponds-je sentant une boule se former dans ma gorge ainsi que la chair de poule prendre possession de mon corps.

— Elle s'est de nouveau renfermée, elle a de nouveau basculé dans un gouffre.

— Comment ça ? Explique toi bon sang !

— Il faut que tu rentres immédiatement, je n'ai pas réussi à la faire revenir. Je compte sur toi mon frère, dépêche-toi de rentrer.

— Merde !

Mais il a déjà raccroché.

— Ça ne va pas Falc ? me dit Tomy.

— Non ! c'est Nikita, il s'est passé quelque chose mais il ne m'en a pas dit plus. En route !

Le trajet retour jusqu'à Waco a été éprouvant pour mes nerfs, ne pas savoir ce qu'il s'était passé. S'imaginer tout un tas de scénarios. J'ai dépassé grandement la vitesse autorisée suivi de près par les gars. J'arrive enfin à destination, je n'ai pas mis le même temps pour le retour que pour l'aller. Une heure exactement. Je saute de ma bécane puis cours vers l'entrée, la porte s'ouvre et Ghost m'attend, son visage est fermé.

— Qu'est-ce qu’il s'est passé bon sang ? Quand je l'ai quittée ce matin, elle allait bien !

— Suis-moi dans mon bureau.

— Non ! Il faut que j'aille la voir d'abord !

— Falco, ce n’est pas une demande, c’est un ordre ! Viens d'abord dans mon bureau, c'est important, sinon tu ne pourras pas comprendre ce qui l’a plongé dans cet état.

— Argh ! grogné-je furax.

Je le suis dans le couloir menant à son bureau puis entre à sa suite. Il me fait signe de m'asseoir et même si je préférerais abréger la discussion, à son regard sombre et dur, je comprends que ce qu'il a à me dire est du sérieux. Il s'assied face à moi puis me tend une carte postale. Je peux voir la photo d'une grande roue et sur le coin supérieur gauche, le nom de la ville de Las Vegas. Il me fait signe de retourner la carte devant ma mine dubitative, ce que je fais. Mais là, mon sang se glace.

— Qu'est-ce que... ?

Derrière la carte est écrit un texte comme une chanson, une chanson française il me semble, retranscrite en anglais.

« Je ne suis qu'une poupée de cire,

Qu'une poupée de son,

Sous le soleil de mes cheveux blonds,

Poupée de cire, poupée de son.

Mais un jour, je vivrai de mes chansons

Poupée de cire, poupée de son,

Sans craindre la chaleur des garçons... »

La roue tourne... bientôt ma poupée, bientôt...

— Qui ? crié-je, Qui a écrit ça ?

— Certainement Russell, me répond Ghost.

— D'où elle a été envoyée ? Il n’y a pas d'enveloppe, pas de timbre.

— Elle n'a pas été envoyée, elle a été déposée.

— Déposée ? Mais où ?

— Dans votre chambre... sur votre lit.

— Comment ça, je ne comprends pas. Qui aurait déposé cette carte sur notre lit. Personne n'a accès à notre espace à part les résidents !

— D'où le problème. Nous avons une taupe, une putain de taupe dans notre équipe. Une pourriture qui s'amuse à terroriser ma sœur !

— Que faisons nous ?

— Il faut renforcer la sécurité autour de Nikita, je veux qu’un garde lui colle aux basques, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, comme un chewing-gum sous une semelle. Je ne veux pas qu'elle se balade sans qu'il y ait quelqu’un derrière elle, mais pour cela, il faut que nous nous passions momentanément des services de Tomy. Notre sergent d'armes est le seul en qui j'ai une confiance absolue !

— Je suis d'accord avec toi, il nous a prouvé sa valeur plus d'une fois, risquant sa vie pour sauver la tienne, au décès de ton père.

