Interrogatoire de Gilles Lalande
Gilles Lalande, 55 ans, retraité et ancien cheminot. Marié. Deux enfants.
Avec ma femme, on est arrivé plus tôt dans l’après-midi. Lucile devait aider Sophie à préparer les amuses bouches. J’ai aidé comme j’ai pu mais moi la cuisine ce n’est vraiment pas mon truc. Par contre, je peux toujours faire le commis, couper, éplucher, laver. C’est ce que j’ai fait cet après-midi-là.
Lucile était clairement en colère, je la connais tellement. Mais, elle a fait semblant toute la soirée. Elle ne voulait pas gâcher la fête de sa fille. Sinon, tout le monde était content, heureux de se retrouver. Sophie, n’a pas son pareil pour faire des fêtes réussies. Mon dieu, celle-ci a sans doute dépassé toutes ses attentes, ma pauvre chérie.
J’ai vu le visage violet de Patrice, j’ai tout de suite compris que ça n’allait pas. Mon cœur n’a fait qu’un bond, je me suis levé et j’ai essayé, tellement essayé de l’aider. Mais rien, je n’ai rien pu faire. Ça me fait tellement mal. Il était si jeune. C’est si injuste. Quand je pense à sa mère, c’est affreux. Tellement affreux.
Excusez-moi madame, vous avez un mouchoir ? Merci.
Je ne pleure pas facilement d’habitude mais là, c’est trop fort. Mon pauvre petit Patrice. Il était comme un fils. Je n’ai pas pu le sauver. Non, je n’ai rien vu d’autre que lui. Je ne regardais personne. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé autour de la table. Il est tombé juste comme ça, la tête dans son assiette. Je ne voulais pas le croire. J’ai essayé de le relever mais c’était comme un poids mort, il retombait sans cesse. Je n’arrivais pas à m’arrêter de trembler. J’étais tétanisé. Il a fallu que Sofia crie pour me réveiller. Tout était flou, irréel. Je suis désolé, madame, je ne suis pas d’une grande aide mais tout est confus dans ma tête.
Probablement tout le monde, y compris moi.
Inhabituel, non, je ne crois pas. Tout le monde semblait à la fête. A part ma femme qui était plus silencieuse que d’habitude. C’est pas possible que l’un de nous est fait ça. Non, pas possible. Je vous le dis-moi, il y a quelqu’un d’autre derrière tout ça. Je peux pas me l’enlever de la tête.
Franchement, la seule tension que j’ai ressentie c’est celle de ma femme. Elle m’évitait mais je ne sais pas pourquoi. Depuis la fin de la matinée, elle avait complétement changé d’état. Je vous l’ai dit, elle était en colère. Mais en colère contre moi, ça j’en suis sûre. 35 ans de mariage. Elle ne peut rien me cacher.
Patrice il a toujours été un brave petit. Si mignon avec ces boucles blondes. Un vrai bout en train aussi. Toujours le mot pour rire, la parole facile. Je sais que des fois ça pouvait énerver, mais vraiment c’était un bon garçon, il avait tout pour lui.
Dans le salon, j’ai complétement craqué. Je ne pouvais plus retenir mes larmes. J’ai essayé de me cacher mais je crois que tout le monde a bien vu. J’ai eu honte de me laisser aller comme ça.
Non personne, madame, personne je vous le dis. Je les connais tous trop bien. Ils sont incapables d’une telle méchanceté. Ce sont tous de braves petits.
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