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Pour ne pas paraître suspect, il faut jouer. Il faut boire, il faut socialiser. Et ce pendant un certain temps, mais ce temps justement, il passe, il file et il ne faut pas le laisser s’échapper.
Roman ne comprend pas pourquoi la mission traine autant, pourtant, Désiré a déjà repéré la cible accompagné de son chat. Monsieur Will joue a une table de roulette, il est très largement entouré et plutôt difficile d’accès. Cela fait déjà deux heures que les joueurs n’ont pas changé, la roulette ne tourne en réalité pas beaucoup, mais l’argent glisse sur la table au fil de discussion.
Pendant ce temps, Valory s’en met plein les poches à différentes tables de jeux de cartes. Elle s’amuse beaucoup on dirait, la plupart des yeux sont rivés sur elle. Grace au chemin qu’ils ont effectué à force de changer de jeux et de table, Désiré remarque que des hommes surveillent Monsieur Will, Des gardes du corps qui sont tous habillé pareil, et qui ne font pas partie des employés du casino. C’est la première fois que la cible est sous surveillance, Désiré se sent déstabilisé, il fronce les sourcils.
« Il se passe quelque chose…
— Tout se temps à attendre pour ce résultat ? Il est quatre heure du matin, je pensais qu’on passait rapidement, on fait ce qu’on a à faire et on rentre dormir tranquillement. » se plein Roman.
« C’est différent, ils s’y attendaient, ils ont sans doute fait le lien…
— Alors on s’en va et on revient demain.
— Non mauvaise idée. La plupart des clients sont des habitués. S’il ne se passe rien ce soir, ils vont trier parmi les nouveaux clients, ils vont établir les suspects. Puisqu’ils savaient qui était le prochain, c’est qu’ils savent très bien pour quelle raison ils sont poursuivit, et inévitablement, ils savent qui les chasse. »
Désiré se sent légèrement transpirer lorsqu’il se souvient très bien avoir revendiqué qu’il était un Devon à la réception de l’hôtel. Cette information a dû déclencher une opération de protection pour Edgar Will. L’un des hommes était présent.
Le réparé se tourne d’un coup, dos à la majorité des gardes du corps. Il dissimule également ses mains sous la table. Valory remarque immédiatement qu’il y a un problème.
« Que veux-tu que je fasse ? » se propose Valory discrètement.
Désiré réfléchie à toute allure, il aimerait que Roman sorte d’ici en priorité mais il pense aussi que ni lui ni Valory ne pourront partir sans problème. Le Réparé est forcément repéré, il ne trouvera pas la moindre solution sans confrontation.
« Valory, si jamais je me prenais une balle dans la tête, il y a t-il un angle selon lequel mon cerveau serait endommagé au minimum ? »
La doctoresse ressent une sueur froide dans son dos et pose immédiatement le verre d’alcool qu’elle avait dans la main. Visiblement, elle sait très bien a qui s’adresser et quoi boire pour ne pas se saouler trop vite.
« Attention Désiré, c’est un jeu dangereux. Réparer une lésion a la boite crânienne demande beaucoup plus de travail et de chance que n’importe quelle autre partie du corps.
— Oui j’en ai conscience, mais j’ai une solution pour que Will se tue lui même. Fait sortir Roman discrètement, pour le reste je me débrouille. »
A peine trois minutes plus tard, Désiré se rapproche de la table d’Edgar Will, son chat plie les oreilles en arrière. Les gardes du corps font tous quelques pas en avant au cas où le Réparé tente une attaque. C’est évidemment un bon moment pour que Valory s’éloigne discrètement avec Roman.
« Viens, je connais une autre sortie.
Le jeune homme reste silencieux, et ne semble pas s’inquiéter le moins du monde, ce que la doctoresse ne comprend pas. Elle attrape un autre verre sur le plateau d’un serveur et avance d’une démarche tranquille. Sur le chemin, elle se réjouit de rencontrer quelques connaissances, de discuter de sujet franchement assommant et de s’intéresser à des choses futiles. L’escapade est longue mais sécurisée.
Les clients de cet étage ont tous compris qu’il se passait quelque chose lorsque la dizaine de garde du corps se retrouvent à encercler la table d’Edgar Will et de ses hommes d’affaires. Désiré est coincé dans cette ronde avec eux, il est dévisagé de haut en bas. Monsieur Will pose une main sur sa cuisse potelée.
« Alors c’est toi ? Je m’attendais à un gaillard costaud, un mec habillé en noir et armé jusqu’au dents. »
La comparaison fait rire l’assemblé, Désiré se contente d’affirmer qu’il est armé. Ce qui fait immédiatement beaucoup moins rire.
Avant que les trois gardes du corps se jettent sur le Réparé, Edgar Will les retient d’un geste de la main. Son regard noir est fixé sur les doigts de Désiré, une latte de plus sur son cigare, et il engage une nouvelle discussion.
