3 - Seul

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Le crépuscule magnifique laissa place à une nuit sinistre. Les cieux ne reflétaient que de la noirceur, la pénombre semblait totale. Les bruits des gardes commençaient à se faire entendre, et j’accélérai le pas. Sachant qu’ils allaient me voir, je me camouflai derrière ma cape pour fuir à toute allure. Je sortis de la pièce, le vent murmura dans les feuilles des arbres comme en réponse à ma promesse. Je ressentis le poids de mes mots, chargés de l'espoir de la liberté, un fardeau sacré que je portais pour cette créature innocente. Dans l'obscurité de la nuit, j'espérais que mes paroles réconfortantes trouveraient écho dans le cœur de la bête, lui apportant un soupçon de réconfort dans sa détresse. J'étais presque sûr de pouvoir semer les gardes. Je pris une direction opposée à celle de la maison, titubant sur les pavés humides d’une nuit des plus obscures. Mon corps avançait machinalement, comme si mon esprit était ailleurs, perdu dans les ténèbres de mes pensées. Chaque pas semblait lourd, sous l'urgence de mon engagement. Tout bruit, tout souffle de vent, devenait une menace potentielle dans ce royaume obscur. Après une course effrénée, les gardes, ivres comme ils étaient, ne m’avaient pas suivi bien longtemps. Les ruelles du village semblaient se resserrer autour de moi, leurs ombres sinistres dansant sur les murs des maisons. Mon souffle se faisait plus régulier, malgré la panique qui m’envahissait encore.

La nuit était sombre, enveloppant la petite cabane dans un manteau d'obscurité. Ma mère, déjà plongée dans son sommeil depuis un petit moment, fut réveillée par mes sanglots inévitables. Elle semblait encore à moitié endormie, son visage marqué par les ombres dansantes de la pièce. La cabane, construite en bois rustique, était d'une simplicité émouvante. Les murs de bois grinçaient légèrement sous la brise nocturne, ajoutant une note supplémentaire à l'atmosphère déjà chargée d'émotions. À la vue de mon état, elle comprit immédiatement que j'avais commis une erreur.

- Que t’arrive-t-il ? Demanda ma mère, inquiète.

Ses yeux, encore embrumés par le sommeil, reflétaient une douceur infinie. Elle se redressa lentement, ses gestes marqués par la fatigue de la journée passée. La faible lueur de la bougie projetait des motifs argentés épars sur les murs nus de la cabane, illuminant faiblement son intérieur. Elle prit deux tabourets et s'installa sur l'un, m'offrant l'autre comme alternative. Je la rejoignis, mes mots se perdant dans ma gorge serrée par l'émotion. Ma voix tremblait, chaque mot semblait s'accrocher désespérément à mes lèvres avant de s'échapper. Les larmes continuaient de couler, et entre deux sanglots, je lui racontai tout depuis ce fameux jour où mon père nous avait quittés, cette énigmatique phrase qu'il m'avait confiée autrefois. Je lui avouai qu'au cours de ces trois années, j'avais craint qu'il ne sombre dans la démence face à l'ombre de la Faucheuse. Par peur d'altérer sa mémoire avec des paroles peut-être confuses d'un homme aux portes de l'ultime crépuscule, j'ai gardé le silence. Je lui confessai qu'à force de côtoyer cette créature démoniaque, mes sentiments à son égard s'affinaient graduellement. Devant le saccage de la réserve de nourriture des voisins, je portais le poids de cette faute sur mes épaules, car je lui avais donné ma propre nourriture, qu'elle avait préparée avec tant de soin. Le visage de ma mère sembla se figer de marbre à cette nouvelle, et je continuai mon récit en lui décrivant en détail ce qui s'était passé cette nuit-là. Je lui expliquai que, même si j'en doutais, c'était le moment opportun pour démêler le vrai du faux, car cette bête n'avait rien demandé à personne. Tout en racontant mon histoire, je lui montrai le symbole gravé sur mon bras, lui expliquant ce qu'ils avaient infligé à la bête : les gardes, la fuite précipitée, la promesse faite à cette créature innocente. Chaque détail sortait de ma bouche comme un torrent incontrôlable, mes mains agrippant nerveusement le tissu de ma tunique. Ma mère écoutait en silence, ses yeux ne quittant pas mon visage. Il était tard, bien trop tard pour une conversation aussi troublante. Son regard scrutait mon visage, cherchant à déchiffrer les tourments qui le traversaient. Ses yeux empreints de souci reflétaient sa préoccupation pour mon bien-être, elle était désarmée face à mon état émotionnel fragile et face au mépris qu'elle avait pour les entités damnées. Son expression trahissait à la fois un amour maternel indéfectible et une profonde inquiétude face à ce que je ressentais pour cette créature. Absorbant toutes les informations que je venais de lui livrer, elle resta stoïque un petit moment, puis se leva en me regardant dans les yeux.

