Chapitre 15 Falco
Cela fait quinze jours que la carte a été déposée sur notre lit, quinze jours que nous n'avons pas le moindre indice sur l'origine de son apparition en ce lieu. Il n'y a pas de caméra dans le bâtiment, ou je devrais dire, il n'y avait pas de caméras, Ghost en a fait installer depuis. Jim a été chargé de cette besogne dans la plus grande discrétion, dès que plus aucune personne n'était présente dans les lieux, ce qui n'a pas été chose aisée. Il a fallu qu’il invente une désinfection des lieux, suite à l'invasion de souris et cela avec la complicité de Rosa.
Les seuls à être au courant sont Jim, Léo, Tomy, Rosa et nous deux. Même nos femmes ne le savent pas. Nous ne voulions pas les stresser avec ce genre de problème. Donc, si fuite il y a, cela ne pourra venir que de nous cinq, parce que pour savoir qu'il y a des caméras, il faut être un génie. La technologie a tellement évolué qu’il est quasiment impossible de les détecter sans posséder une application spécifique. Cette application recherche les caméras cachées environnantes et vous notifie, une fois qu'elle en a trouvé une. Elle utilise le détecteur de champs magnétiques dont sont équipés les Smartphones Android. Cela lui permet de déceler la présence des appareils électroniques avoisinants. Il faut savoir qu'une caméra, aussi petite soit-elle, même à travers un camouflage, émet toujours un champ électromagnétique détectable. Autant dire qu'à part la taupe, personne ne pensera qu'il peut être filmé. Nous, nous utilisons cette application à chaque fois qu'une réunion importante doit se tenir. Nous faisons la même chose avec les micros cachés.
Par contre, en ce qui concerne la balance qui a fait emprisonner Franck, nous avons très bien avancé, je peux même dire, que le gars est au frais dans la chambre froide, son nom sans grande surprise, est Dominguez. N’appréciant certainement pas de recevoir la tête d’un de ses dealers, il n'a pas trouvé mieux que de traquer la moindre information sur notre club. Comment est-il remonté jusqu'à Franck ? Simple, enfin pas tant que ça en fait, un drôle de destin. Il a fallu qu'un ancien guérillero de l'ELN, essaie de revendre des armes sous le manteau à leurs ennemis, les FARC. Armes provenant du braquage que l’ELN avait subi, suite à un barrage sur leur route. Le problème ? C'est que ce guérillero n'a pas été assez malin et il s'est fait griller. Il a dû fuir son pays avant de finir découpé en morceaux. Il avait de la famille à Dallas qui dealait pour cet enfoiré de Dominguez, il a entendu parler qu’un des distributeurs de ce dernier, c’était fait raccourcir par notre gang et il a vu là, la bonne opportunité pour se faire de l’argent facile, en lui vendant l’information. Conclusion, il n'y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas, ou nous pouvons appeler ça la guigne aussi !
Bref, Dominguez est au frais depuis deux jours, juste ce qu'il faut pour qu'il ne meurt pas de froid, mais assez pour qu'il se gèle les grelots. Je mettrais ensuite l'ELN sur les traces de leur balance, l’ancien guérillero, après tout, à chacun sa croix.
Nous arrivons à dix-huit heures dans le hangar avec Ghost, nous nous dirigeons directement vers la chambre froide, Mike nous ouvrant la porte. Le type est attaché sur la chaise, pieds et poings liés, à poil comme d'habitude. L’humiliation ultime.
— Alors Dominguez, il parait que tu "mourais" d'envie de me rencontrer ? lui demande Ghost.
Le jeu de mot fait rire Mike.
— Tu as raison Préz, c'est le terme qui convient.
— Oui, tu ne pouvais pas faire une blague plus pourrie, continué-je.
— Je fais ce que je peux les gars, ayez un peu de respect devant notre invité.
— Espèce d'enfoiré ! hurle Dominguez, tu ne t'en sortiras pas toujours, tu peux me croire ! T'es qu'un sale clébard ! Tu fais faire le sale boulot à tes hommes parce que t'as pas assez de cran pour te salir les mains !
— Oups, laisse échapper Mike.
— Aïe ! fais je.
