Chapitre I, partie 1 : Princeps
Un sifflement perçant vrilla le tympan du jeune homme. C'était le bruit caractéristique d'une balle qui manque de vous ouvrir le crâne. Il courait, aussi vite qu'il en était capable. De nombreux autres coups de feu résonnèrent dans les rues étroites dans lesquelles il se faufilait. Courant pour sauver sa vie, il s'engouffrait dans des allées toujours plus étroites et cachées.
Dans ses mains, un petit sac de plastique blanc vibrait au rythme de sa course. On entendait, à l'interieur de celui-ci, s'entrechoquer des morceaux de plastiques. Poursuivant sa course, le garçon rapprocha le sac près de sa poitrine, comme pour s'assurer de sa présence. Il jeta un regard en arrière, et constata que ses poursuivants étaient toujours là, apparemment décidés à en découdre. Il cracha par terre.
-Et merde ! Ces foutus gardes ne pouvaient tout simplement pas rester à leur place et continuer à torcher?!
Son visage était dur, et luisant. Il toussota légèrement, et commençait, semblait-il, à manquer d'oxygène. Malgré cela, il sourit, et accéléra le pas pour se débarasser définitivement de ces hommes qui lui collaient au train. Les balles commencèrent à ricocher autour de lui, sur les murs de materiaux composites, sur le sol pavé, et les fenêtres des hauts immeubles. Fusils automatiques à la main, les soldats à ses trousses, hors d'eux, ne lésinaient pas sur les munitions.
Les projectiles frôlant son visage juvénile passaient en coup de vent, et les éclats de vitre lui tailladaient les joues au fur et à mesure de sa progression . Il n'allait pas tarder à devoir trouver un moyen de les semer, car il commençait véritablement à ralentir du fait de sa fatigue.
En effet, le jeune garçon, qui devait avoir moins d'une vingtaine d'années, semblait plutôt mince et peu musclé. Sans doute qu'une course telle que celle-là ne devait pas lui être familière. Son teint vira au rouge, et son pas se fit de plus en plus hésitant. De plus, dans les allées sournoises de cette ville affreuse où les lampadaires éclairent moins bien qu'un croissant de lune, il ne fallait pas s'étonner qu'il s'essouflât plus vite que d'habitude.
Le voilà donc à bout de souffle, respirant la bouche grande ouverte et la langue pendante pour un brin d'oxygène. lI tomba à genoux, derrière une grande benne à ordure, dont l'abri lui permettrait d'echapper à la vue de ses agresseurs. Pour un temps, à tout le moins. Les nerfs à vifs, une goutte de sueur perlant à son front, il se releva pour faire état de la situation et des lieux. Il s'accouda à une massive poubelle, l'odeur des déchets et des cadavres de rats en putréfaction lui arrachant un soupir de dégoût.
En jetant un rapide coup d'oeil à la rue dans laquelle il s'était engouffré, il constata avec soulagement que plus personne ne le suivait. Il se trouvai dans une impasse, relativement étroite. Les loques qui lui servaient de vêtements étaient en pièces, et le sac qu'il protégeait avait perdu un peu de son contenu sur le chemin. Il jeta un oeil à l'interieur, le souffle rapide, et pesta contre lui-même.
-Fantastique, j'ai perdu plusieurs badges sur ma route...il m'en reste assez, mais c'est franchement limite...
Il en sortit quelques uns, et les plaça à la lumière de la lune. Ces badges avaient une forme rectangulaire, et étaient blancs. Sur chacun d'eux, on pouvait distinguer une micro puce, ainsi que le sigle G.C.Q. Le garçon en caressa quelques uns du doigt, et contempla satisfait le motif apparent de sa fugue.
Cependant, son soulagement ne fut que de courte durée. A peine avait-il fourré le reste des badges dans sa vieille besace qu'un rayon de lumière l'aveugla. Il se couvrit les yeux tant bien que mal, mais tenta malgré tout de deviner l'origine de cette lumière. Il s'agissait d'une lampe torche, braquée sur lui, et son propriétaire était reconnaissable : il s'agissait d'un de ses poursuivants, tous semblables avec leur uniforme noir bordé de bleu, et arborant le sigle RDL sur leur poitrine.