- Je sens l'esprit de ton père en toi. Prends un moment pour te reposer. Pour ma part, j'ai besoin de m'aérer un peu.

Elle déposa un baiser sur mon front ensanglanté et quitta la maison. J'avais eu trois ans pour me préparer à cela, mais elle n'avait rien vu venir. Son hostilité envers ces créatures ne faisait rien pour arranger les choses. Son visage marqué par la tristesse au moment de partir me serra le cœur. Quant à moi, je restai assis, recroquevillé sur moi-même, repensant à toute cette péripétie.

Les tambourinements sourds à la porte m'arrachèrent à mes pensées, me rappelant brutalement que je demeurais là, coincé dans un tourbillon de tourments. Chaque coup résonnait comme un écho funeste, menaçant de briser les fragiles parois de la cabane. Mes mains maculées de sang, mes vêtements imprégnés de l'odeur repoussante de la bête, attestaient du calvaire que je venais de subir. À peine avais-je entrouvert la porte qu'une sombre silhouette se dessina sur le seuil. Le chef des gardes se tenait là, impassible, ses yeux perçants semblant sonder mon âme. Avant même que je puisse articuler un mot, je fus brutalement projeté sur le tabouret de la salle à manger, une douleur aiguë m'envahissant alors que je réalisais qu'il m'avait frappé de toute sa force. Ils avaient découvert ma visite nocturne auprès de la bête, et mon apparence ne plaidait pas en ma faveur. Mes mains instinctivement portées à mon visage, mélangeaient mon sang à celui de la créature. Des picotements agitaient tout mon être alors que deux des Prancks s'approchaient. Dans un geste impulsif, je bondis sur mes pieds, criant de toute mon âme, déterminé à affronter cette épreuve avec courage et détermination. Malgré la terreur tapie au fond de mon corps, je puisais ma force dans le souvenir de mon père, dans mon serment envers la bête et dans l'espoir de voir ma mère revenir à mon secours

- Sortez d'ici, lâches ! criai-je, espérant que ma colère les éloigne loin de ma demeure.

Mon emportement ne fit qu'attiser les braises de la situation déjà tendue. Les deux Prancks saisirent mes poignets avec une aisance déconcertante, étouffant mes vaines tentatives de résistance. Mes mains furent attachées derrière mon dos, entravant ainsi mes mouvements. Puis, tel un cyclope surgissant des ténèbres, Trosp, le chef des Gardes, se dressa devant moi. Sa silhouette imposante, ses épaules carrées, son visage anguleux aux traits sauvages avec son regard glacial, me pétrifièrent d'une terreur incommensurable. J'étais assailli par une peur instinctive, étouffant tout espoir de salut.

- Au nom du village d'Urstik, nous t'arrêtons pour acte de rébellion, gronda-t-il d'une voix rauque et chargée de méchanceté. Ses paroles retentirent tel un tonnerre lointain, présageant destruction et désolation.

- Non, lâchez-moi ! criai-je en me débattant pour me libérer. Mes paroles semblaient étouffées sous le poids de ma terreur, comme si même ma voix était emprisonnée dans l'étau glacial de la peur. Ma gorge, serrée par l'angoisse, laissait échapper des mots étouffés, tels des papillons de nuit pris au piège dans une toile invisible.

Trosp décocha un coup de pied massif et fulgurant qui percuta ma mâchoire, sa posture presque trop parfaite. Je n'eus même pas le temps de saisir pleinement ce qui se passait avant de ressentir un coup violent, puis tout devint noir.

