07
Jusque là, il n’y avait eu aucun grabuge, le propriétaire de ce bar est plutôt contant du calme de ce soir. Trois hommes sont assis au bar en train de siroter un mélange léger, quatre tables sont occupées dont deux pour des repas raisonnables. Deux associées jouent au cartes calmement, et deux autres personnes vêtues en cape blanches discutent silencieusement. Aucune bagarre, aucun abus d’alcool, aucun comportement déplacée. Il pourra rentrer chez lui à une heure qu’on peu considérer raisonnable, sans craindre pour sa vitrine ou les pieds de ses tabourets.
Idéal.
Une télévision accrochée au dessus du bar diffuse les informations de la journée. En ce moment, ça tourne un peu en rond, c’est la même chose tous les jours depuis deux semaines. Une manifestation perdure dans la capitale, et elle s’est aggravée avec le temps. Hier, on déplorait treize façades de magasin vandalisés, deux départs de feu, sept blessés parmi les manifestants, et trois dans les rangs de la police.
Ce soir, les dégâts sont plus légers, ou bien ils n’ont plus rien d’impressionnant, à tel point que aucun des hommes assis au bar n’écoute.
L’un d’eux est en train de survoler le journal des yeux, les sujets sont globalement les mêmes qu’à la télévision, en un peu plus concis, on a moins ce sentiment de boucle des informations.
« La pauvreté réduit ce pays à néant. Bientôt, il n’y aura plus que de la poussière. Personne ne vaudra plus la moindre pièce. A part les Réparés peut-être. Hé hé… » Il referme le journal, le redéployant exactement au même endroit où il l’avait trouvé, et enfile son chapeau noire, prêt à mettre les voiles.
« Heureusement que ce coins est épargné, dernièrement, plusieurs Réparés se sont fait agressé dans la rue. » Affirme un vieillard tout au bord du bar, la fumée de son cigare se repent dans la salle, mais ça ne semble déranger personne. L’homme au chapeau qui est visiblement beaucoup plus jeune, s’accoude contre le rebord en bois.
« Pourquoi voudrais-t-on agresser des Réparés ?
— Pas n’importe quels Réparés, ceux qui se sont fait reconstruire par le Docteur Devon. Il semblerait qu’ils possèdent des pièces très rares, qui valent une fortune. De quoi rendre fou tous les bandits du monde.
— Et, comment les reconnaître ? On ne peut pas aller jusqu’à dire que les Réparés courent les rues, mais depuis plusieurs années… » Même s’il le dissimule, l’homme au chapeau est soudain très intéressé, il se frotte le menton à deux reprises.
Cette ville est très reculée de la capitale, les informations n’y circulent pas toujours et ce n’est franchement pas la plus prisée des voleurs ou des mercenaires. Alors, les informations ne sont jamais plus interessantes que la veille.
Le vieillard n’apprécie pas ce regard qu’on lui porte, même le barman ne cache pas sa curiosité. Une goute de sueur perle sur son front, il se dégonfle.
« Je ne sais pas.
— Dommage.
— En parlant de Réparé, murmure le barman en se penchant vers ses deux clients, ce gars là-bas, à la table ronde. » Le vieillard et l’homme au chapeau tentent de repérer l’individu en question, c’est l’un des deux hommes en capuches blanches.
« C’est le deuxième demi-litre d’essence qu’il m’achète ce soir, et il les a tous les deux siphonné.
— Quoi ? Vous voulez dire qu’il les a bu ?