« Tu veux quoi au juste ? Peut-être que les autres se sont laissés marcher dessus mais pas moi. Comme tu peux le constater, je suis très bien protégé, si tu lèves un seul de tes doigts rouillés, ils te feront la peau en un éclaire. Je sais de quoi je parle gamin, des tas de mec se sont fait déglingués juste parce que je les trouvais mal habillé. Alors, est-ce que tu décides de rentrer chez toi bien gentiment ? Tu quittes la ville en vitesse et tout ceci sera oublié d’ici demain matin. »
Peut-être que c’est un signe ou une démonstration de force, mais chacun des gardes du corps se mettent à craquer leurs poignées, leur nuque, leurs doigts. Les clients qui se trouvaient à proximité s’éloignent immédiatement, les serveurs se mettent en sécurité aussitôt derrière le bar le plus proche.
Personne ne peux claquer des doigts aussi bien que Désiré.
Le Réparé adopte l’un de ses agréables sourires et dispose ses bras dans le dos.
« Je souhaiterais jouer avec vous.
— Jouer ? J’ai des doutes mon gars, je sais que…
— Un jeu qui déterminera l’issue de nos vies. »
Edgar Will écrase son cigare dans le cendrier qui se trouve juste à côté de son verre déjà vidé à quatre reprises. Il fait cesser d’autres murmures agaçant autour de la table et s’affale contre le dossier de sa chaise.
« Qui qui te dit que j’ai envi de jouer avec toi ? Tu n’es absolument personne, que tu sois vivant où mort, je m’en tape pas mal.
— Une roulette russe. »
Ah… ça ne fait plus rire personne. Désiré semble soudain avoir pris de l’importance. Il n’est plus vraiment un petit malin qui croit pouvoir défier qu’il en a envie par simple crise d’adolescence. C’est un homme, avec un flingue caché quelque part sur lui. Étant donné que personne ne sait quoi répondre, le Réparé appuie sa demande par la flatterie.
« Il paraît que vous tirez très bien, que des dizaines et des dizaines d’hommes sont mort, du moins pour ceux qui ont l’honneur de prendre une balle de vos mains et pas de celles de vos protecteurs. Ce n’est peut-être qu’une légende, savez-vous réellement vous défendre sans eux ?
— Tu commences à sérieusement m’…
— Ce serait dommage pour le chat. »
Une intense palpitation remue dans l’abdomen d’Edgar, lorsqu’il se penche pour scruter le dessous de la table, il ne voit plus son chat. En se levant brutalement par colère, il renverse la chaise, et jette son verre au sol. L’objet éclate en mille morceau sur le sol. Ensuite, Edgar pointe le doigts sur Désiré d’un air menaçant, sa colère le rend plus que une ridicule.
« Qu’as tu fait de mon chat ? Il va t’arriver tout un tas de choses franchement pas souhaitable si tu ne me réponds pas, où est-il ?
— Si vous jouez avec moi, et que vous gagnez, je mourrais. Vous reverrez votre chat dans l’heure qui suit. Si vous perdez, vous mourrez, mais le chat s’e sortira indemne. »
L’homme d’affaire tourne sur lui même, stressé, il agite ses mains et ses bras n’importe comment, il a tout aussi l’air ridicule que tout à l’heure. Les gardes du corps ne savent pas non plus quoi faire, ils attendent des ordres en observant les moindres mouvements de la salle.
« Alors ?
— Très bien, on joue, on joue… Mais je te préviens, je suis un chanceux, je passe ici presque toutes les semaines, et je m’en mets plein les poches à chaque fois. Une roulette russe est un jeu de chance, ou d’argent. Je fais partit des maîtres de cet établissement, si je le demande, j’obtiens la triche, et sans aucun état d’âme.
— J’accepte les conditions du jeu. »
Le sourire de Désiré démontre un comportement serein, c’est agaçant, que c’est agaçant.
« Pose ton arme sur la table. Immédiatement ! »
Le Réparé s’exécute, il dépose délicatement le M96 sur la table, Edgar s’en empare et vide immédiatement le chargeur. Toutes les balles finissent par terre. Désiré ne les reverra peut-être jamais.
« Nous allons nous servir de celui ci, comme ça, je ressentirai un tel plaisir quand tu t’éclatera la tête avec ton propre gun.
— Très bien. »
Comme si c’était évident, Edgar commende aux serveurs qu’on lui apporte une balle neuve. Le propriétaire du LUCKY PALACE se présente en personne pour essayer de calmer les choses, mais l’homme d’affaire ne lui laisse pas placer une seule phrase, il exige sa balle au plus vite, et emmène avec lui le petit groupe vers une table pus grande, qu’importe si des clients l’occupaient.
Désiré aurait apprécié s’asseoir, se mettre au moins à l’aise, il ne demande même pas au vu de tout le reste de l’équipe serrée de gardes qui l’entourent. La balle arrive finalement, elle est posée au centre de la table délicatement. La lumière qui se trouve juste au dessus reflète sur son métal comme dans les doigts de Désiré.
« Vous, insérez la balle. » demande Edgar au serveur qui a apporté la balle. L’homme visiblement nouveau dans le métier est paniqué, ses bras tremblent et il prend un temps infini à charger le M96. Ni Désiré ni Edgar ne regardent l’action, au risque de prévoir quand partira la balle.