Revenant à moi, tout en transpiration, essayant laborieusement d'ouvrir les yeux, mais des sensations de vertige me dominaient, ma gorge sèche me tirail­lait. Le soleil frappait fort. Déshydraté, mon corps alourdi, j’étais attaché à un pilier au centre de la place. Mes poignets me brulaient, les liens trop serrés empêchant tout soulagement ; chaque mouvement de mes mains déclenchait une sensation de mal-être. Ahuri, je ne comprenais pas immédiatement ma situation. Mon esprit vagabondait comme un navire sans boussole, cherchant désespérément à remettre mes idées en ordre. Devant cette scène humiliante, mon propre peuple me lançait des regards mauvais ; en l'espace de quelques heures, j'étais devenu une bête à leurs yeux. Une personne âgée, de petite taille, vêtue d'une vieille robe en lin soyeuse mais vieillissante, avançait péniblement, s'appuyant sur une canne en bois sculptée par nos ébénistes, ornée de motifs étranges mais d'une élégance sans nom. Plus aucun cheveu ne pointait sur son crâne. Montant sur une petite balustrade, habituellement utilisée pour les cérémonies de fête, se tenait notre doyen, Damce. Il tapa de sa canne contre le plancher, produisant un son sourd et résonant qui fit taire toute la foule. Chaque élément de la scène semblait amplifié par l'atmosphère pesante : le soleil implacable, la sécheresse de ma gorge, les regards accusateurs de la foule. Damce, symbole d'autorité et de tradition, dominait la scène. Son geste, simple mais puissant, imposait le silence et l'attention, tel un maître de cérémonie ouvrant un rituel solennel.

- Sangfugol est ici, devant nous, pour répondre de son acte de rébellion, une offense à nos croyances et à nos règles, en venant en aide à cette créature !

Pris de désarroi, je me retrouvai spectateur impuissant de cette scène saisissante, tandis que les images de la bête ensanglantée hantaient mes pensées. L'incertitude m'assaillait : son état s'aggravait-il ? Avais-je contribué à envenimer la situation en allant à sa rencontre ? Une bouffée de colère bouillonnait à travers mes lèvres serrées, prête à exploser.

- Qui, de vous ou de cette créature, est réellement démoniaque ? Ma voix résonna avec une puissance saisissante, tel un appel à la délivrance de ce cauchemar. J'avais cru que libérer ma colère serait une décision sage. Un silence lourd s'abattit, tandis que devant moi, les visages exprimaient l'indignation et le mépris. Des regards chargés de haine et d'incompréhension me transperçaient. Il n'y avait plus de retour en arrière ; le destin était irrémédiablement scellé.

- Silence. Fulmina le doyen d'une voix aussi rugueuse que les pierres du vieux chemin menant au village. En hommage aux actes héroïques de ton père, je propose une année de travaux généraux sous la vigilance des Prancks, annonça-t-il solennellement. En accord avec les lois anciennes du village, Trosp exige l’exil, une décision qui nous incombe à tous, ajouta-t-il, laissant planer le poids du choix sur l'assemblée.

Le vote fut unanime. Seul l'exil sera ma destinée. Si cela avait eu lieu avant que je ne déverse toute ma haine devant eux, j'aurais peut-être pu échapper à un blâme d'un an. Je balayai du regard le panorama, cherchant désespérément du réconfort dans les yeux de ma mère, mais celle-ci, mon roc, avait choisi de m'abandonner. Son absence pesait comme une pierre dans mon cœur, une épine dans mon âme. À quoi bon avoir un fils si l'on n'est pas là pour lui offrir un peu de soutien dans les tourments de la vie ? Ai-je brisé son cœur en lui révélant mes sentiments pour la bête, alors que ses parents, son frère et son mari ont été enlevés à cause d'autres créatures ? Malgré tout, je pensais qu'elle surmonterait cette épreuve pour moi. Mais la douleur de son absence me déchirait de l'intérieur. La stupeur et la terreur des villageois ne faisaient qu'effleurer la surface de mon chagrin, face à l'abîme béant de l'amour maternel absent.

