Chapitre VI, Partie 2 : La convocation de l'inspecteur
Durant ces dernières 5 minutes, je courai le long des larges couloirs du batîment militaire. Je croisai sur mon chemin des dizaines de gardes, des employés de bureau, des scientifiques en blouses blanches et des femmes de ménages qui s'affairaient à la brillance des sols carrelagés. Je devais prendre garde à ne pas glisser sur ce par terre ciré, mais je n'avais malgré ce danger pas le temps de faire attention à ma santé.
Arrivé au tournant du dernier couloir, je resortis ma montre : dans une minute, je devais être arrivé. L'exactitude étant la politesse des rois, je me devais absolument d'entrer à la demi pile dans la salle de conférence N°12. Ceci, et bien entendu le fait qu'un blâme m'handicaperait sérieusement.
J'arrivai devant une grande double porte de bois. On pouvait y lire, dessus, écrit en lettres dorées, un grand "XII". Cette porte devait faire au moins deux fois et demi ma taille, et la poignée elle était à hauteur d'épaules. Je ravalai un glaire. Une entrée aussi immense devait cacher une salle encore plus grande que le centre de commandement. Je savais pertinemment que cela était impossible, la configuration des lieux établie par mes soins l'interdisait, mais j'avais comme un sentiment de stress.
Il était maintenant pile poil treize heure trente. Un petit bruit mécanique venant de ma poche m'en assura. Je me secouai un peu les épaules, me craquai les doigts et fis quelques mouvements de nuque, comme un petit rituel pour me destresser. Mais il fallait bien que j'y aille à un moment donné. Je pris alors mon courage et la double poignée de la porte d'entrée à deux mains et entrai serain dans la salle.
C'était vrai, je l'avais un peu oublié durant ma course et ma discution avec Marty. Je savais ce que je venais faire ici, je savais que j'étais coupable, je savais qu'on allait me poser des questions et cela me convenait parfaitement. Lorsque l'on est envoyé devant un tribunal, peu importe que l'on soit maître de soi ou pas du tout : si l'on se sait coupable, on a toujours moins peur que si on est innocent. L'innocent sait qu'il peut perdre sa liberté à cause d'une erreur judiciaire, il a donc tout à perdre. Le coupable, lui, n'a qu'un miracle à attendre, et sait que sa liberté à lui ne tient qu'à lui. Il n'a donc aucune injustice à craindre, et c'est un gros atout lors d'un procès.
En pénétrant à l'interieur de la pièce, je fus franchement...déçu. Je m'attendais à un immense amphitheâtre, parcourus de pilliers de marbres et innondé de lumière par un grand dome de verre teinté. Malheureusement, je me retrouvais dans une salle quelconque, avec deux tables collées l'une contre l'autre dans la longueur, des murs gris, aucune fenêtre. Quelle tristesse, ils auraient au moins pu m'accueillir avec un minimum de classe. Je ne savais pas, moi, quelques applaudissements pour mon exceptionelle ponctualité, ou bien une musique triomphante.
A la place, je pus constater la présence de trois personnes. Tout au fond de la pièce -qui ne devait pas faire plus de cinq mètres sur cinq- se trouvait Tadéo. Il était facilement reconnaissable, à sa posture imposante. Il se trnait droit dans ses bottes, un dossier dans une main tandis que l'autre était négligemment posée sur sa hanche gauche. A travers ses petites lunettes rectangulaires, il me lançait un regard perçant inquisiteur.
De part et d'autres des deux tables, deux individus que je ne connaissais pas. L'un d'eux semblait m'attendre, assis sur une petite chaise à trois pieds. Le visage rondouillard, une mèche de cheveux noirs tombant sur son visage figé, il fixait un dossier garni de papiers en tout genres. Ses mains calleuses étaient croisées sur son front. Il donnait l'air d'avoir passé la nuit sur sa paperasse.
Enfin, le dernier homme devait être celui qui était surnommé "la Chouette", et à juste titre. Il était non seulement de petite taille, le dos légèrement voûté, mais il portait en plus de larges lunettes rondes qui lui donnaient effectivement l'air d'une vieille hulotte aigrie. Ses cheveux gris et son teint pâle venaient conforter cette image à la perfection. J'avais du mal à detecter un quelconque lien de parenté avec le grand-lieutenant. Ils ne se ressemblaient pas le moins du monde. Mais bon, la génétique et le temps sont deux choses absolument étranges que je ne maitrîsais absolument pas.
-Tiens, te voilà toi. Parfait, on va pouvoir commencer. J'en avais légèrement marre d'attendre.
La voix cassante de mon superieur venait le briser le semblant de solennité qui régnait dans cette pièce. La Chouette et l'homme en noir avaient tous deux tourné leur tête vers moi. Je ne savais pas trop quoi faire : rester debout et attendre mon jugement? Est-ce que je devais m'asseoir près de l'un des deux hommes?
Tadéo dut comprendre assez rapidemment que j'étais très légèrement perdu -seulement très légèrement- .Il s'avança en abandonnant sa posture militaire, et prit les devants.
-Ah oui, j'oubliais que tu n'es pas là depuis longtemps. Je te présente Thérésin de Boisclair, enquêteur principale du service juridique de la garde civile, et accessoirement le grand oncle de mon plus jeune cousin, ainsi qu'Edward Isandrique, ton avocat commis d'office.
Ce dernier avait miraculeusement levé la tête vers moi, et me fit un signe de la main. Comme un idiot, je le fixais du regard, les sourcils froncés dans une totale incompréhension, et lui rendis sa salutation.
Après quelques secondes, voyant que les deux énergumènes me regardaient étrangement, et considérant le regard foudroyant du grand-lieutenant, je décidai de prendre place à côté de mon "commis d'office". Je restais toutefois loin de lui, non pas qu'il sentît mauvais, mais il dégageais une aura plutôt malsaine. Comme une sorte d'état dépressif contagieux. J'étais assez mal à l'aise près de cet homme. Je ne pouvais cependant pas aller m'asseoir à côté de l'ancêtre, j'étais certain que celui-ci connaissait quelques formules magiques pour me lancer des mauvais sorts. De plus, dans les séries policières, l'accusé s'asseyait toujours avec son avocat.
Accusé. Ce mot se mit à résonner dans mon esprit quand Tadéo prit place sur une chaise, contre le mur du fond. La petite salle, l'enquêteur, l'avocat commis d'office, la séance en comité restreint, tout collait à peu près. Je lançai un regard un peu trop agressif à mon superieur, qui me le rendit bien comme il faut. Je venais de le comprendre : c'était bien plus qu'une conférence sur une enqûete en cours, c'était un interrogatoire.
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