Chapitre VIII. un doux rêve
Depuis que nous avons quitté la vallée, je ne sais pas pourquoi mais il y a un truc qui m’a tout de suite plu chez ce gars tombé du ciel. Est-ce qu'on peut parler d'évidence quand le premier contact charnel vous électrise du bout des seins au creux de vos reins ? Ce qui est sûr, Amarok me l’a confirmé quand il est venu renifler cet étranger, il n'est pas rentré dans mon champ de vision par hasard. Les anciens diraient : “belle ourse à la prochaine pleine lune fera chanter le loup sortit du bois”.
Une fois dans la voiture, rien ne s’arrange. Rapidement, je ressens des picotements, accompagnés d’une délicate chaleur. Puis s'ensuivent des frissons qui courent le long de mes bras. Alors comme attiré par un aimant, mes mains effleurent ses cuisses musclées, doux prétexte. Je passe les vitesses pour paresser un bref instant sur son jean si bien ajusté à son corps. À chacun de mes gestes, mes sensations se font plus fortes, mes émotions s’emportent.
Puis, j’ai craqué et voilà où j’en suis, collée contre son torse en pleine nature. Je le plaque contre l'écorce, il ne dit rien, pas même un soupir. Il ne résiste pas comme si de son côté il attendait que je prenne les choses en main. Je peux sentir au travers de sa chemise chaque battement de son cœur faire écho à mes pulsations. Je me sens libre et vivante. Bon et je ne vais pas me mentir, je suis complètement accro à ses yeux qui me dévorent depuis qu’il a foulé le sol de mes ancêtres. La chaleur diffusée par son corps me transporte sur des terres qui me semblaient à jamais enfouies sous mes torrents de larmes. Tout mon être entre en fusion quand ses mains saisissent mon postérieur. Sous mon chemisier, mes seins tendus déforment le tissu soyeux. Qu’attend-il pour glisser ses doigts pour venir flatter mes aréoles, pour titiller mes tétons, les pincer entre son index et son pouce. Cela fait bien trop longtemps qu’un homme n’a plus touché mon corps. Autant par ma faute que la leur, j’ai fermé les accès à mon intimité.
Cet après-midi, tout est différent, je me sens en sécurité dans ses bras inconnus qui m'accueillent avec délicatesse. La pluie a cédé la place à un soleil réconfortant. Les rayons jouent dans ses boucles, des effets mordorés des plus charmants. Sa maladresse me charme, ses mains tremblent comme celle d'un jeune découvrant son premier émoi à moins qu’il cache ainsi son impatience. Son parfum envahit mon espace, il se marie avec bonheur aux senteurs de mousse que vous foulons de nos pieds.
Tout s’accélère, mes envies folles prennent le contrôlent de mes gestes. Mes lèvres s’amourachent aux siennes, un savoureux goût de miel sublime ce premier baiser. Lentement ma langue se glisse entre ses lèvres et s’emmêlent autour de la sienne. Ce premier contact est une invitation au voyage, à la découverte de son univers, celui qui pourrait envelopper le mien avec subtilité. La foudre vient de tomber entre nos deux âmes, le tonnerre gronde dans notre enveloppe charnelle. Moi, la fille de la mère du vent, je libère mes tempêtes pour apprécier ce nouvel élan de sensualité.
La pluie fait son retour et souhaite à sa façon se mêler à la fête, petites gouttes scellent notre second baiser, nous unissant le temps d’un soupir. Je sens des perles glisser le long de mes joues, un subtil mélange de douceur et de crainte. Purifiées par cette ondée, mes pensées s’envolent. Plus rien ne me retient, mes doigts cheminent sous la chemise de cet étranger, la chaleur de sa peau m’emporte en d'autres lieux. J’entends le chant du pygargue venu hiverné à Squamish, il accompagne mon exploration de cette terre nouvelle qui m’est ainsi offerte. Derrière l’homme se cache un esprit fort, voire envoûtant. Tout en lui me rappelle que la vie doit être vécue sans aucun regret. Vaincre ses peurs pour au mieux se retrouver. Nos parcours de vie s’unissent en ce premier jour de l’année, le lien est posé. Je ne sais pas de quoi sera fait demain, mais pour l’heure je ne souhaite écouter que le volcan qui naît au plus profond de mon âme.
La pulpe de mes doigts découvre lentement le galbe de ses pectoraux avant de poursuivre leur chemin le long de ses abdominaux. Derrière chacun de ses muscles se dissimule une force insoupçonnée. Je me demande si je ne suis pas tombée amoureuse de l’étalon sauvage qui se présente aujourd’hui à moi. Un doute m’envahit que je balaie d’un revers de main. Je peux ressentir ses bras resserrer son étreinte autour de ma taille, prêt à son tour à débuter l’exploration de mon univers de volupté.
Au petit matin, je me réveille allongée aux côtés d’Amarok. Le soleil s’extirpe de la montagne. Le vent se lève encore une fois, ce n'était qu’un doux rêve. Je poursuis mon chemin et pénètre dans les bois, chacun de mes pas s’enfoncent dans le tapis de neige. Les bruits de la forêt accompagnent ma progression dans ce monde qui effraie le commun des mortels. Pourtant je ne ressens aucune crainte, je longe la paroi et effleure du bout de mes doigts les traces laissées sur la face rocheuse. À ma façon, je participe en simple invité au grand festin dans la maison longue, tous les esprits des anciens sont coincés à l’intérieur de la face rocheuse. Tant de légendes ont vu le jour en ces lieux, la grande fente dans la falaise est une marque de corrosion laissée par la peau de Soulhka, un serpent géant à deux têtes. Ses cris effrayaient la population à longueur de jours et de nuits. Alors Xwechtial reçut le défi insurmontable de tuer le monstre. Le jeune guerrier poursuivit le serpent de mer en haut de Siym Smitnit pendant quatre ans, jusqu’au jour où dans une charge héroïque il terrassa le démon. Il est grand temps de rejoindre mon père et mon grand-père pour franchir le cap de cette nouvelle année. Je ne sais ce qu’elle me réserve mais au fond de moi, une chose est sûre, dès demain plus rien ne sera pareil.
A.R
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