- En ce qui concerne cette bête, reprit le doyen d'une voix grave et pondérée, je pense que nous sommes tous d’accord : elle a semé trop de chaos et de discorde. Son influence pernicieuse corrompt ceux qui croisent son chemin, et elle représente une menace trop redoutable. Nous devons l'exécuter immédiatement. Allez la chercher, Trosp.

À ces mots du chef du village, le visage de Trosp se figea dans une expression sournoise, un rictus malicieux tordant ses traits.

Son annonce fit jaillir en moi des larmes immenses, tel un torrent impétueux dévalant les flancs d'une montagne sacrée. Le temps semblait s'étirer à l'infini, tandis que seuls les murmures lointains de la foule parvenaient à mes oreilles. Après l'abandon de ma mère, cette nouvelle épreuve me terrassa. J'avais tissé un lien de sang avec ma première bête, et déjà, en à peine une journée, elle était mise à mort. Je me sentais un être insignifiant, ballotté par les caprices impitoyables du destin. Si mon père était encore de ce monde, il aurait certainement rougi de honte devant ma faiblesse. En tant que fils, je me savais indigne de son héritage.

Trente minutes, ou peut-être trois heures, s'étaient écoulées, mon corps endolori, mes pensées égarées dans un tumulte incessant. Trosp m’avait rudement malmené. Je ne comprenais pas pourquoi il me vouait une telle haine. Un tourbillon de réflexions troublait mon esprit, étourdissant comme un sombre ballet funeste. Ma mère, la bête, mon père, Trosp… Autant de souffrances qui s'entremêlaient dans le labyrinthe de ma conscience. Mais ces rêveries furent balayées par l'apparition soudaine de Trosp. Ses yeux injectés de colère, sa démarche pesante, il s'avançait vers moi tel un bourreau implacable. Son poing s'abattit sur mon visage avec une violence sourde, répétant son geste comme un mantra de douleur. Mes paupières se refermèrent instinctivement, mais le coup ne vint jamais. Damce, vieillard vénérable, avait stoppé son bras vengeur d'un geste sûr. Sa canne, emblème de sagesse, s'interposait entre la rage de Trosp et ma vulnérabilité. Même affaibli par les ans, il demeurait un rempart solide, une forteresse immuable, porteur de toute la sagacité et de la force des siècles.

– Assez ! tonna le doyen d'une voix résonnante, tel le grondement menaçant du tonnerre. Ce pauvre garçon a déjà enduré trop de tourments pour une seule vie. L'exil est une punition suffisante.

Quelques murmures de désaccord s'élevèrent parmi la foule, exprimant ainsi leur mécontentement envers le chef. Le doyen poursuivit, la voix empreinte de sagesse et de compassion :

- Parmi vous, qui oserait prétendre qu'une âme aurait pu survivre ne serait-ce qu'une nuit dans les bois, exposée aux périls de l'extérieur ? Nous condamnons ce pauvre enfant, mais n'oubliez pas que cela aurait pu être n'importe lequel d'entre nous.

Le public, se calmant peu à peu, Trosp redescendit de son piédestal, semblant moins altier.

- Que se trame-t-il ? Où se tapit la bête ? Interrogea le doyen d'un ton sévère, fixant le visage de Trosp avec intensité.

- À mon arrivée, j'ai découvert les deux gardes bâillonnés, réduits au silence par leurs assaillants. Leurs cris étouffés par un drap enfoncé dans leur bouche, ils étaient incapables d'alerter qui que ce soit. Nul ne sait qui sont les auteurs de cette ignominie, la bête a déjà semé les graines de sa perversion dans d'autres âmes. Les coupables pourraient se dissimuler parmi nous !

Aux paroles de Trosp, la tension s'épaissit dans l'air, enveloppant le village d'un voile palpable d'appréhension. Les regards devinrent méfiants, les chuchotements se multiplièrent entre les habitants, désormais prompts à se soupçonner mutuellement. Trosp avait réussi à semer la discorde parmi eux, jetant le doute même au sein du commandement du chef.

- Silence ! gronda Damce d'une voix qui semblait faire trembler les murs de la cour. Que chacun se calme et prête l'oreille. Ensemble, nous traquerons les responsables de cette infamie. Formons des escouades de dix âmes, idéalement neuf braves villageois et un Pranks, pour scruter chaque recoin de notre domaine. Si vous trouvez le moindre indice, ne prenez aucun risque, revenez chercher des renforts.

