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Retrouver ses parents ou attendre sagement dans une pièce un minimum éclairée ? Roman ne se sentait pas très à l’aise tout seul, mais il avait aussi un peu peur du noir. Alors, il aurait aimé prendre une des bougies pour se déplacer, mais sa mère lui avait toujours interdit de toucher une bougie allumée. Elle lui avait fait croire un jour qu’elle connaissait une personne qui avait fait fondre ses doigts juste parce qu’elle avait pris en main une bougie allumée. C’était terrifiant.
 « Papa…? » C’était un appel très timide, Roman ne mis pas un seul pas de l’autre coté de la porte. Et s’il attendait simplement ? La lumière reviendrait peut-être toute seule au bout de deux ou trois minutes, une simple coupure de courent qui passerait rapidement. C’était arrivé une fois sans l’atelier du Docteur Devon alors que tous les écrans étaient allumées en même temps. Ça n’avait pas fait rire Madame Devon, mais Roman lui, il avait trouvé ça amusant.
 Aujourd’hui, ce n’était vraiment pas amusant.
 Le petit garçon s’assit par terre contre la bibliothèque en attendant que les choses rentrent dans l’ordre. En cette saison, l’arrêt du chauffage se fit immédiatement ressentir, et un courant d’air frais s’infiltrait d’on ne sait pas où. Si ça durait trop, Roman devrait trouver le courage d’aller chercher une veste, sa chambre n’était pas du tout proche du grand salon.
 « Il faut… il faut que je retourne dans ma… »
 Un bruit sourd fit trembler une partie de la maison, quelque chose venait d’exploser.

Il y eu un bond dans l’abdomen du petit garçon. Les travaux de son père n’avaient jamais eu d’accident tel que celui-ci. Il du s’accrocher au fauteuil lorsqu’une seconde explosion retentit. Un cri non controlé sortit de sa bouche. Cette fois, la catastrophe était plus proche, le sol avait tremblé beaucoup plus fort et le son fit bourdonner les oreilles de Roman.
 « Papa ! »
 La voix de Roman était déjà couverte par un autre éclat terrifiant, le mur du couloir venait de voler en l’air, en milliers de morceaux dangereux et de poussière étouffante. La panique envahit le petit garçon, il ne savait pas quoi faire, il ne comprenait pas ce qu’il se passait, pourquoi l’air était devenu si irrespirable… les tableaux préférés de maman étaient complètement défigurés, les livres de papa étaient déchiquetés, la vitre de la cheminé éclatée… et puis, il faisait terriblement froid.
 Des voix tranchantes hurlaient dans le couloir, des cris de rage qui ne ressemblaient ni à Monsieur Devon, ni à Madame Devon. Ou même à Mademoiselle Cake. En plus des voix, Roman cru entendre des coups de pistolet, des objets lourds qui tombaient au sol et détruisaient le carrelage.
 La maison allait être complètement détruite si on ne faisait rien.
 Ces gens, ils se rapprochaient, et ils casseraient tout, encore plus fort,.
 « Attrapez-le ! » Cette voix méchante glissa le sang du petit garçon. Dans l’immédiat, le corps tout entier de Désiré s’effondra dans le trou du mur, entouré de poussière, et de beaucoup de bruit. D’où venait-il comme ça ?
 Roman voulu sortir au moins un mot de sa bouche, mais impossible, Désiré lui, se remis sur ses deux jambes en un rien de temps, et attrapa le bras de l’enfant. Il l’entraîna avec lui vers la première pièce qui venait sur le chemin. Roman avait du mal à suivre, il ne voyait rien de ce qui se déroulait autour de lui.
 « Plombez-les ! Aller ! Mort aux Devon ! » Entendre son nom de famille lui donna envie de vomir, et ses jambes refusaient de faire le moindre pas de plus. Désiré le fit décoller du sol et ensemble, ils sautèrent vers l’étage inférieur. Il était devenu impossible de prendre cet escalier là, ces deux morceaux de la maison n’étaient plus vraiment reliés, le saut mesurait au moins deux mètres.
 D’un coup brusque, Désiré bifurqua vers une chambre noire, c’était pendant un des rares moments où les agresseurs n’avaient pas réussis à les suivre, le saut leur avait peut-être fait peur.
 Maintenant, ils étaient cachés dans la pénombre de cette chambre, juste à côté de la porte entre ouverte. Roman tremblait de la tête aux pieds, il essayait de ne pas regarder les lumières du couloir qui n’arrêtaient pas de sauter, c’était une agression visuelle totale. Alors, il regardait le bras de Désiré qui le protégeait de l’extérieur.
 Oh, son bras…

La peau qui se trouvait sur les doigts de Désiré avait disparue, déchirée, révélant des phalanges métalliques qui reflétaient la lumière irrégulière du couloir. Les roulements claquaient entre eux, et il n’y avait pas que ses doigts. Ses coudes, ses genoux, ses épaules. Roman repensa au tapis roulant et aux difficultés de Désiré de marcher. Il venait de courir, de sauter, de porter un enfant lors d’un saut dangereux.
 Même s’il ne parlait pas, que sa mâchoire était strictement serrée, Roman était capable de lire dans les yeux de Désiré.
 Il avait mal.

