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Il sera bientôt une heure du matin. Roman est allongé d’une mauvaise posture dans un vieux fauteuil du salon qu’il jugeait pourtant sale quand il est arrivé. Il lit un journal qui date déjà de deux jours, dont deux de ses pages sont déchirées. Les nouvelles ne sont pas réjouissantes mais la presse d’Ephice ne les rend pas spécialement grave, on dirait que tout est normal ici. Dés épiceries braquées, des magasins de pièces détachées pillées, des médecins agressés… Roman tourne les pages sans prendre la peine de lire les textes, les grands titres sont largement suffisant à comprendre en poussant un souffle agacé.

Une démarche affirmée se rapproche et casse le silence. C’est Valory qui se frotte les mains après avoir retiré ses gants.

« C’est terminé, ton copain est réparé. Il t’attends dans la pièce du haut, ce sera votre chambre pour la nuit. »

Roman reste étrangement silencieux, il se lève lentement et se redirige vers le couloir sans jamais quitter des yeux la jeune femme. Elle ne parvient pas à interpréter ce regard persistant.

Les escaliers grincent si fort qu’il est impossible que de potentiels voisins n’entendent pas les montés et descentes de la journée, un enfer. Au seul étage de la minuscule maison se trouvent deux pièces. Une qui ressemble à une sale de bain, et une autre qui doit être la chambre où patiente Désiré. Roman ne s’embête pas ç frapper ou indiquer sa présence, il rentre d’un pas décidé. Le Réparé est en train d’enfiler son pull, assis sur le lit craquant. Lorsqu’il se rend compte de la présence de son acolyte, il lui sourit agréablement.

« Vous ne vous êtes pas trop ennuyé ? »

Roman est obligé de constater que Désiré ne produit plus aucun bruit suspect lorsqu’il bouge ses bras ou qu’il se lève. Oui, il est réparé. Malgré tout, le jeune homme se sent pas satisfait.

« Quelque chose ne va pas ?

— Qu’est ce qu’elle t’a fait ?

— Le docteur Valory a réparé la jointure d’une de mes cervicales. Elle en a profité pour graisser une grande partie de ma colonne, je me sens beaucoup mieux maintenant. »

Non, toujours rien. Désiré ne comprend pas de quoi on l’accuse.

« Prépare-toi, on part dans une demi-heure. La prochaine cible se trouve dans un casino du centre ville. » explique Roman en dépliant son papier jaune, et en le placardant contre le mur.

Ce papier semble avoir été maltraité de la même façon des dizaines de reprises tant il porte de marques. Ensuite, Roman s’extirpe de la chambre pour rejoindre la salle de bain, laissant son partenaire seul, muré dans le silence. Désiré vient tout de même ramasser le papier pour le poser délicatement sur une table de chevet qui menace de s’effondrer avec ses tristes trois pieds.

***

L’heure arrive très rapidement, et aucun plan n’a été établie. Mais il est fort probable que les choses se passent de la même façon. Roman se fera remarqué, il essaiera de foncer dans le tas sauvagement et sans précaution. Tandis que Désiré aura trouvé le temps de faire des recherches sur la cible, et c’est lui qui sauvera son acolyte de stupides bêtises. C’est lui qui tuera la cible, et c’est grâce à lui qu’ils s’en sortiront indemne.

Roman n’apprend pas de ses erreurs.

Valory ne s’est pas manifesté depuis, et on sent une odeur de cigarette qui remonte par les escaliers. Elle ne viendra sûrement plus les déranger, pensant que leur long voyage a du les épuiser.

Étant donné le bruit affreux des escaliers, il va encore falloir passer par la fenêtre. Il faudra aussi rentrer silencieusement pour ne pas réveiller la doctoresse, qu’elle ne se doute de rien.