En effet, Tomy s'est pris une balle à la place de Ghost. Le fils qui reprend le flambeau à la disparition de son père, même si depuis quelques années déjà le poste lui avait été donné, cela a attiré la convoitise. L'ancien vice-président de son père a voulu monter de grade pour devenir le Président. Il pensait que les gars allaient lui prêter allégeance, il avait toujours laissé entendre que Ghost était trop jeune, qu'il n'aurait pas l’étoffe de diriger le club maintenant que « papa » n'était plus là pour assurer ses arrières, l’inconscient ! Il était trop ambitieux, il n'avait pas compris que pour devenir président, il faut au mieux une consanguinité. Au moins, il a servi à nourrir les vers de terre. Personne ne l'aurait suivi de toute façon, Ghost ayant déjà prouvé ce dont il était capable, et au vu du châtiment qu’il a réservé au traitre, pour asseoir une bonne fois pour toute son autorité, aucun autre homme n'a voulu le défier.

En même temps, finir la langue ainsi les oreilles coupées, en plus d’avoir eu les globes oculaires sortis de leur logement à la petite cuillère, je pense qu'il faut être fou ou très courageux pour se dresser contre lui. A chaque section d’organe, il avait expliqué pourquoi il le faisait. La langue pour avoir essayé de nuire au club, n’avait dorénavant plus sa place dans la bouche du traitre. Les yeux qui espionnaient pour vendre des infos sur le fonctionnement du Club, n'avaient plus besoin de voir. Les oreilles pour celui qui rapportait ce qu’il se passait au sein du Club, n'avait plus besoin d'entendre. Mais il est allé encore plus loin, il lui a arraché le cœur. Il l’a éventré à l’aide de sa lame, séparant les chairs avec une précision quasi chirurgicale, partant du dessus de nombril jusqu’au sternum, pour plonger ensuite sa main dans sa poitrine, se saisissant de cet organe battant pendant encore quelques secondes, puis il l’a brandi vers tous les membres du Sudden Death rassemblés pour l'occasion, en criant « Lorsque l’on veut intégrer les Sudden Death, il faut donner son corps, son âme et son cœur ou l’on n'y rentre pas ! Celui qui viole les règles, ne mérite pas de le garder !»

Que disait il déjà le traître ? Pas l’étoffe de diriger un club ?

Mais pour revenir au présent, une fois Tomy investi de sa nouvelle mission, je monte rejoindre Nikita en grimpant les marches deux par deux. Quand je pénètre dans la chambre, la lampe de chevet est allumée, Rosa est assoupie dans le fauteuil club au coin de la chambre, tandis que Nikita fixe le plafond les yeux grands ouverts. Je m'approche doucement de Rosa, lui posant la main sur l'épaule.

— Tu peux aller te reposer Rosa, je prends la suite.

— Oh señor Falco, je suis désolée, je me suis endormie, me dit-elle les larmes au bord des yeux.

— Ce n'est pas grave, tu peux sortir et rejoindre ta chambre, merci d’avoir veillé sur elle.

Elle sort doucement, refermant la porte délicatement. Je me dirige vers le lit après mettre dévêtu. Je garde seulement mon boxer puis viens me glisser entre les draps, la rapprochant avec précaution de mon corps tout en lui parlant.

— Ma puce, c'est moi, Coco... je suis revenu... il ne t'arrivera plus rien... je vais m’en assurer. Le premier qui te touche le paiera de sa vie.

Elle détourne le regard vers la fenêtre et je vois les larmes coulées le long de ses tempes.

— Ne pleure plus ma puce, ne le laisse pas envahir tes pensées. Tu es plus forte que cela, tu me l'as prouvé, ne le laisse pas gagner la bataille, ne le laisse pas t’atteindre. Reviens moi ma puce.

Je la soulève pour la déposer sur mes jambes, lui donnant la dominance pour la faire sortir de sa transe. Elle me regarde les yeux vides, comme si elle naviguait dans une autre dimension.

— Rien ni personne ne t'enlèvera à moi, tu m'entends ma douce, rien n'y personne.

