Chapitre X, Partie 1 : Impasse

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Le grand lieutenant traîna ainsi notre pauvre fouineur sur une certaine distance. Dieter, effectivement, tenta sur les premières dizaines de mètres de résister à la poigne de son supérieur. Mais il comprit rapidemment que celui-ci était superieur en force, en vitesse, en agilité, enfin bref en tout ce qui touchait de près ou de loin au physique. Il se débattit donc une dernière fois, et suivit Tadéo de son plein gré. Pour lui, rien ne servait de lutter maintenant. Mais, ayant connaissance de ce qui l'attendait au bout de ce chemin, il tenta quand même d'amadouer quelque peu son tortionnaire.

 -Dîtes moi, Philippe...je peux vous appeler Philippe, maintenant, non?

 -Non

Cette réponse ne surprit pas Dieter, mais le coupa net dans son élan de sympathie hypocrite. Le reste du trajet se fit en silence, sans la moindre tentative de communication des deux parties. Ils arrivèrent bientôt à la salle de conférence où allait se tenir ce débriefing, ou plutôt ce procès déguisé. Dieter en avait déjà fait l'experience quelques jours plus tôt, et savait très bien de quoi retournait cette charmante invitation.

Tout deux entrèrent dans la salle, toujours aussi lugubre et ridiculement éxigue. Dieter tira la chaise, la même que la fois précédente, s'assit lourdement et étala ostensiblement ses jambes sur la table de métal froid.Tout cela histoire d'agacer le grand lieutenant, on s'en doutait. Celui-ci martelait d'ailleurs le sol de ses pieds, adossé à la porte et lançant au prince des regards meurtriers. Il ne fit aucun doute que si un regard avait eu le pouvoir de tuer, celui du grand-lieutenant Tadéo fut une arme de guerre responsable de meurtres de masse. Ainsi appuyé contre le bois de la porte d'entrée, il donnait une impression de domination absolue. Dans la pièce sombre, éclairée seulement par une vieille ampoule fatiguée, le chasseur scrutait sa proie avec envie. En fait, cette atitude allait au-delà de la relation entre le mangeur de viande et sa vctime innocente, car Dieter n'était ni innocent, ni une victime, et Tadéo ne le considérait pas comme un met de choix. En réalité, il s'agissait plus d'un duel entre deux géants : l'homme qui avait atteint l'apogée de sa carrière militaire et qui en imposait comme un vieux lion, face à l'intemporel prince perdu en quête d'un hypothétique secret. Un duel d'honneur, une relation de concurrance animée de haine. Telle était la nature de ce lien qui les unissait depuis peu.

C'était donc dans cette attitude de défi que Dieter se pavanait sans gêne devant le militaire. Il était certain que ce dernier allait réagir, mais une bruit strident retentit alors dans la pièce étroite. C'était le téléphone portable de Tadéo qui sonnait. Le grand lieutenant décrocha, sans quitter des yeux l'insolent garçon brun.

 -Oui...ah, c'est toi, je...ben justement, il vient d'arriver. J'allais commencer l'interr...ah vraiment?

Dieter ne comprenait pas tout ce qui se disait, mais il écoutait la conversation d'une oreille discrète. Derrière lui, le regard de son superieur avait encore gagné en colère, et semblait particulièrement ennuyé.

 -Bon très bien, dans ce cas on t'attend...Oui, ne t'inquiète pas, il ne bougera pas. J'arrive.

Il raccrocha. Dieter, interloqué, interrogea Tadéo du regard. Celui ci ne lui répondit pas de suite : il était absorbé dans ses pensées, comme s'il venait de comprendre quelque chose. Il se resaisit cependant très vite, et s'approcha un peu du jeune prince.

 -Bon, écoute moi, toi. L'enquêteur Boisclair à un petit contretemps, lui et moi devons aller vérifier quelques petites choses. Je pars donc pour deux heures.

Un sourire radieux passa sur le visage de Dieter. Joyeusement, il retira ses pieds de la table et se leva en sautillant, persuadé que cela signifiait que son interrogatoire était ajournée. Mais le grand lieutenant le ramena très rapidemment sur Terre. Il le poussa brusquement contre le dossier de sa chaise, et rit légèrement.

 -Ha mais non, tu n'y es pas mon pauvre. Toi, tu restes ici. Et tu n'as pas intérêt à lever le petit doigt ou à faire un pêt de travers. On te surveille.

En disant cela, il pointa du doigt, au plafond, une charmante camréra de surveillance noire. Vu sa position, elle couvrait les trois-quarts de la pièce, y compris la porte d'entrée. Dieter poussa un "tsss" de dégoût, et s'avachit de tout son poid sur la pauvre chaise qui, au demeurant, n'avait rien demandé. Il prit sa veste marron et la jeta nonchalament sur son visage. Peut-être envisageait-il de faire une sieste durant ces deux heures qui promettaient d'être longues?

En tout cas, derrière lui, Tadéo ouvrait déjà la porte en luilançant ces mots moqueurs.

 -Allez j'y vais. Je te laisse le dossier des pièces à conviction, tu peux y jeter un oeil et en faire disparaître certaines si ça te chante. Mais n'oublie pas ta grande soeur au plafond, héhé.

Sur ces paroles, il repartit en fermant la porte à clef. Le cliquetis de la serrure et les bruits de pas dnas le couloir indiquaient au jeune garçon que le grand lieutenant était enfin parti.

 -Enfin débarassé de ce gros lourd. Mais ça m'arrange pas, moi, tout ça. Hors de question que je poireaute ici deux heures.

Il réflechit quelques minutes à un moyen de sortir d'ici, mais son regard fut attiré le fameux dossier des pièces à conviction. Il se dit qu'après tout, Tadéo lui avait donné l'autorisation d'y jeter un oeil. Et puis de toute façon, il était déjà dans les problèmes jusqu'au cou. Que risquait-il à violer le secret judiciaire, d'autant plus que le dossier était tamponné d'un "SECRET MILITAIRE"? Il se saisit donc des feuilles et autres documents que contenait cet épais fichier.

Les premières pages ne lui révélèrent rien de nouveau, seulement ce qu'on lui avait déjà présenté lors de la précédente discussion : les mêmes témoignages, les mêmes analyses balistiques, les mêmes photographies qui, au final, ne montraient rien de très compromettant. Dieter s'en était d'ailleurs très bien sorti la fois précédente. Ni Tadéo, ni son inspecteur de grand-oncle n'avaient rien pu faire pour lui coller quelque meurtre que ce soit. Il s'en félicita interieurement. Dieter n'était pas bouffi d'égoïsme et d'égocentrisme, mais il fallait savoir, selon lui, reconnaître quand on accomplit une action difficile.

Il continua donc, le sourire aux lèvres, à parcourir les récits des témoins et les photographies pour arriver à la dernière partie. Son titre, évocateur, lui fit perdre son rictus instantanément :


"NOUVEAUX ELEMENTS"

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