Le passage dans la ville est bien plus rapide et silencieux que tout à l’heure. Finalement, il y a une heure ou Ephice meurt, la pluie contrôle le reste. Le centre est un peu plus difficile d’accès que le reste, ici vie la part plus riche de la population. Une infime portion d’homme pourrie et corrompue par l’argent s’adonnent à des jeux et des plaisirs malsains dans toutes sortes d’endroit discrets pour la plupart. Mais il existe aussi cet énorme casino réputé qui reste ouvert toute la nuit. Des centaines et des centaines de personnes se sont ruinées ici, la chance est contrôlée à la tête du client.

« LUCKY PALACE » est écrit en gros et illuminé par des led de couleurs. On les voit à des kilomètres, il est inratable.

Évidemment, ces deux homes de nul part ne pourront pas s’infiltré habillé aussi banalement. Désiré a comme à son habitude observé l’environnement bien avant de débuter la mission. C’est donc sans discrétion qu’il détruit la vitrine d’un établissement de vêtement de luxe. Ce ne sera qu’un braquage de plus parmi tant d’autres. Désiré a le temps de se servir pendant que l’alarme retentit, ils seront parti bien avant l’intervention de la police. Et lorsque qu’on aura fait l’état des lieux des vêtement volé demain matin, la mission sera terminé depuis longtemps, personne n’aura fait attention aux deux hommes infiltrés. C’est ce qui doit se passer, Désiré est toujours assez sur de lui, même s’il considère les risques.

Ils se changent avant l’entrée du casino qui est tristement restreint par deux gardes armés. Une impression remarquable est obligatoire pour entrer, Désiré se doute que la plupart des joueurs sont des habitués, et que le reste des nouveaux entrants sont plumé dès la première et dernière entrée. La triche est de mise, le jeu sera malhonnête.

Roman observe son acolyte terminer de boutonner son splendide corset brodé, et resserrer le noeud à son col. Son pantalon le moule à merveille, ses hanches sont mises en valeur comme elles ne l’ont jamais été, et toutes les filles pourraient tomber à ses pieds. Étrange de la part de Désiré, lui qui est habituellement sobre et discret. Un vrai gentleman. Il lui est aussi nécessaire de recoiffer ses cheveux correctement, soigneusement.

Roman quant à lui, serre son manteau noire. Il porte une chemise pale et brillante, ainsi qu’une cravate bleu marine. Ses chaussures lui font terriblement mal mais ce n’est que pour une nuit.

« Nous sommes prêt à nous fondre parmi les riches hommes et femmes de cette soirée. » explique le Réparé en écartant les bras pour que Roman puisse admirer son merveilleux accoutrement.

« Tu ressembles à une pute. »

Désiré se contente de sourire en observant son reflet dans une vitre de boutique.

« J’espère que nous n’aurons pas à en arriver là. » explique Valory en s’aidant de la même vitre pour appliquer son rouge à lèvre éclatant.

« Toi !

— Salut Bonhomme. Je suis venue parce que sans moi, vous ne rentrerez jamais dans un endroit comme celui-ci. Ton copain peut-être, parce que lui il sait jouer, et tricher j’imagine. Mais toi, jamais de la vie. Tu ressembles trop à un gosse. »

La remarque vise à énerver Roman, c’est très réussit.

« Tu nous a suivis !

— Avec le boucan que vous faites, pas difficile. »

Valory porte une robe noire épaisse et évasée, parfaitement tape à l’œil, couverte par une veste en jean brodée de quelque brillants formant une toile d’araignée. Ses jambes ne sont pas recouvertes par un collant cette fois, mais les semelles de ses chaussures sont incroyablement épaisses. Ce soir, elle est plus grande que Roman. Valory prend entre ses doigts le fin visage de Désiré et rapproche un crayon noir de ses yeux.

« Attends, je t’arrange un peu. Avec une tenue aussi sexy il te faut un maquillage du tonnerre. Un regard profond comme le tien a besoin d’être souligné, du noir, tout autant de noir. »

Roman est particulièrement agacé, il tape du pied à plusieurs reprises.

« Ça ira, merci ! Nous n’avons pas besoin de toi !