Je me redresse pour lui déposer un baiser sur son nez puis sur ses yeux et enfin je lui frôle les lèvres des miennes en restant à l'affût de la moindre de ses réactions. Je vois que son regard change, que la couleur sombre revient à la lumière.

— Oui c'est ça ma puce... reviens moi... je suis là... pour toujours et à jamais mon cœur t'est destiné. Ma puce... je suis là... sens les battements dans ma poitrine et accroche-toi à eux pour me revenir.

Je la sens frémir. Elle penche sa tête légèrement sur la droite comme si elle se demandait ce qu'elle faisait sur moi et je crois que c'est le cas. J'ai récupéré ma petite fleur.

— Coco ? Qu'est-ce que...

— ... tout va bien ma puce, tu es en sécurité dans mes bras.

Je la repose à côté de moi et nous nous faisons face les yeux dans les yeux. Je lui caresse doucement la joue, lui embrasse une nouvelle fois le bout du nez.

— Comment te sens-tu ?

— Je... je ne sais pas trop... je ne sais pas ce qu'il s'est passé... comment me suis-je retrouvée au lit et quand es-tu rentré ?... je ne me souviens pas...

Je vois ses yeux aller d'un côté puis d'un autre, cherchant au fond de sa mémoire une explication. Puis, je vois le déclic se faire dans son regard, elle me fixe de nouveau, se reculant d'un coup.

— La carte ! il m'a retrouvé !... il... il va venir... me chercher.

— Non ! Personne ne va venir te chercher ! Je suis sûr que ce n'est pas lui qui a déposé cette carte sur notre lit. Nous avons une taupe et crois moi, il ou elle va regretter de nous avoir trahi ! Les traitres ont un châtiment bien à part, ils devraient tous le savoir mais apparemment, certains l’ignorent encore.

— Mais comment en es-tu sûr ? J'ai peur... je ne réussirais pas à m'en relever, s'il devait me reprendre, je préfère mourir ! Tu comprends ? Mourir !

Elle s'écroule dans mes bras, ses mains agrippant avec force mes biceps, enfonçant ses ongles dans ma peau. Je sens le désespoir dans ses cris couverts par les larmes.

— Nikita, ma puce... je te promets sur ma vie, que je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour retrouver la personne qui s'est amusée à déposer cette carte postale sur notre lit. Elle va le regretter, je peux te le jurer... bon sang, que dieu m’en soit témoin... elle va le regretter !

J'écarte délicatement Nikita de mes bras, lui embrassant ses paupières humides, ses joues, son nez et sa bouche, tout en l'allongeant dans le lit, la recouvrant de la couette.

— Je vais prendre une douche, je suis juste là, d’accord ? Tomy est dorénavant affecté à ta sécurité, il ne laissera personne s'approcher de toi, personne. Il y aura toujours quelqu'un derrière toi pour te protéger.

Elle renifle, s'essuie les yeux puis finit par se recroqueviller en position fœtale, les genoux contre sa poitrine, les mains jointes et glissées entre sa joue et l'oreiller. Elle me regarde m'éloigner vers la douche. Je suis en colère de la voir dans cet état, j'ai l'impression de revenir en arrière. Elle s'enroule comme au départ, je crains qu'elle ne replonge et ça, c'est inenvisageable, nous n’avons pas fait tout ce chemin pour rien.

Je finis de me doucher rapidement pour la rejoindre et la serrer dans mes bras. Je me colle contre son dos, enroule mes bras autour de son corps, le rapprochant pour qu'il vienne épouser le mien. Je lui embrasse les cheveux et fredonne la chanson que sa mère lui fredonnait pour l'endormir. Celle-là même qu'elle fredonnait lorsque nous l’avons retrouvée. Elle finit par s'endormir, son corps ayant de temps en temps des soubresauts. Moi, je ne ferme pas l'œil de la nuit, ruminant ma vengeance envers celui ou celle qui a osé menacer ma femme.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Charlotte LYNSEE ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0