— Tout ingurgité, comme une limonade. »
L’homme au chapeau se met à réfléchir à vive allure, il se pose peut-être une des questions les plus dangereuses de sa vie. De la sueur se forme sur son front, sa mâchoire bouge d’un côté à l’autre. Évidement, les dires de ce vieux monsieur lui trottent dans la tête, ce soir, il se trouve dans la même pièce qu’un Réparé. C’est la première fois qu’il croise le chemin d’une de ses étranges personnes, et ça pourrait bien lui rapporter de l’or. Même s’il n’y connaît rien, qu’il ne sait pas quelle pièce est possiblement rare, il pourrait tout emporter et aller le faire expertiser à n’importe quel commissaire-priseur. Après un rapide examen de la salle, personne ne pourrait l’en empêcher. Les joueurs de cartes ne semblent pas armée, les participants au repas trop détendues… il n’aura qu’à être rapide.
Pour flatter son égo, et se donner du courage, il se répète dans sa tête « Je suis le meilleur voleur du quartier. ».
Maintenant, il est debout, et il progresse avec les mains dans les poches, comme si de rien était. Il longe les quelques vitrines de bouteille d’alcool, et lève le nez sur les diverses photos en noir et blanc accrochées au mur, se rapprochement de la table ronde sur laquelle sont installées les deux hommes en blanc. Ils n’ont pas l’air d’avoir une carrure très imposante, ils ne sont font pas peur.
Lorsqu’il arrive devant la table, sa silhouette cache la lumière. Alors, il attire automatiquement l’attention des deux hommes. Pour se rassurer dans sa démarche, il s’allume une cigarette, et ne commence à parler qu’après avoir tiré une première bouffée.
« l’alcool qu’on sert ici est de piètre qualité, c’est vrai, pour les ivrognes de la rue, c’est bien suffisant. Mais de la à relever le goût avec de l’essence de bas quartiers, ce n’est pas banal. » L’homme au chapeau se penche, et souffle toute sa fumée sur les deux visages camouflées. Leur silence agace tout de même le voleur. Il décide de prendre un couteau sur la table d’à côté, d’un geste vif. Les quelques amis qui dînaient paisiblement en ont le souffle coupé, et à présent, toute la salle ne peut se retenir d’observer le spectacle.
Le voleur déplie la lame en dessous du menton du buveur d’essence, et le redresse, avec la convocation de voir son visage.
« Dis-moi, est-ce de la stupidité, ou de la précaution ? Sans vouloir influencé la réponse, je serais fasciné de rencontrer un Réparé dans notre ville. Alors, combien on peut en rapporter ? Combien tu vaux ?
— Tout l’or que tu ne pourra jamais voir de tes yeux, éloigne-toi de lui. » Ordonne le deuxième avec une voix très sèche. Cette intervention ne plait pas au voleur, ses narines viennent de se froisser.
« Qui tu es toi, sa nounou ? Ou bien, un deuxième Réparé et alors là, ce serait le jack pot !
— Si je te dis mon nom, tu ne l’oublieras pas de sitôt. » Il vient de se lever en craquant ses doigts contre la paume de sa main, le barman commence à se sentir mal, sa douce soirée va s’envoler en un rien de temps.
« Ta vois ressemble à celle d’un gamin, tu n’as aucun pouvoir. Laisse tomber ce jouet, tu n’as qu’à aller en chasser un autre.
— Ce n’est pas un jouet ! » Hurle t-il en lançant un puissant coup de poing au visage du voleur. Le choc est immédiat, il est envoyé dans une des tables libre, la fracassant au passage. Les clients poussent des soupires de choc et s’éloignent en panique de la bagarre naissante.
La capuche de cet homme vient de tomber, son regard est en colère, et cette colère, elle ne correspond pas du tout à son jeune visage d’une vingtaine d’année.
« Monsieur Devon, voyons, ce n’est pas raisonnable. » Tente de calmer son acolyte avec une voix infiniment douce, alors qu’il est toujours tranquillement assis sur sa chaise. Lorsque le voleur se redresse encore sonné par le trauma, il se rend compte qu’il a perdu le couteau qu’il tenait dans les mains il y a encore à peine une minute.
Il ne l’a pas perdu sur le chemin, on lui a volé discrètement avant de se faire frapper.
C’est Désiré qui lui a barboté.
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