La fin de la téloche (3)
- Monsieur Covache, je vous rappelle que… a protesté mollement Macron.
Il était le seul à porter le costard, Hollande étant vêtu d’un vieux survêtement de marque et Sarkozy d’un jean foncé et d’une veste en velours.
Ségolène Royal a gloussé :
- En tout cas, moi, je n’ai rien fait !
- Rien fait, rien fait ! C’est vite dit, ai-je ricané. Vous avez quand même eu un poste important sous la présidence de votre ex. Vous êtes fautive comme les autres !
- Monsieur Covache, a tenté de me raisonner Macron. Nous nous éloignons de…
- Et vous ! me suis-je écrié, plein de rage. Vous devez être heureux puisque vous êtes revenus aux manettes du pays !... Ceux qui n’ont rien n’ont pas fini de morfler ! Est-il vrai que vous avez l’intention de les mettre en camp de travail ?! Après tout, la solution des prisons a montré ses limites. Et puis un pauvre oisif est moins utile qu’un pauvre réduit à l’esclavage !
- Monsieur Covache ! a hurlé Macron en frappant du poing sur le bureau.
Je me suis tu, essoufflé. Je sentais la sueur dégouliner sur mon corps flasque et mon cœur frapper violement contre ma cage thoracique.
La main de Ségolène Royal s’est posée sur mon avant-bras.
- Nous sommes dans le même camp que vous, m’a-t-elle susurré d’une voix douce, chaleureuse.
- Je sais, je sais, ai-je balbutié en posant le dos de ma main sur mon front humide. Ça a été plus fort que moi… J’avais besoin de…
- Nous comprenons…, a-t-elle dit en hochant de la tête.
Ses doigts avaient pressé mon avant-bras en même temps.
Alors qu’Hollande et Sarkozy s’apprêtaient à remballer leurs flingues, Macron les en a dissuadés d’une secousse de tête. Apparemment, ma crise de nerfs ne l’avait pas tout à fait convaincu. Il voulait aller jusqu’au bout de ses vérifications. Pour être certain que j’étais bien la personne que je prétendais être.
- À quelle date vous a-t-on coupé les aides ?
- Je m’en souviens comme de mon anniversaire. C’était le 8 novembre 2016, au tout début de l’hiver.
Fixant l’écran du portable, Macron a acquiescé :
- Six mois plus tard, vous êtes retournés vivre chez vos parents…
- C’est ça. Je n’avais plus le choix. Je ne pouvais plus payer le loyer et j’avais accumulé trop de dettes…
- À quelle adresse ?
- Comment ?
- À quelle adresse vivent vos parents ?
Cet échange prenait une tournure désagréablement administrative. J’avais l’impression d’être dans un de ces nouveaux « services » de l’état destinés à traquer je ne sais quelle fraude ou à vous retirer de je ne sais quelle honteuse statistique.
- Vous ne me répondez pas, monsieur Covache…
- Écoutez, même si je vous la dis, ça ne va rien prouver. Ce genre de renseignement peut très facilement s’obtenir. Croyez-vous franchement que si j’étais de la police, je vous laisserais continuer. En plus, rien ne me dit que vous, vous ne l’êtes pas, de la police.
Les quatre ont éclaté de rire.
- Je suis sérieux ! me suis-je écrié. Peut-être cherchez-vous à savoir quel genre de personne est susceptible de rejoindre les rangs de la résistance. Et également jusqu’où ce genre de personne est prête à aller ?
- Justement ! a repris gravement Macron. Jusqu’où êtes-vous prêt à aller pour la résistance, monsieur Covache ?
J’ai ri à mon tour :
- Oh, oh, vous êtes malin, vous !... Vous devriez faire de la politique.
Indifférent à la pique, l’homme a réitéré sa question.
J’ai regardé Ségolène Royale dont les yeux noisette me fixaient intensément.
- Eh bien, je serais prêt à m’impliquer dans une de vos opérations commandos, pénétrer à l’intérieur du siège d’une multinationale ou d’une banque et faire la peau à son grand patron qui gagne des mille et des cents. Au point où j’en suis, cela ne me fait pas peur de finir mes jours en prison.
- Et mourir ? a demandé Macron en se penchant en avant. Est-ce que ça vous fait peur ?
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