Ghost rit quant à lui. Je peux même dire qu'il est pris d'un fou rire. Si nous ne le connaissions pas, nous pourrions croire qu'il pète un câble mais non, loin de là, il s'échauffe simplement. Je pense que ça va faire très... très mal. Si le type pensait mourir rapidement en l'insultant, c'est couillon pour lui, il n'a fait que réveiller ses plus bas instincts. Ceux qui le connaissent savent qu'il ne faut surtout pas le défier, mais il faut croire que ce n'est pas arrivé à ses oreilles.
— Mike ! ma lame.
Qu’est-ce que je disais.
— Ouaip Préz !
Mike lui tend un couteau de boucher avec le fusil pour bien l'aiguiser. Nous connaissons à l'avance ce qu'il va se passer, enfin cela peut varier vers la fin, suivant ses envies, mais c’est plutôt rare.
— Falco ! Caméra !
— Ouaip Préz.
— Qu'est-ce que tu fais espèce de pourriture ! hurle l'autre guignol, tu te prends pour un réalisateur, tu crois tourner un film, espèce de guignol !
— Moi... non... mais toi... oui. Tu vas passer à la télé mon pote et tu sais quoi ? Tu vas être le personnage principal. Un rôle sur mesure. J’intitulerai le film, « La chute d’un petit dealer ». Ton petit gang va pouvoir se rincer l'œil et comprendre, je l'espère, qu'il ne faut pas m'énerver, dit-il cette fois-ci avec une voix grave, tout sourire ayant déserté son visage. Tu vas regretter de m'avoir connu.
— Si tu filmes... ils sauront ce que tu m'as fait, tu finiras en taule... espèce d’enfoiré !
— Ce que tu n'as pas l'air d'avoir compris, reprend Ghost, le ton toujours bas, parlant lentement en articulant chaque syllabe, c'est que c'est toi... la vedette du film. Il n'y aura pas d'autres personnages à l'écran. Juste toi et.... tes morceaux.
— Quoi ? Tu ne peux pas me faire ça ! T’es un putain de psychopathe !
— Tst...tst... tst... n'oublie pas que tu as sous-entendu que je n'aimais pas me salir les mains.
Ghost se met à aiguiser sa lame devant les yeux de Dominguez. Ce dernier commence à pâlir, des perles de sueurs envahissent son front. Puis Ghost nous fait signe et nous comme de bons petits soldats, nous répondons à sa demande qui est de lui maintenir la tête. Cela commence toujours comme ça. Il déteste les cris donc, l'organe qu'il coupe en premier c'est... la langue. Je lui maintiens la bouche ouverte pendant que Mike s'est saisi d'une pince pour choper sa langue et la tirer à l'extérieur, d'un geste lent, Ghost lui coupe, le type hurle de douleur, des larmes coulant sur ses joues.
— Bien... bien... bien. Voilà une bonne chose de faite, au moins je n'entendrai plus tes conneries.
Pourtant le gars continue de fulminer en crachant des jets de sang qui atterrissent sur son corps et nos combinaisons... blanches, pour plus de fun. Nous avons l'air de véritables rats de laboratoire.
— Mains, nous dit Ghost.
On aplatit chacune de ses mains sur les accoudoirs de la chaise et avec nos doigts nous lui écartons les siens. Il comprend ce qu’il va se passer, il essaie de se débattre, de les replier. Peine perdue, un par un... ses doigts tombent sur le sol de la chambre froide. Sous l'effet de la douleur, Dominguez a perdu connaissance, Ghost en profite pour cautériser les plaies avec un chalumeau. Il prend soin de ses victimes, il ne faudrait pas qu'il meure tout de suite d'une hémorragie. Puis Mike va chercher un grand seau d'eau glacée pour lui lancer dans la figure, l'effet est immédiat, il sort de son inconscience. Il réalise l'absence de ses doigts et les brûlures à la place. Il hurle, crie, insulte et pleurs... tout cela dans un gargouillis incompréhensible.
— Garde ta salive, le jeu ne fait que commencer, lui annonce Ghost.