« V… Voilà… »
Edgar s’empare du pistolet et le temps au Réparé.
« C’est toi qui commence. »
Après tout.
Désiré n’a absolument pas calculé ses chances de réussites, il n’y pense pas. Il ne pense pas qu’il a une chance sur deux de mourir, qu’il a une chance sur deux de ne plus jamais revoir Roman, de terminer sa mission, de tenir ses promesses…
Il pose le canon notre sa tête, la chance le sauvera.
La chance.
« Qui me dit qu’on ne pourra pas réparer ton cerveau une fois que tu l’auras complètement déglingué ?
— Personne ne le pourra. Parce que je suis humain. Mon cerveau est le même que le votre, que celui de n’importe qui. Il ne contient pas de câblage, de fibre, de boulons ou d’un quelconque mécanisme sans sans vie.
— Ça, c’est ce que tu dis. »
Désiré tire. Rien ne sort.
Alors, il tend l’arme à son adversaire qui le subtilise vivement. Il a envie d’en finir au plus vite, mais pour cette fois, il lui est impossible de tricher. Peut-être qu’en réalité le serveur faisait partit de ses hommes qu’il a un protocole à suivre dans ce cas improbable, qu’ils placent toujours la première balle au même endroit. Qui sait.
Edgar tire aussitôt, à cinq centimètres de son crâne. Il n’est peut-être pas aussi à l’aise qu’il le prétend.
« La prochaine va te tuer. J’en suis sur. Alors déballe maintenant. Qu’est ce qui motive cette tuerie de masse ? »
Désiré pose le canon contre sa tête, il appuie même un peu dessus pour bien ressentir le froid du métal. Il incline seulement subtilement le viseur vers l’arrière.
« La seule motivation valable pour un ou plusieurs meurtres. C’est la vengeance.
— Tout ça pour un Réparateur réputé. On dirait que tu essaies de te venger de ton papa.
— Je ne l’ai connu que très peu de temps. Ce n’est pas ma motivation première. »
Edgar semble avoir du mal à comprendre.
« Il t’a réparé ? Je sais que tu es un Devon.
— C’est vrai. Mais s’il ne m’avait pas réparé, je serais mort. A quoi bon regretter. »
Désiré s’apprête à tirer. Son doigt tapote contre le déclencheur, il tinte presque. Le Réparé ferme les yeux avant de tirer. Deux balles sont déjà partis, ce pourrait être la prochaine. Ce pourrait.
Toujours rien.
Les gens ont retenu leurs souffles si longuement que certains se sentent mal. Les clients ont les yeux rivés sur le spectacle effroyable qui se passe au milieu de la salle, pour autant, personne ne quitte les lieux.
Monsieur Will transpire à pleines gouttes quand il doit jouer de nouveau.
« Ça n’a pas de sens, qu’est-ce que tu veux au juste ?
— Tenir une promesse.
— Attends…
— Tire. »
Le Réparé prend enfin la décision de s’asseoir, faisant grincer les pieds de la chaise contre le sol. Monsieur Will n’est plus sûr de vouloir continuer, quelle honte s’il ne tenait pas son engagement. Il cherche autour de lui, n’importe qui ou n’importe quoi qui pourrait l’aider, mais le regard de Désiré est tellement insistant.
Sa main tremble, alors il est obligé de coller le canon contre sa tête pour ne pas paraître déstabilisé. Évidement que tout le monde le voit, évidemment que tout le monde à peur qu’il se passe quelque chose de terrible, évidemment que tout le monde sait que quelqu’un va mourir dans les prochaines minutes.
Personne ne part.
Edgar Will prend une inspiration.
On entend des cris et des hurlement d’horreur depuis l’extérieur et une panique général s’installe instantanément.
Désiré reste assis et immobile face au drame qui se produit en face de lui. La balle a traversé la tête de Monsieur Will en une fraction de seconde, et son corps s’est effondré au sol. Le Réparé à observé du début à la fin le processus de mort de cet immonde homme d’affaire. Il a vu le sang éclabousser la première personne la plus proche, ainsi que son propre visage, il a vu les yeux de Monsieur Will perdre la vie et ses doigts se crisper au moment de tirer, il a vu son propre reflet dans son pistolet.
Désiré se frotte légèrement la joue pendant que tout le monde panique autour de lui, finalement, au bout d’une minute, il se lève, et récupère son arme. Les gardes du corps n’en ont même pas après lui, ils cherchent à contacter un probable hiérarchique supérieur et à prévenir leurs collègues. Le Réparé descend les escaliers tranquillement, certains clients passent près de lui en panique, des gens qui provenaient d’autres étages et qui n’ont rien vu, qui sont entrainé par l’effet de foule sans savoir ce qu’il se passe exactement. Désiré passe presque pour quelqu’un de sans intérêt. Avant de quitter les lieux, il se retourne.
Avec un merveilleux sourire, il affirme qu’il a passé une excellente soirée.
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