Chapitre 14 Falco
Quinze avril deux mille dix-neuf... quelques jours après le mariage.
Avec Ghost, nous avons décidé d'aménager le bureau du garage se situant à côté du club où travaille Anton et où Ghost à son pied à terre. Nikita avait commencé à gérer la comptabilité avant son enlèvement, nous voulons lui permettre de reprendre cette activité, pour qu'elle se focalise sur autre chose que cette menace, que ce Russell a laissé planer sur sa tête. Nous avons donc installé des caméras dans tous les angles, mis une alarme, une porte blindée à son bureau et des vitres pare-balles, au cas où elle devrait se renfermer à l'intérieur, laissant le temps à la cavalerie d’arriver, nous en tête. Nous espérons qu'avec cela, elle acceptera de sortir du club. Je lui ai offert le même collier que celui de Sandie, dans les tons bleus, pour l'assortir à ses yeux. Connaissant sa fonction, elle en a été émue et ne le quitte plus, même pour prendre sa douche, heureusement que je l'ai fait faire étanche.
Nous avons trois mécaniciens qui travaillent dans l'atelier ainsi qu’un carrossier. La plupart des clients sont des bikers comme nous, ils amènent leur petit bébé pour une révision complète ou une réparation des plus délicates. Notre garage est le meilleur de la région, les gars sont des pros dans leur métier. Notre réputation n'est plus à faire, pas besoin de publicité, le bouche-à-oreille fonctionne très bien et ils sont débordés de travail.
Amy est secrétaire, standardiste et elle essaie, en plus de s'en sortir avec la comptabilité, mais elle galère et, est surtout extrêmement débordée. Elle a cinquante ans ; elle est brune, cheveux courts ; les yeux marrons ; le teint mat et mesure un mètre cinquante-cinq pour quarante-huit kilos, c'est la maman d'un des mécaniciens. Elle est gentille et avenante. Elle a pris le poste quelques semaines après l'enlèvement de Nikita. Alexandra ne venant plus au garage, depuis la disparition de sa fille, il a fallu trouver quelqu'un pour assurer les appels téléphoniques, les ordres de réparations et toutes ces choses nécessaires, pour le bon fonctionnement d'un atelier. Les commandes ; les retours de pièces et j'en passe. Amy nous a été conseillée par son fils, fidèle depuis dix ans dans nos murs. Nous lui avons fait confiance et embauché sa maman. Mais la pauvre commence à se retrouver la tête sous l'eau, toutes les personnes que nous avons trouvées pour lui venir en aide, n’ont fait que la couler un peu plus. Nikita connaît le job, il suffit de lui remettre le pied à l'étrier et elle fera des miracles avec Amy.
Une fois tout cela mis en place, nous retournons au club. Ghost a rendez-vous avec un nouvel acheteur pour une vente d'armes.
— Salut Préz, salut Falco, nous dit Anton.
— Salut, répondons-nous ensemble.
— Le mec est arrivé, je l'ai installé au fond de la salle. Je le sens nerveux. Vous vous ferez votre propre opinion mais il n'arrête pas de jeter un œil à droite et à gauche, comme s'il attendait quelqu'un ou je ne sais pas trop.
— Ok, merci Ant, dit Ghost, nous allons voir ça de suite.
Nous nous dirigeons vers la table qu'il nous a indiqué et y retrouvons un type, cheveux poivre et sel ; yeux marron cernés ; une moustache bien taillée. Quelque chose me dérange dans son comportement, nous nous regardons avec Ghost juste avant de nous asseoir. Avec un hochement de tête et un regard appuyé, nous nous comprenons de suite.
— Salut, dit Ghost, tu es Matéo García c'est ça ?
— Salut, oui c'est bien ça. Et toi, je présume que tu es Ghost.
— Si tu le dis. Qui t'envoie ici et pourquoi ?
— C'est Franck qui m'envoie, il m'a dit que vous pourriez m'aider à trouver ce que je cherche.
— Et que cherches-tu ? reprend Ghost.
— Je ne sais pas si c'est le bon endroit pour discuter de ça, vous n'avez pas peur que quelqu'un nous entende.
— Non pas vraiment mais si tu préfères, nous pouvons aller dans mon bureau, mais je ne vois pas ce qui pourrait nous porter préjudice dans ta demande.
— Je préfère en effet, répond t'il.
— D'accord, suis nous.
Nous nous dirigeons vers le bureau de Ghost, entrons et refermons derrière nous, loin des oreilles indiscrètes. Le type n'est pas à l'aise, cela se sent. Il n'est pas très grand, un mètre soixante-dix tout au plus, pas très gros non plus, soixante-deux kilos à vue d'œil. Ghost lui indique le fauteuil en face de son bureau pour qu'il y prenne place. Lui, s'assied dans le sien et moi, je me positionne debout à côté de la porte, derrière ce García, bloquant ainsi l'entrée et la sortie au cas où. Cela à l'air de le mettre mal à l'aise de m'avoir dans son dos, car il n'arrête pas de me lancer des regards.