Le type est devenu encore plus pâle, ses yeux sont exorbités. Il doit regretter de l'avoir provoqué. Il s’agite sur sa geste, pleurant maintenant comme un gosse. Mais Ghost ne fait pas cas de ses plaintes, il approche sa lame de son entrejambe. Dominguez réalisant ce qui va suivre, se met à gesticuler de droite à gauche, essayant de se baisser pour éviter ce qui va suivre, criant, suppliant mais rien n'y fait. Le Préz est entré dans un autre monde, plus rien ne peut l'atteindre, il n'est plus avec nous. Je connais ce regard, ce vide qui l'habite. Son cerveau vient de se déconnecter et le bleu lagon de ses yeux est devenu noir. Ce qui suit est digne d'un film d'horreur, il lui coupe sa verge puis enchaîne par sa poitrine en partant du haut, au niveau de la gorge et en descendant lentement jusqu'au nombril. Il écarte les côtes avec ses mains et dès que Dominguez perd connaissance, il le ranime à coup d'injection d'adrénaline. Il finit par lui sortir les intestins pour les entourer autour de son cou, puis lui arrache enfin le cœur. Inutile de dire que nous sommes rouge sang. Le blanc de nos tenues n'est plus qu’un lointain souvenir. Nos lunettes de protection sont de la même couleur, elles détiennent des centaines de gouttelettes, dire que nous voyons la vie en rouge plutôt qu’en rose, serait plus approprié. Cela en est de même pour nos capuches qui sont dans le même état. Rien n'a été épargné par les éclaboussures sanguines.
— C'est fini Ghost... il est mort, dis-je alors qu'il continue à lui couper les orteils. Ghost ? Reviens mon frère.
C'est le mot qui lui faut pour que son regard vienne à la rencontre du mien et que le bleu revienne dans ses orbes.
— Ouais, c'est fini, emballez-moi tout ça dans un sac étanche, foutez-le dans un carton et faites un retour à l'expéditeur, une fois que Jim aura travaillé les images, pour qu'aucun de nous ne puisse être reconnu, qu'il y joigne la vidéo. Pas de traces, pas d'empreintes, expédition par un de nos camions et dépose devant leur planque. Nous n’avons droit à aucune erreur, rappelez-vous !
— T'inquiète Préz, dit Mike, je gère. Je vais appliquer le même procédé que celui du dealer. Personne ne pourra remonter jusqu'à toi, seuls les concernés comprendront, t'es un fantôme et tu le resteras.
Lorsque nous sortons du hangar, une fois nos tenues retirées, je sens mon portable vibrer dans ma poche. C'est Tomy qui m'envoie un sms. Le message n'a pas dû passer dans la chambre froide.
"On a un problème Falc... une nouvelle carte, mais je l'ai réceptionnée avant que Nikita ne tombe dessus. Je vous attends au bureau."
— Bon sang, ce n’est pas vrai ! dis-je.
— Qui y’a-t-il ? me demande Ghost.
— Une nouvelle carte pour Nikita !
— Quoi ? L'ordure, je vais buter ce chien !
— Pas avant moi !
— Comment va ma sœur ?
— Elle ne le sait pas, Tomy l'a intercepté avant. Il nous attend dans ton bureau.
— Ok, allons y.
Nous traversons rapidement la cour pour nous engouffrer directement dans la pièce.
— Montre ! lui dit Ghost.
C'est une carte avec toujours la même roue. Toujours la même phrase qui la termine, mais d'autres couplets ont été tirés de la même chanson.
« Poupée de cire, poupée de son,
Mes disques sont un miroir,
dans lequel chacun peut me voir.
Je suis partout à la fois,
Brisée en mille éclats de voix »
Mille éclats de moi... ma poupée de cire.
« la roue tourne... bientôt ma poupée... bientôt ».
— Où l'as-tu trouvé ?
— Ce n'est pas moi, c'est Amy, lorsqu'elle est sortie récupérer le courrier. Heureusement, elle a feuilleté la pile devant la boîte aux lettres avant de rentrer dans son bureau. Lorsqu'elle a vu la carte, elle l'a retournée, lisant les mots qui la composaient, elle a su que quelque chose n'allait pas. Elle a décidé de la glisser dans son manteau, avant de revenir dans le bureau où Nikita planchait sur la comptabilité. Quand je suis venu chercher ta sœur, pour la raccompagner au club, Amy me l'a glissé dans la poche de mon blouson.
— Nom d’un chien ! Je vais fumer celui qui s’amuse à envoyer ces cartes.
— Il sait où elle travaille ! reprends-je.
— Ouais et ça, ce n'est pas normal, continue Tomy.