— Rappelle-moi combien il te reste ? Les putes, elles au moins elles font rentrer de l’argent. Allez, on y va. »

Roman est contraint de suivre, tel un enfant frustré de devoir suivre ses parents à une soirée. Valory et Désiré se tiennent bras dessus, bras dessous, jusqu’à l’entrée très lumineuse. D’ici, on entend de la musique, un jazz énergique et enivrant. Il est aussi possible de sentir l’odeur de l’alcool qui s’émane déjà des invités entrant. Il est préférable de se présenter déjà alcoolisé à cette heure là. Valory s’arrête devant les deux gardes, leur offrant un sourire charmeur et sensuel.

« Bonsoir messieurs, j’ai décidé d’’emmener avec moi mes deux nouveaux amis, j’espère qu’ils s’amuseront autant que moi lors de cette soirée spéciale.

— Bien sûr. Bonne soirée Miss Valory. »

L’homme s’écarte, et le petit groupe s’introduit sous le regard attentif des deux gardes. Roman ne se sent pas très à l’aise.

Ici, tout est extravagant, et il ne s’agit que de la salle de réception où des serveurs splendides proposent déjà les premiers verres. La doctoresse se penche à l’oreille de Désiré subtilement, et sans découdre son sourire provocateur.

« Accepte mais ne bois pas. »

Désiré hoche la tête.

A présent servie, le petit groupe est débarrassé de leurs par dessus, et sont redirigés vers un luxueux escalier. Il y a trois étages de jeux pour se satisfaire, et des bars à chacun d’eux, où des dizaines d’hommes y trônent constamment. Malgré l’heure, la salle est animé, et Roman se rend compte que tous les clients sont aussi splendides les uns que les autres. Il se sent presque vide à côté, finalement c’est lui qui devient tape à l’œil à s’être habillé aussi sobrement. Espérons que le luxe de ses vêtements suffira.

Du premier étage s’écharpent des éclats de rire de tous les côté, à toutes les tables. La fumée de cigarette imprègne l’air, Roman se retient de tousser.

« Alors, qu’est ce qu’on fait ici ? » demande Valory qui elle semble se sentir parfaitement à l’aise.

Désiré jette un coup d’œil à son partenaire qui marche derrière eux, Roman n’a jamais accepté de diffuser des informations quant à leur mission. Mais ce soir, Valory leur sera d’une grande aide. Alors il lui murmure.

« Nous allons devoir isoler quelqu’un, et distraire tous ces messieurs.

— Ambitieux. Le LUCKY PALACE est réputé pour son ambiance mafieuse, tout le monde est armé ici, et la violence est fréquente. Cela dit, la presse ne parvient jamais à s’infiltrer, absolument rien n’en sort.

— Je ne me sens pas intimidé. »

Désiré observe l’environnement, beaucoup des hommes se ressemblent, sont habillés de la même façon avec leur superbe costume, et fument les mêmes cigares. Il repasse les informations dont il dispose, la cible est un homme de taille moyenne, cheveux noirs et cours, il a une cicatrice dans le cou mais il est possible qu’il l’a cache. Tous ces éléments pourraient correspondre à absolument n’importe qui, mais la différence est dans son animal de compagnie qui l’accompagne absolument partout où il va. Un chat siamois aux yeux bleus. Les animaux sont interdit ici, mais suivant le montant payé, la cible peut se permettre de violer les règles.

Edgar Will. Le onzième nom sur la liste. C’est l’avant dernier.

S’il le voit, Roman ne se souviendra pas de son visage. Comme toutes les autres cibles, il ne s’en souvenait pas. Ni de leur voix, ni de leur allure, ni de leur accoutrement. Pas un seul élément ne lui permettrait de distinguer ses hommes. C’est d’ailleurs ce qui aurait pu les sauver. Mais Roman a la chance d’avoir Désiré avec lui.

Désiré a retrouvé l’identité de chacun des meurtriers de la famille Devon. Il n’en a pas oublié un seul.

Les dix premiers sont morts.

Ce soir c’est au tour de Edgar Will.

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