— Ok, dit Ghost, reprenons. Tu dis que c'est Franck qui t'envoie pour t'aider à trouver ce que tu cherches c'est ça ?
— Oui, c'est bien ça.
— Ok, donc je te répète ma question, que cherches tu ?
— Des armes automatiques, fusils d'assaut, mitraillettes. Mais aussi des semi-automatiques, pistolets, fusils.
— Eh bien ! siffle Ghost. Mais pourquoi Franck pense que je suis celui qu'il te faut ?
— Il m'a dit que tu fournissais des guérilleros et que je pourrais trouver mon bonheur grâce à toi.
Bizarre, Franck ne parle jamais des clients des autres, simplement pour pas que ses acheteurs se fassent souffler le marché par des nouveaux arrivants, donc parler des guérilleros ne lui ressemble pas du tout, mais surtout, il aurait appelé Ghost avant de lui envoyer ce type. Ça pue cette histoire.
— Tu permets que je le contacte. C'est un ami de longues dates, nous faisons en effet des affaires ensemble, mais ce sont plutôt des clients pour mes garages ou mes clubs, pas ce genre de business. Je ne comprends pas pourquoi il t'adresse à moi, il sait pourtant que je ne touche pas à cela.
Prêcher le faux pour savoir le vrai. Il est très fort à ce petit jeu-là, ce type ne sait pas encore qu'il n'aurait pas dû le prendre pour un imbécile.
— Écoutez, j'ai de quoi payer si c'est ce qui vous inquiète, je peux vous verser cinquante pour cent à la commande et cinquante pour cent à la livraison.
— Que n’as-tu pas compris dans ma phrase ?
— C’est-à-dire ? Quelle phrase ? commence à se liquéfier le visiteur.
— Je ne touche pas à ça.
— Franck ne m'aurait pas donné votre nom, s'il n'était pas sûr de ce qu'il avance.
— Très bien, nous allons tirer ça au clair, répond Ghost
Il saisit son téléphone et compose le numéro de Franck. Il émet quatre sonneries avant que ce dernier ne décroche.
— Salut Franck !
— Salut Chris ! répond t'il
Voilà, nous sommes fixés. C'est le nom qui indique qu'il y a une couille dans le potage. Franck n'appelle jamais Ghost par son prénom. Même si ça fait des années qu'ils travaillent ensemble, Ghost a toujours voulu que Chris soit réservé à ses amis proches ou sa famille. Franck est un ami d'affaires, donc pas proche.
— Dis-moi, mon pote, j'ai un mec dans mon bureau, un certain García Matéo qui vient de ta part, pour que je lui vende des armes. Tu sais que je t'adore mon pote mais là, je dois dire que tu te plantes, un peu de personne. Je ne veux pas insinuer que tu as Alzheimer mais moi, c'est plutôt bécanes et Clubs, tu sais que je ne touche pas aux armes. L’illégalité, très peu pour moi..
— Je pensais que tu pourrais peut-être l'aider dans sa recherche. Tu sais...
— ... non, je ne sais pas. Il me parle de guérilleros que je fournirais. Franchement mec, tu me fais flipper. Ecoute, je suis désolé mais je te renvoie le colis, je ne peux rien faire pour toi, trouve quelqu'un d'autre.
— Mais...
— Nous nous verrons plus tard Franck, à plus !
Et il raccroche sans attendre la réponse de Franck. De tout façon, mettre fin à la conversation était mieux pour lui également. Il devait être dans ses petits souliers de l'autre côté du fil. Je ne sais pas dans quoi il s'est fourré, si c'est des fédéraux ou des mercenaires, mais vaut mieux être prudent. J'envoie discrètement, un sms à Anton pour mettre en place une filature, quand le gars sortira du bureau. Il faut que nous en ayons le cœur net. Savoir qui nous cherche des histoires ?
— Bon, reprend Ghost en se relevant de son siège. Je crois que cette conversation est terminée.
— Mais... pourquoi ? Je suis sûr que vous pouvez m'aider !
— Écoute, j'ai été patient, j'ai entendu ce que tu avais à me dire, je n'ai pas de réponse à t'apporter et j’ai des affaires à gérer. Franck a fait une mauvaise pioche, je ne suis pas ce genre de mec ok ? Mon business est tout ce qu'il y a de plus légal. Je n'appellerai pas les flics, pour les prévenir qu'un gars à Waco, recherche des automatiques et semi-automatiques. Je ne veux pas d'emmerdes alors tu sors d'ici et nous ne nous sommes jamais vu ! C'est d’accord pour toi ?
— Mais...
— ... là, tu commences à me courir sur le haricot, soit tu dégages sur tes jambes, soit je te dégage et je ne garantis pas l'atterrissage sur le bitume. Je me suis bien fait comprendre ?