Le répit fut trop cour, un groupe de trois ou quatre personnes se rapprochait à grand pas, ils donnaient des coups dans tout ce qui se trouvait sur leur passage. Même les murs déjà bien abîmés par leur brutalité étaient violencés.
 Désiré chercha une échappatoire de par et d’autre, cette pièce noire dans laquelle il n’était auparavant jamais rentré de l’aida en rien. Et puis, c’était trop tard. Un bombardement fit trembler le sol jusqu’à les faire tomber au sol. Roman cria.
 « Ils sont là !
 — Attrapez le gamin ! C’est un Devon ! »
 Un homme apparut en un rien de temps, il s’apprêtait à frapper Roman avec la cross de son arme. Désiré interposa son bras droit. L’articulation fut sévèrement endommagée, mais ce temps précieux permit au patient de frapper en plein visage l’assaillant. Son poing de métal causa un dégât irréparable sur le nez de l’adversaire.
 « Aarh ! »
 La douleur insoutenable le renversa en arrière, mais il n’était pas tout seul. Désiré savait qu’il ne ferait pas le poids contre plusieurs autres de ces agresseurs, ils voulu s’enfuir de nouveau avec Roman. Le petit garçon était en pleur.
 Ce couloir était si long, Roman avait l’impression que cette maison n’était plus la sienne, tout ce qu’il connaissait disparaissait, sans raison, un jour parfaitement banal. Pendant qu’il regardait les souvenirs de sa vie passée, Désiré courait en le portant sur ses épaules. Les articulations du patient étaient tout ce que le petit garçon pouvait entendre. La poussière et un début de fumée lui brulait les poumons, lui piquait les yeux, lui grattait les cheveux.

clic, clac, clic, clac.
 Le corps de Désiré était si froid.

Un ou deux éléments étaient tombés, trop petits pour être reconnues.
 Ici, Maman avait décidé de repeindre le papier peint trop vieux et trop fleurie. Par là, Papa avait exposé des instruments très chers qu’il avait acheté lors d’une enchère, des choses qui coupaient en majorité. Le carrelage avait été posé pendant un jour de grand soleil, il avait fallu rester toute l’après-midi dans le jardin. Oh…
 Un coup de feu résonna. La balle s’enfonça dans le creux, derrière le genoux de Désiré. Pendant la chute, il roulait sur le carrelage du à la vitesse, mais jamais il ne lâcha le bras de Roman.
 Ils tombèrent sur le pallier, après les cinq premières marches de l’escalier. Tout était tellement en bazar que Roman ne savait plus vraiment où ils se trouvaient, pourtant, il connaissait les quelques escaliers de la maison par coeur. Il y en avaient cinq, et il en empruntait régulièrement deux d’entre eux. Celui pour monter à sa chambre, et celui, tout de l’autre côté de son couloir pour aller à la salle de bain.
 « Manqué !
 — Le gamin était en face, comment as-tu pu le rater ? »
 Sur le palier suivant, il avait une porte. Elle était en bois, un peu sale, Maman ne devait pas l’entretenir très souvent. À cause des choc à répétition, elle s’était ouverte. Désiré s’engouffra dedans presque en trainant son corps, et d’un coup de pied, il poussa la porte pour la claquer. La petite pièce était toute noire, c’était un placard dans lequel la famille rangeait les paires de chaussures accumulées avec le temps, probablement portés une année ou deux, surtout pour celles de Madame Devon.
 Désiré déplaça un minuscule meuble sur le passage pour empêcher l’ouverture. D’ici, ils entendaient les pas précipités du groupe qui les suivait jusque là. Ils avaient continués vers le bas, passant tout près de la porte du placard.
 La pièce mesurait cinq mètres carrés, tout au plus, Désiré se mis à fouiller. Il trouva une malle rangée dans le compartiment le plus bas d’un meuble cubique, puis en extirpa le contenu. Du tissu de plusieurs couleurs et qui valait probablement cher, Roman se souvint d’une période courte ou sa mère s’essaya à la couture. Ensuite, le patient tira Roman pour le plonger dans la malle.
 D’autres pas couraient juste à coté, ils faisaient trembler le sol à chaque marche franchie. Désiré s’insérera dans la boite en boule, serrant contre lui Roman. Quand le couvercle fut fermé, ils étaient vraiment serrés, mais isolés du bruit et un peu des tremblements, de l’odeur, de la poussière.
 Roman cessait de pleurer lorsqu’il se sentait réchauffé par la proximité, même si ce n’était pas très agréable, étouffant. Il entendait toujours les cliquetis, même si Désiré ne bougeait pas.

Désiré tremblait.

Comme après une mûre réflexion, Roman décida de faufiler ses petits bras autour du patient.

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