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PROLOGUE

Un soir qui ne semblait pas si ordinaire que ça, par un silence étrange qui régnait dans la maison notamment. Le petit garçon qui jouait dans sa chambre avait fini par se lasser de ses figurines, de très belles figurines de collection articulées et peintes à la main. Il était assis sur le parquet ciré, les mains à plat derrière son dos, et il réfléchissait. Les jouets allongés ne bougeaient pas, c’était d’une tristesse sans nom.
 Peut-être que si ce petit garçon allait à l’école comme tous les autres, il pourrait montrer fièrement ses figurines à ses potentiels copains, ils seraient tous impressionnés et tout le monde voudrait les essayer. Tout le monde en parlerait, et il n’autoriserait qu’une petite poignée d’amis à les admirer. Ce serait la classe.
 Mais non.
 Il a bien essayé de les montrer à sa gouvernante, de lui expliquer à quel point elles étaient fabuleuses, mais le résultat était le même à chaque fois. « Range tes jouets et écoute le cours. »
 À chaque fois.
 Si personne ne peut les admirer et lui envier ses fabuleuses figurines de petits soldats en armure dorée, alors elles n’ont rien d’intéressant.
 Le petit garçon fit des yeux l’inventaire de sa chambre, tout était parfaitement rangé parce que son père l’exigeait. Environ vingt-cinq mètres carrés d’ordre et de calme, de couleurs douces, et de meubles en bois en parfait état. Sa mère venait cirer les meubles une fois par semaine environ, le petit garçon a même découvert un jour que c’était une tache inscrite dans l’agenda de la femme, et c’était toujours écrit en gras. Tous les dimanches, pendant qu’il jouait dehors, les meubles étaient cirés et pendant une heure, la pièce était aérée en grand grâce aux deux magnifiques fenêtres qui donnaient sur le jardin. Si c’était un jour de pluie, le petit garçon ne pouvait pas courir dans le jardin, il s’amusait plutôt à aller observer son père travailler dans son atelier.
 Bonne idée ! Ce soir-là, il y travaillait justement. C’était assez étrange, il ne s’isolait jamais le soir, ou du moins jamais après avoir diné. C’était un homme calme qui lisait énormément. Il passait ses soirées dans un fauteuil rouge près de la cheminée du salon. Parfois, il écoutait de la musique en même temps, et le petit garçon ne la trouvait vraiment pas amusante. Le voir lire n’était pas amusant.
 Le petit garçon préférait quand son père fabriquait ses inventions, ça c’était amusant. Un inventeur de génie, il avait un métier hors du commun.

Il réparait les gens.

Des fois il les inventait, souvent même. Mais le plus impressionnant était quand il les réparait. Ça, ça arrivait très peu, parce que les gens mourraient avant d’arriver dans son atelier. Donc son vrai métier, c’était d’inventer des gens, mais le petit garçon trouvait ça encore plus formidable de réparer des gens.
 Il n’avait pas grand-chose d’un médecin, parce que ce n’était pas un médecin. Il ne travaillait pas en blouse blanche, il portait plutôt une veste épaisse qui pourrait être celle d’un aviateur. Et dans son atelier il n’y avait pas vraiment de médicament, mais plutôt des clefs, des boulons, des circuits électriques, des vis, et encore plein de choses et de machines que le petit garçon trouvait superbes.
 Lorsque Madame vit passer son fils dans le couloir, elle lui demanda immédiatement où il allait comme ça. A cette heure-là, il devrait déjà être en pyjama et se préparer pour aller au lit.
 « Je vais voir Papa ! » Sa mère se leva d’un bon, prête à lui attraper le bras pour l’empêcher de s’engager dans le couloir. Ce n’était pas vraiment son genre de s’exciter d’un coup. Le verre à pied qu’elle venait de poser sur la table basse du salon était à deux doigts de se renverser.
 « Non, ne va pas le déranger ! »
 C’était un jeu assez inédit, au lieu d’écouter sa mère, le petit garçon se mit à courir dans le couloir. Il passait les différentes portes sans les refermer, manquant de faire tomber plusieurs objets de collection sur des meubles eux-mêmes très cher. Sa mère n’avait aucun mal à le suivre d’après le bruit de ses pas sur le carrelage froid, mais plus ils se rapprochaient, moins elle parlait fort.
 « Roman, reviens ici ! »
 Il arrivait dans une sorte de hall, la porte de l’atelier était entre-ouverte, alors sans gêne, Roman s’approcha pour observer dans l’ouverture. Il voyait son père assis sur un tabouret en bois, et une autre personne semi allongée sur le siège noir des patients.
 Il n’avait pas l’air d’aller très bien, et de ce fait, le petit garçon ne voulut pas rentrer. Son père se pencha sur une table roulante pour attraper un autre outil tranchant, puis revenir fouiller dans l’abdomen de son patient.
 Les yeux de cette personne étaient tristes, aucun doute.
 « Ton coeur n’a subi aucune dégradation, c’est une très bonne chose, nous n’aurons pas besoin d’y toucher. » Expliquait avec une voix très douce le père de Roman. Ça n’allait pas du tout avec tout ce qui se trouvait autour. Réparer quelqu’un n’avait rien à voir avec le fait de le fabriquer, c’était un peu plus sale, et peut-être un peu effrayant, pour un petit garçon du moins.
 « Tu as eu beaucoup de chance. Ne t’inquiète pas je vais arranger ça, je ferai en sorte de te garder le maximum, tout ce que je pourrais sauver. Tu auras peut-être changé physiquement, mais tu pourras vivre, c’est le plus important. »
 Roman vit un éclat de sang s’éjecter du corps de ce patient, ça le fit sursauter, et un message est directement passé dans son coeur. La veste de son père était maintenant tachée, et c’est comme s’il ne l’avait pas vu. Par malaise, Roman décidait de ne plus regarder son père, éviter à tout prix ces taches de sang. Alors, il se mit à observer le visage du patient. Il avait la peau sale, triste, figée, et en même temps, il avait l’air jeune.

Les yeux du patient roulèrent jusqu’à Roman.

Le petit garçon eu envie de vomir immédiatement. Le patient le regardait, il le regardait, il le regardait…
 La mère de Roman lui tira le bras en arrière et se mit à le sermonner, mais il n’écoutait rien du tout. Il ne pensait qu’aux yeux clairs du patient.
 « Va te coucher maintenant.
 — Oui Maman. »
 Trop sage pour être vrai. Plus Roman s’éloignait, mieux il se sentait. La réalité n’était pas aussi jolie qu’il ne l’imaginait.

« Ne pleure pas, Désiré. »

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