— Je peux comprendre que tu ne me fasses pas confiance... insiste t'il.
— Falco ! Dégage-le !
Aussitôt dit, aussitôt fait. Je chope le mec par le haut du blouson et la ceinture de son pantalon et le soulève à moitié de terre. Il n'a que la pointe de ses chaussures qui touchent le sol. Il s'agite, essayant de me faire lâcher prise mais c'est mal me connaître. Je le dirige vers la porte principale, histoire que tout le monde voit bien que le mec est un indésirable. En passant devant le bar, je jette un œil à Anton, qui me fait un signe de tête, me faisant comprendre qu'une filature est en place.
— Tchao mec ! Et reviens pas pointer ton nez ici, si tu ne veux pas finir les dents dans le goudron ! dis-je en l'éjectant sur le parking.
Je referme la porte et reviens dans le bureau.
— C'était quoi ça ?
Ghost me fait signe en posant son index sur ses lèvres pour que je ne parle plus. Je le vois se diriger à l'endroit où se tenait le type. Il se baisse pour regarder sous le bureau et me fait signe de le rejoindre, en me désignant quelque chose. Je m'accroupis également et remarque un petit objet rond, collé sous le plateau. Nom d’un chien un micro ! L'enfoiré !
— C'était un con, me répond Ghost avec un sourire. Je ne sais pas pourquoi Franck nous l'a envoyé, il sait très bien que nous ne faisons pas de business illégal. Il faut vraiment que j'ai une conversation avec lui. Je ne veux pas qu'il nous attire la racaille ici. Waco est une ville tranquille la plupart du temps, autant qu'elle le reste.
— Je suis d'accord avec ça. Bon n'en parlons plus, dis-je à Ghost avec un clin d'œil, si nous allions nous boire un Rumble pour s'humidifier le palais.
— C'est toi qui rinces ?
— Euh... c'est toi le patron non ?
— Radin !
Nous sortons du bureau en riant et en ayant pris soin de décrocher le micro pour l'enfermer dans le coffre-fort. Ils ne risquent pas de suivre une seule conversation, qu'importe qui est derrière l'écouteur. Nous détruirons cet objet dès lors que nous en auront appris davantage. Nous avons demandé à Anton de vérifier avec son appareil, si d'autres micros étaient planqués. Apparemment tout était clean.
— Où en sommes-nous ? demande Ghost à Anton.
Ce dernier venant de couper la communication de son portable.
— Joe et Mike l'ont pris en filature, ils ont suivi sa bagnole jusqu'au département de police. C'était bien un flic, il a serré la pogne à ses collègues à l'entrée. Mike l'a suivi discrètement à l'intérieur, se faisant passer pour la victime d'un vol de voiture. Il a pu voir ce fameux García entrer dans un bureau au fond d'un couloir et a aperçu un type, menottes aux poignets. Il a pu prendre une photo discrètement, pendant qu'un agent allait chercher un collègue pour prendre sa plainte. Tiens, il vient de me l'envoyer, dit-il en nous pointant son portable.
Ghost s'en saisit, agrandit la photo et un sourire se dessine sur ses lèvres.
— Ok ! Waouh ! Nous pouvons dire que nous avons eu chaud. C'est bien Franck dans le bureau, ils l'ont chopé. C'est la galère pour le business mais nous arriverons bien à l'atteindre pour en savoir plus. Tu mets Steve sur le coup, il a quelques relations dans les prisons de Waco. Le principal est qu'il nous ait prévenus. Pour ça, il lui faudra une protection s'il est incarcéré, ainsi que du fric pour l'aider à vivre convenablement sa détention. Je lui dois bien ça, termine Ghost.
Il y a cinq prisons au total dont une pour mineurs à Waco. Nous avons des entrées partout, enfin des oreilles partout. Il suffit d’arroser les bonnes personnes et nous sommes au courant des dernières nouvelles. Fournir une protection à Franck sera du gâteau, Ghost va lui trouver un bon baveux pour le faire sortir rapidement.
— Falco, tu contactes Jim, il faut qu'il me trouve des infos sur ce qu'il s'est passé. Je veux savoir pourquoi Franck se retrouve dans cette merde, à cause de qui ? Dès qu'il a l'info, il me la transmet. Si nous avons des balances, nous allons les soigner aux petits oignons. Ah, précise-lui que c'est pour hier, bien sûr.
— Ok Préz, je m'en occupe de suite.
— Non, buvons d'abord un coup, me dit-il avec un clin d'œil et mangeons un morceau, il est déjà quatorze heures. Nous avons bien mérité une pause. As-tu des nouvelles des filles ?
— Oui, j'ai reçu un sms de Tomy, elles faisaient les boutiques.
Nous allons donc retrouver le cuisinier pour récupérer nos plateaux repas que nous dégusterons dans son bureau.
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