Chapitre 1
La vie est faite de choix. J'aime la visualiser comme un train dont nous serions les passagers.
Cette locomotive de la vie part d'un point A pour atteindre Z, en prenant soin de ne manquer aucune lettre de l'alphabet. Les aléas de la vie déterminent pour nous les arrêts, ainsi que la destination finale.
Si nous ne décidons pas d'où l'on vient et si nous ne contrôlons pas toujours la destination, nous pouvons au moins choisir ce que l'on y fait, et quel arrêt prendre avant le terminus.
Là, tout de suite, j'étais dans le bureau de Madame Pointille, notre conseillère d'orientation, qui aboyait ses réprimandes habituelles, me laissant donc trois choix :
1 - Écouter ce qu'elle a à dire.
2 - Répliquer et aboyer plus fort qu'elle.
3 - Mettre en pratique des méthodes de méditation ancestrales pour devenir totalement imperméable au bruit.
Après avoir écarté d'office la première option et étant trop fatiguée pour la deuxième, ce fut parti pour la méditation.
Pour être tout à fait franche, c'était plus facile à dire qu'à faire. J'entendais toujours des bribes de monologue. Il me sembla qu'elle parlait de mon orientation (cela n’était pas incohérent vu le poste qu'elle occupait) et m'ordonna de trouver rapidement un stage de fin d'année.
Ah oui ce stage de fin d'année. J'avais envoyé une dizaine de lettres et je n'ai eu que des refus. Pourtant, j'ai bien pris soin de mettre toutes les chances de mon côté en joignant à chaque lettre, une photo de moi. Vu mon joli visage, ça ne peut qu'être un avantage.
" VOUS M'ÉCOUTEZ QUAND JE VOUS PARLE !?
-Oui ...
-Plus personne n'arrive à vous suivre ! Vous racontez une chose à un professeur , puis une version différente à la conseillère principale d'éducation , j'attends plus d'honnêteté de votre part !
-Très bien. Alors non, je ne vous écoutais pas. "
Madame Pointille me hurla à nouveau dessus, mettant à l'épreuve mon impassibilité, puis me renvoya de son bureau en insistant sur le fait que je serais également renvoyée de l'Académie si je ne trouvais pas un stage sous quinze jours.
Étant désormais libre, me voilà à nouveau confrontée à trois choix :
1 - Me dépêcher de trouver un stage.
2 - Regarder la fin de la saison 2 de La Raison des étoiles.
3 - Préparer une vengeance à l'encontre de Madame Pointille pour m'avoir fait passer un moment désagréable.
Pour réfléchir aux options 1 et 3, je devais être en état de me concentrer. Il était donc plus sage de privilégier la deuxième option pour le moment.
Alors que je me dirigeais vers les dortoirs pour rejoindre ma chambre, Michelle, une de mes camarades de classe, hurla mon nom à l'autre bout du couloir.
" GUILLEMETTE !!! J'AI TROUVÉ CE QUI NE VA PAS ! "
Guillemette, c'est moi. Ne cherchez pas de diminutif, il n'y en a aucun qui sonne bien. Quoique "Willette" j'aime bien.
" Quoi ? L'odeur de Madame Pointille ?
-Non, j'ai découvert pourquoi tu n'as jamais été acceptée pour un stage ! Suis-moi ! "
Elle courut dans son coin sans vérifier si je la suivais réellement. Dans un premier temps, je me suis dit que ça serait très amusant de partir ailleurs, mais ma curiosité était attisée et je voulais entendre ce qu'elle avait à me dire.
Je me dirigeai, non pas où elle allait, puisque je l'avais perdu de vue, mais là où je supposais qu'elle irait, à savoir la salle de science. Michelle est membre du club de science. Comme elle n'a pas d'amie et moi non plus, je lui ai proposé un jour d'agir comme si on l'était. C’est ainsi que je me suis retrouvée à lui demander d'analyser pourquoi je n'étais jamais retenue pour un stage.
Une fois arrivé au laboratoire, je constatai que Michelle avait disposé plusieurs lettres sur une table.
" Ceci est une de tes lettres de motivation pour un stage ! "
Elle pointa une photo de moi, où l'on pouvait lire au dos :
Vous pouvez me prendre en stagiaire ?
Des bisous <3
Guillemette
" Voici une des miennes, et voilà celle de Kimberley, la déléguée de ma classe. "
Je voyais deux pavés indigestes où chacune se targuait de son " sérieux " puis inventait des raisons comme quoi elles souhaitaient un stage dans cette entreprise-là en particulier. Cela doit être difficile de se retenir de rire en écrivant cette partie, surtout quand l'entreprise en question est la dixième que l'on contacte.
" Je pense que le secret réside dans la phrase "Madame, Monsieur, veuillez agréer l'expression de mes salutations les plus sincères ", reprit Michelle.
-Pardon ?
-Si tu marques cette phrase à la fin de tes lettres de motivation, tu seras prise à coup sûr.
-Ok, mais je ne les connais pas. J'attends rien d'eux à part qu'ils me filent un stage. Y a pas de sincérité là-dedans.
-Je comprends, mais je crois que c'est la seule solution pour obtenir un stage. "
Réfléchissons. Maintenant que Michelle a brillamment réussi à identifier l'obstacle, je peux à présent élaborer une stratégie pour le contourner :
1 - Convaincre le Conseil des Déléguées de changer le règlement pour que je ne sois plus obligée de trouver un stage pour passer en dernière année.
2 - Éliminer Madame Pointille pour qu'elle ne puisse plus prononcer mon exclusion.
3 - Me résigner à écrire " Veuillez agréer à l'expression de mes salutations les plus sincères " à la fin de ma lettre.
Le 1 est trop incertain. Pour le 3, je tiens à préserver ma dignité. Le 2 est de loin le meilleur choix.
Le règlement de l'Académie de Sainte Félicité interdit formellement de tuer un personnel de l'établissement. Il me faudra donc ( au moins dans un premier temps ) la faire renvoyer.
Mon objectif était désormais clair : trouver un moyen de faire renvoyer Madame Pointille avant qu'elle ne me renvoie. C'était de bonne guerre.
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