Interrogatoire de Sophie Lalande
Je suis Sophie Lalande, 30 ans, esthéticienne de métier, célibataire et sans enfants.
Cette soirée était prévue depuis plus d’un mois. C’était mes 30 ans. Super cadeau hein ! Je voulais juste passer un bon moment avec les gens que j’aime. En plus, tout le monde a pu venir. Même Seb a pu se libérer. Jusqu’à la dernière minute, ce n’était pas sûr. J’avais préparé pas mal de chose à l’avance pour être tranquille et profiter de la soirée. Je n’aurais jamais pensé terminer ainsi. Qui a pu en vouloir à Patrice à ce point pour en arriver là ? Franchement, je ne sais pas. Il était si gentil. Toujours à se préoccuper des autres.
La soirée avait bien commencé. Tout le monde semblait joyeux et détendu. Et puis je n’arrête pas de penser que son assiette ne lui était pas forcément destinée. Cela aurait pu être n’importe qui même moi. Patrice, je le connais, enfin, je le connaissais depuis toujours, je crois. On était à l’école ensemble, depuis la maternelle, on s’est toujours suivi. En tout cas jusqu’au lycée.
Tout le monde a eu accès à la cuisine, tout le monde a pu mettre le poison fatal. Même ma mère. C’est horrible de penser ça. Ma mère, elle aimait bien Patrice. Elle est même amie avec sa mère. La pauvre, elle avait déjà perdu son mari. C’est à ce moment-là qu’on s’est vraiment rapproché avec Patrice. La mort de son père avait été un tel choc pour lui et j’étais sa seule amie.
Je ne sais pas quoi vous dire de plus. Je me refais le fil de la soirée depuis hier soir, mais rien ne me semble bizarre ou suspect. Tout le monde profitait. Lorsque Patrice s’est mis à suffoquer, j’ai pensé qu’il était en train de s’étrangler. Mon père s’est levé et l’a entouré de ses bras pour faire pression sur son thorax et tenter de le faire cracher. Mais ça n’a pas marché. Lorsqu’il l’a lâché, sa tête est tombée dans l’assiette juste comme ça. On est tous resté interdit à se regarder. Mon père est devenu blême, je me souviens de ses mains qui tremblent alors qu’il essaie de relever Patrice, mais il retombe tout le temps comme une poupée de chiffon. C’est Sofia qui a crié la première. Elle était hystérique. Seb l’a giflé pour qu’elle se calme avant d’appeler les pompiers. Ils sont arrivés assez vite, même si j’ai trouvé le temps interminable. On n’osait plus ni bouger ni parler. Ma mère, qui était assise en face de Patrice, ne le quittait pas du regard. Comme fascinée.
Même si cela semblait évident, le fait que les pompiers prononcent le mot « mort » m’a fait craquer. Daniel m’a pris dans ses bras pour me consoler. J’avais froid, comme si mon sang ne circulait plus.
Tout est embrouillé, je ne me souviens pas des autres. Je crois que Laurent n’était pas dans la pièce quand c’est arrivé. En tout cas, je ne me souviens pas de lui. Je ne sais pas ce qu’il faisait.
Maintenant que j’y pense, Pascal n’était pas très content que Patrice soit là. Ils ne s’aimaient pas beaucoup ces deux-là. Mais c’est mes deux meilleurs amis alors c’est normal que je les invite tous les deux non ?
Patrice, lui, était comme d’habitude, joyeux et très loquace. Je n’ai rien noté de différent chez lui.
Lorsque l’on a été prié de rester dans le salon sans bouger, l’ambiance était lourde, étrange. Mon père s’est assis sur le canapé, la tête dans ses mains. Je ne voyais pas son visage, mais seulement les soubresauts de ses épaules. Il pleurait. C’était étrange, mon père ne pleurait jamais. En tout cas en public. Elena, qui se tenait derrière lui, lui massait l’épaule dans un geste vain de consolation. Moi, j’étais assise sur l’accoudoir comme en suspens prête à bondir. Mes nerfs étaient à bloc. À aucun moment, je ne me suis imaginé qu’il s’agissait d’un meurtre. C’est vraiment comme un mauvais rêve.
Qui a pu faire une telle chose ? Peut-être tout le monde en fait ? Tout le monde a eu un accès aux plats et à la cuisine.
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