Chapitre 13. WILLIAM

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C’est samedi après-midi et ce soir c’est le réveillon de Noël. Parti toute la semaine au ski de l’autre côté de la frontière allemande avec quelques amis, je n’ai pas revu Cylia depuis le départ pour son week-end en amoureux, quelque part dans les Vosges. Je sais en revanche qu’elle a rencontré le loup au fond du bois, et si elle s’est bien gardée de me donner des détails par textos, elle ne perd rien pour attendre !

A peine a-t-elle entendu le bruit de ma clé tournant dans la serrure de notre appartement, qu’elle se précipite pour m’ouvrir la porte. Je n’ai pas le temps de poser mes skis et mes bagages que déjà elle se jette à mon cou. Je laisse presque tomber mes affaires pour l’attraper au vol.

— Oui oui oui, dis-je en lui frottant le dos avec affection, moi aussi je suis heureux de te revoir.

— Mais cesse de me caresser comme si j’étais un chien ! fait-elle en riant.

— C’est toi qui me fais la fête ! rétorqué-je, moqueur.

— C’est parce que je suis contente que tu sois rentré.

— Parce que je t’ai manqué ? Ou parce que tu as plein de choses à me raconter ?

— Des choses à raconter ? Hum, non je ne vois pas, minaude-t-elle en retournant se lover dans le canapé.

Je suspends mon manteau et délace mes chaussures avant de la rejoindre et de m’affaler à mon tour dans les coussins.

— A d’autres ! Et je te préviens que je veux des détails, cette fois !

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Anthony Laplagne a fait une forte impression à Cylia depuis leur petite échappée dans les Vosges. Elle que je trouvais plutôt évasive par messages est désormais intarissable sur le sujet.

Même dans la voiture quatre heures plus tard, alors que nous roulons en direction de la maison de mes parents pour le réveillon, mon amie ne se départ de son sourire niais en évoquant sa nouvelle fréquentation. Elle l’a revu trois fois cette semaine pendant son absence, avec semble-t-il, une grande intensité.

J’en suis heureux pour elle. Et un petit peu jaloux aussi, je dois le reconnaitre. Le charismatique Anthony a visiblement un côté très dominateur qui ne m’aurait pas déplu. Pour Cylia en revanche, c’est une nouveauté. Nul doute que ça doit la changer des parties de cul fadasses qu’elle a pu avoir jusque-là.

— J’ai même un bleu, m’avoue-t-elle en me montrant son avant-bras où s’étale une tâche d’un bleu-violet pâle nimbé de jaune.

Je jette un coup d’œil à son bras avant de reporter mon attention sur la route. Nous n’aurons pas de neige à Noël cette année. Je trouve ça un peu triste, mais bien plus sécurisant pour les trajets en voiture.

— Ce n’est pas un peu trop… hard, quand même ?

— Ça va, me dit-elle en haussant les épaules. Il parait que j’encaisse bien.

Je ricane. Le dernier mec qui m’a dit ça était un vrai marteau-piqueur, aussi bourrin au lit qu’en dehors.

— Disons que c’est plutôt… passionnel, résume-t-elle pour couper court à mon inquiétude.

— Passionnel, ça me va. Du moment qu’il ne te fait pas de mal. Sinon je m’occuperai de son cas.

Je l’ai déjà prévenu en plus. Cylia tend la main pour caresser la mienne, posée sur le levier de vitesse.

— J’aime beaucoup quand tu te la joues grand frère protecteur avec moi, me dit-elle avec affection.

J’attrape ses doigts et les serre délicatement.

— Tu es la sœur que je n’ai pas eue. Et je t’aime, ajouté-je.

Je ne suis pas féru de grandes déclarations, mais je n’ai pas de problème à avouer à Cylia ce que je ressens pour elle. Elle le sait depuis longtemps. Et je sais que la réciproque est vraie. J’avais juste besoin de lui rappeler qu’elle pourra toujours compter sur moi, même si elle finit par s’engager avec un autre homme. Esprit de Noël, quand tu nous tiens…

* * * * *

Les moments en famille sont décidément les meilleurs. Le repas préparé par Maman fut un délice, et le vin choisi par Papa était excellent. Je déguste la fin de mon verre en contemplant silencieusement tous ces êtres qui me sont chers autour cette table.

Maman et Roman, mon petit frère, parlent de l’ameublement de la petite maison qu’ils viennent d’acheter avec Clara, ma belle-sœur. Cette dernière discute avec animation avec Cylia, et répète parfois plus fort pour qu’en bout de table Violette, ma grand-mère, puisse comprendre la conversation. A l’opposé de la table, Papa fait comme moi, il observe tout son petit monde avec bienveillance. Avec le vin, ses joues ont rougi, et cela lui donne un air jovial. Si sa barbe et ses cheveux étaient blancs plutôt que gris, il aurait sans doute l’air d’un père Noël. Il m’adresse un clin d’œil complice. Il apprécie ces moments autant que moi.