L'annonce de Trosp avait plongé l'atmosphère dans une lourdeur oppressante ; le doute s'insinuait partout, même si le discours du chef avait momentanément apaisé les esprits. Qui étaient les autres traîtres ? Agissaient-ils dans l'intention de sauver l'entitée damnée ou de l'entraîner davantage vers la condamnation ? Peut-être cherchaient-ils simplement à exploiter sa force ? Pourtant, malgré cette incertitude, je ressentais au plus profond de moi que la bête n'avait pas encore rendu l'âme. Une lueur d'espoir perçait l'obscurité, un souffle ténu mais vibrant, naissait en moi, une étincelle fragile dans l'océan de désespoir. Peut-être n'était-il pas trop tard.

Le vent se mit alors à souffler, comme s'il voulait lui-même transmettre un message. Il sembla apaiser le silence morbide, en parfait accord avec le discours de Damce. Cependant, malgré cette ambiance, j'avais l'étrange sensation que tout le monde m'avait oublié. Et moi, dans tout cela ? Où irais-je ? Que se passerait-il si je revenais ? Des groupes se formèrent, obéissant aux ordres de Damce et Trosp, et la chasse commença. Après une longue conversation avec le chef du village, Trosp prit la tête des neuf groupes, chacun composé de dix membres.

Les villageois commencèrent à quitter la place, leurs silhouettes se détachant lentement dans la lumière déclinante du jour, me laissant seul au milieu d'une mer d'ombres. Parfois, des figures se précipitaient de-ci de-là, leurs traits crispés par la terreur. Leurs gestes précipités trahissaient leur anxiété, tandis que le chaos régnait désormais à l'intérieur du village. Une sombre rumeur se répandait tel un venin dans l'atmosphère saturée de crainte : la bête m'aurait-elle perverti ? Cette idée, plus effroyable que tout, se propageait comme une ombre insidieuse, semant la méfiance et l'incertitude parmi les habitants déjà éprouvés. Et si c'était vrai ? Si elle avait corrompu l'esprit de mon père et peut-être même d'autres villageois… Était-ce réellement un don que je possédais, ou bien les entités damnées se jouaient-elles de moi ? Ces interrogations tournoyaient dans mon esprit, tandis que je me débattais pour démêler le fil de la vérité dans ce dédale d'ombres et de mystères qui enveloppait désormais ma vie.

Damce me détacha et m'accompagna jusqu'à la sortie du village. Je contemplai avec une tristesse profonde et déchirante les chemins de mon enfance, les maisons imprégnées de souvenirs de ma jeunesse, les majestueux arbres qui semblaient gardiens du temps, les palissades protectrices de notre cité. Un tourbillon de nostalgie m'envahit, sachant que je ne reverrai jamais ces lieux. J'étais assoiffé, seule la sensation âcre du sang séché dans ma bouche apaisait quelque peu ma soif. Mon estomac, en écho avec ma gorge, se contracta, insistant sur une faim insatiable. Impuissant, je me demandais quand aurais-je l'occasion de boire, de manger. La peur m'envahissait, chaque pas devenant un fardeau, chargé du poids du chagrin et de la terreur. Il me conduisit hors de la ville. La grande porte s'ouvrit dans un grincement lugubre, laissant échapper le dernier rayon de soleil qui se perdait à l'horizon.

Le chef s’approcha de moi avec gravité, m'invitant à patienter un court instant. Dans un murmure chargé de désolation, il exprima ses regrets :

- Sangfugol, reste à proximité des murs de la ville, monte vers le nord, rejoins la source de la rivière, et attends devant les portes de l’ancien village. Nous serons là quand la nuit sera à son terme.

Son fils accourut vers lui, dissimulant maladroitement une petite boule de lin renfermant des secrets précieusement cachés à l'intérieur. Avec solennité et gravité, il me la remit, me conjurant de survivre jusqu'à ce soir.

Ainsi me voilà seul, porteur de ce mystérieux colis et message, plongé dans l'inconnu le plus total.

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