— Nous avons un vendu qui se promène dans notre club, un mouchard qui s'est infiltré dans nos rangs. Fini de jouer ! Je veux qu'on réunisse tous nos membres au club demain soir. Nous sommes mardi, le club étant fermé, personne ne viendra nous déranger ! Je veux que Jim installe des écrans géants tout autour de la salle, qu’il se fasse aider s’il le souhaite mais sans rien divulguer. Je veux que partout où le regard se pose, qu’aucune personne ne puisse pas échapper aux images qui seront diffusées. Est-ce que je me fais bien comprendre ! Car je veux que la mise à mort de Dominguez tourne sur tous les écrans en simultanée mais surtout, qu’il n’oublie pas d’y joindre le son, un son bien fort que même en fermant les yeux, en se bouchant les oreilles, rien ne l’empêche de s’infiltrer dans la mémoire des uns et des autres. Cette vidéo devra être telle que nous l’avons tourné, sans filtre, sans cacher les visages. J’exige que tout le monde dans ce satané Club, sache ce qu'il en coûte de me doubler, je veux que le vendu se pisse dessus, qu'il sache que si je lui mets la main dessus sa mort sera pire que celle de ce traître ! nous dit Ghost.
Il a les dents serrées, la voix grave et basse pour que personne ne nous entende, la pièce n'étant pas insonorisée comme au club.
Tomy se lève, j'en fais de même.
— Je vais aller voir Jim pour lui expliquer ce que tu attends de lui, comme cela, il pourra préparer tout ça pour demain, indiqué-je.
— Parfait ! Mais attention les gars, que rien ne filtre en attendant, nous précise Ghost.
— Pas de soucis, répondons nous ensemble.
— Je retourne près des filles, rejoins moi quand tu auras fini, me dit-il.
Quelques minutes plus tard, je retrouve Ghost, Sandie, Nikita, Tomy, Léo et Mike dans la salle à manger pour partager notre repas. Il est vingt heures trente.
— Hé ! dit Ghost quand Sandie lui pique une frite dans son assiette.
— Quoi ? Répond t'elle.
— Pourquoi tu viens chiper une frite dans mon assiette, alors que la tienne est encore pleine ?
— Elles sont meilleures chez toi !
— Foutaise ! c'est les mêmes. Dis plutôt que ça te permet de manger plus sans que personne ne fasse attention. Tu ingurgites deux assiettes en toute discrétion !
— Alors là... mi amor, tu exagères ! Je viens de te prendre une micro frite, et toi tu en fais tout un laïus. Et le verbe ingurgiter est quand même un peu fort. Je te rappelle que je dois manger pour deux, mais bon si tu ne veux pas nourrir ton enfant, il ne fallait pas le mettre dans mon ventre !
— Ho ! tu frises la mauvaise foi, non seulement je ne refuse pas de nourrir MON enfant et MA femme, répond Ghost en présentant une autre frite devant les lèvres de Sandie, mais en plus je contribue à renforcer tous ces petits kilos de graisse, en te servant tous les matins un petit déjeuner digne d'une reine !
— Quoi ? dit-elle en élevant le ton.
Forcément kilos et graisse dans la même phrase, ça ne pouvait pas passer.
— Tu insinues que je suis grosse et grasse ?
— Non ! ... non...
Et voilà, toute la table est hilare devant l'expression choquée de Sandie et la mine déconfite de Ghost.
— Ma tigresa... comment peux-tu imaginer que je te trouve grosse et grasse, alors que tu es la grâce incarnée.
— Oui... c'est ça.... rame, chuchote Nikita à côté de moi.
— Tu n'as pas parlé assez doucement Nini, je t'ai parfaitement entendue, lui dit son frère.
— Oups... fait Nikita.
Ce qui détend l'atmosphère et fait rire Sandie.
— Je te fais marcher mi amor et toi... tu cours. Par contre, je compte sur toi après la naissance de cet enfant, pour me faire perdre ces kilos superflus, si tu vois ce que je veux dire, dit-elle en pointant son ventre du doigt et en lui faisant un clin d'œil.
— Oh ma tigresa, compte sur moi !
— Eh oh ! c'est bon les tourtereaux, nous ne souhaitons pas avoir plus de détails, s'esclaffe Nikita.
La soirée se termine sur des fous rire. Cela a eu le mérite de nous faire oublier le temps de quelques heures, la menace qui plane sur la tête de Nikita.
Annotations
Versions