Nous faisons toujours le réveillon en petit comité. Et c’est la quatrième année que Cylia se joint à nous. La première fois, Roman a pensé que j’avais subitement changé de bord. Mais mon orientation est connue depuis l’adolescence, et acceptée par tous, ce qui est une chance par rapport à certains de mes amis.

Avant de rejoindre Strasbourg, Cylia ne connaissait pas la magie de Noël en famille. Petite, elle ne garde que des souvenirs de longs repas et de disputes. Plus grande, elle a cessé de proposer à ses parents de le fêter. Elle se rendait parfois dans les nouvelles familles de son père et de sa mère, divorcés et remariés, mais elle ne s’y sentait jamais à sa place.

Ainsi, quelques mois après le démarrage de notre colocation, je lui ai proposé de m’accompagner chez mes parents. La laisser seule dans notre appartement pour Noël me faisait mal au cœur. Depuis, tout le monde l’adore. J’espère qu’ils réserveront un aussi bon accueil à l’homme que je leur présenterai un jour.

Maman se lève pour débarrasser les assiettes à dessert. Aussitôt, Roman, Clara, Cylia et moi l’obligeons à se rasseoir. Nous remportons la vaisselle à la cuisine, pendant que Papa sort des verres pour le digestif. Le téléphone de Cylia vibre tandis que je range le reste de la bûche dans le réfrigérateur. Le sourire qui illumine son visage en dit long sur l’expéditeur du message.

— Qu’est-ce qu’il dit ton Roméo ? questionné-je, espiègle, une fois que mon frère et Clara ont quitté la pièce.

— Que la seule chose qu’il veut pour Noël, c’est moi.

— Tu sais que c’est un plagiat de Maria Carey ? lui signalé-je.

Elle rit. Je sais qu’elle le sait, mais ça a l’air de lui plaire cette espèce de romantisme naïf.

— Mais on s’en fout, Will ! s’écrie-t-elle en me lançant des confettis qui décoraient la table.

C’est vrai qu’on s’en fout. Noël, c’est l’occasion de dire aux gens qu’on aime qu’on les aime.

— Est-ce que tu es amoureuse ?

J’ai posé la question de façon un peu abrupte, comme ça vient de me traverser l’esprit. Je suis curieux. Cylia hésite.

— Je crois que c’est encore beaucoup trop tôt pour le dire, me répond-elle prudemment.

Je hoche la tête en signe d’approbation.

— Quoi ? me demande-t-elle.

— Rien. Ça me rassure, c’est tout. J’avais un peu peur que ça aille trop vite.

— Mais c’est pourtant toi qui m’as fait remarquer que j’étais vraiment longue à la détente avec lui ! me rappelle Cylia.

C’est un fait. Et j’ai même donné un petit coup de pouce à leur relation en parlant avec son gars. Maintenant que la machine est en route, j’ai tout de même envie de veiller à ce qu’elle ne s’emballe pas trop vite.

— Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, mon enfant.

Cylia lève les yeux au ciel devant mon air faussement paternaliste.

— Oui, Papa ! se moque-t-elle.

— Et il faisait quoi pour ce soir ton Roméo ?

— Il est avec son père et des cousins, me répond-elle.

— Tu vas le voir la semaine prochaine ?

Je reprends le boulot, l’appartement sera libre les soirs, comme toute la semaine qui vient de s’écouler.

— Il est en congés et moi aussi. Mais rien de planifié.

— Et tu as prévu un cadeau pour lui ?

Elle s’immobilise.

— Je n’y ai pas pensé, souffle-t-elle avec effroi. Qu’est-ce qu’on offre à un homme avec lequel on ne sort que depuis un mois ?

— Une Rolex.

— Non mais sérieusement ?

Je réfléchis tout en remplissant le lave-vaisselle.

— Je ne sais pas, ma belle. Il a dit qu’il ne voulait que toi, non ? Et bien tu mets un gros nœud rouge autour de ton corps nu et tu débarques chez lui comme ça.

Cylia fait la moue.

— Je ne sais pas où il habite. Et le côté « saucisson enrubanné », non merci !

J’éclate de rire.

— Tu viens de casser l’image sexy qu’on pouvait se faire de la chose ! Faut que tu arrêtes avec ton corps, il est très bien ton corps ! Et visiblement il fait bander à mort le sexy et charismatique Anthony Laplagne.

Ses joues rosissent, et l’espace d’un instant je sais que son esprit se perd dans le souvenir des nuits torrides qu’elle vient de passer avec lui.

— Bref, ne te casse pas la tête pour un cadeau, il a déjà énormément de chance de sortir avec toi.

Cylia m’embrasse sur la joue avant que nous retournions dans la salle à manger.

— Et puisqu’on parle de cadeaux, il est minuit passé ! signalé-je soudain à ma mère en montrant l’horloge sur la cheminée.

Et tout en saisissant mon verre d’eau-de-vie de poire, je me rue sur les paquets colorés qui n’attendent que ça au pied du sapin illuminé.

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