Chapitre 10

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Les dates fatidiques du calendrier le hérissaient. Anniversaires, ces rappels annuels et forcés du temps qui s'égrène, ces mises en scène obligatoires de la joie et de la célébration. Par exemple, les quelques mois de relation et cette tentative artificielle de quantifier l'affection naissante, comme si l'amour était un contrat à durée déterminée avec des paliers à atteindre. Noël, cette orgie consumériste drapée de bons sentiments, cette obligation de se réjouir en famille, même quand les rancœurs couvaient sous les guirlandes. Il y avait quelque chose de fondamentalement étranger à sa nature dans ces rituels collectifs de la fête.

Il se souvenait de la scène dans "Les Gremlins", la confession sombre de Kate au sujet de son aversion pour Noël, liée à la mort tragique de son père déguisé en Père Noël. Cette explication macabre résonnait étrangement en lui, même si ses propres raisons étaient moins spectaculaires, plus sourdes. Il y avait toujours eu, chez lui, une absence de cette effervescence festive, une normalité teintée de neutralité, voire d'une légère mélancolie. Noël n'avait pas la magie qu'il attendait. Disputes, obligations, précipitation de la part de ses frères à vouloir ouvrir les cadeaux pendant la veillée. Ce dernier petit détail qui au final faisait tout autant écho que le reste.

Enfant, l'anniversaire était un jour comme les autres, avec juste un gateau orné de bougies scintillantes, un petit cadeau emballé avec soin. Mais jamais d'invitation de copain à la maison. Non pas qu'il n'en avait pas, mais sa mère, femme pragmatique et peu encline aux effusions, considérait ces célébrations comme des frivolités bourgeoises, des distractions inutiles face aux réalités plus austères de la vie. "On n'a pas besoin d'un jour spécial pour montrer qu'on s'aime," avait-elle coutume de dire, une phrase qui, avec le temps, avait pris une résonance ambivalente dans son esprit. Était-ce de la sagesse ou une justification de son manque d'enthousiasme ? Ou pour le punir de quelque chose qu'il aurait pu faire.

Il pensait à la théorie de l'attachement et à l'importance des rituels familiaux dans la construction d'un sentiment de sécurité et d'appartenance. Ces moments partagés, ces traditions répétées, tissaient une trame affective solide, un socle émotionnel sur lequel l'enfant pouvait s'appuyer. Son absence d'anniversaires, ce vide dans le calendrier de son enfance, avait-il contribué à ce sentiment diffus de ne pas tout à fait appartenir, de se sentir un peu en marge des célébrations collectives ?

Il y avait aussi la théorie de l'apprentissage social. L'enfant apprend par imitation, en observant les réactions et les comportements de ses figures d'attachement. Si les fêtes n'étaient pas valorisées, si elles n'étaient pas associées à des émotions positives, il était logique qu'il ait développé une certaine indifférence, voire une aversion, pour ces manifestations de joie collective. C'était une forme d'éducation par l'absence, un apprentissage du désintérêt.

Avec les relations amoureuses, cette réticence aux célébrations se manifestait également. Marquer les "moisiversaires" lui semblait une tentative artificielle de forcer le sentiment, de mettre une pression inutile sur une affection encore fragile. Noël, avec son cortège d'attentes et de dîners familiaux codifiés, était une source d'anxiété, une plongée redoutée dans un univers de traditions qui n'étaient pas les siennes. Il préférait la simplicité du quotidien, la sincérité des gestes spontanés à la théâtralité des occasions spéciales.

Pour lui, la véritable affection ne se mesurait pas en cadeaux ou en festivités obligatoires, mais dans la constance du soutien, la profondeur des conversations, la complicité des silences partagés. Ces moments-là n'avaient pas besoin d'une date dans le calendrier pour exister. Et face à l'insistance de certains à vouloir marquer le coup, il arborait son masque habituel d'ironie détachée, murmurant une citation obscure sur la vanité des célébrations, laissant planer un doute amusé sur son véritable désintérêt.

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