L'homme sembalit jeune, peut-être la trentaine. Le visage du fugitif lui apparut à la lumière e sa lampe bleutée. Il afficha un regard surpris, lâcha sa lappe et dégaina une arme de poing. Il en pointa le canon sur le jeune garçon. Ce dernier, près de sa poubelle, gardait les yeux fixait sur l'homme, et se releva lentement en levant les mains en l'air. Il ne bougea pas.
-Toi, hurla l'homme qui tenait l'arme. Viens par ici et lâche ce putain de sac !
Il tenait son arme fermement, mais ne pouvait malgré tout s'empêcher de trembler. Constatant ce malaise, dans la ruelle, le garçon à la tignasse marron esquissa un sourire malsain, presque diabolique. Il s'approcha sans crainte, presque décontracté, et lança aux pieds de l'Homme son sac plein de badges.
-C'est bon, je me rends, dit-il tranquillement. Pas la peine d'ameuter tes petits copains, tu vois bien que je suis désarmé.
Devant lui, l'homme, décontenancé par tant d'audace -si on peut appeler cela comme ça- ,fit un pas en arrière, et pointa directement le canon de son pistolet en direction de sa tête. ll s'arrêta tout net .Il regarda attentivement celui qui le tenait en joue. Il semblait l'analyser, ses yeux verts émeraude scrutaient ce jeune officier en passe de lui tirer dessus. Il était effrayé, son arme n'était pas stable du tout entre ses mains. Il transpirait à grosses gouttes, et ses yeux reflétaient une peur panique. Il n'avait probablement jamais tenu quelqu'un en joue, et il menaçait de le tuer. Son doigt tremblait sur la gachette.
Soudainement, le jeune garçon afficha une mine réjouie, rassurante. Il mit les mains encore plus en évidence au dessus de sa tête, et s'adressa à l'homme apeuré.
-Allons, monsieur le garde, ne prenez pas cet air effrayé. Je vous jure sur ma patrie de ne rien tenter qui puisse porter atteinte à votre intégrité physique. Croix de bois, croix de fer. Regardez, je viens de signer, et je ne croise pas les doigts.
Il venait en effet de dessiner une croix sur son torse avec sa main droite. Cela parut le calmer légèrement. Il baissa le canon de son arme, et s'approcha de lui, probablement pour le contrôler. La lumière de sa lampe torche révela au grand jour le fin visage enfantin qui était le sien, quelques mèches de cheveux bruns tombant pêles-mêles sur son front sale. Il se trouvait alors à seulement un petit mètre de lui.
Après qu'il eût examiné la présence des badges dans son sac, le gardant en joue par précaution, il tâta chaque partie du corps de l'interpellé pour verifier la présence d'arme dissimulée. Tripoté de partout, celui-ci semblait faire un effort surhumain pour ne pas le repousser violement sur le sol.
Le garde tomba alors sur le long fourreau qu'il tenait attaché à sa taille. Méfiant, à juste titre, il en retira un long fleuret, très fin, en argent, et très affuté. Gravée au laser à strabonite, une inscription en ancien langage lazarien figurait sur la garde cuivrée de l'arme. Cette écriture parut le fasciner, à tel point qu'il baissa sa garde et laissa tomber son pistolet sur le sol.
Le jeune garçon en profita et, d'un coup, il rejeta le malheureux jeune garde contre le mur. Ce dernier poussa un soupir de douleur, et s'écrasa sur le sol. Il se releva cependant, mais avant d'avoir pu récuperer l'arme à feu qui se trouvait à quelques centimètres de lui, un éclair d'argent, et une fine lame lui passa à travers le coeur. Il poussa alors un hurlement éttoufé par le sang, et put jeter un dernier regard en l'air. Au dessus de lui, le regard plat et l'épée à la main, le propriétaire du fleuret appuya sur un petit bouton et écouta le coeur du garde exploser dans sa poitrine.
Il s'agenouilla, récupéra le pistolet qui traînait et le jeta dans une poubelle. Se retournant une dernière fois vers sa victime, morte et gisant dans son sang, il resigna une croix sur son torse et dit ironiquement :
-J'aurais probablement dû préciser que je déteste ma patrie...
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