1.3

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Nous nous retrouvons pour le diner. Trois autres tables sont dressées. À la première, visiblement, ce sont des hommes d’affaires, plutôt âgés, et des professionnelles. La deuxième se compose de quatre couples, plus âgés que nous. Ils semblent se connaitre depuis longtemps. La troisième me fascine : cinq hommes dans la quarantaine, velus et musclés, accompagnés de trois jeunes, à peine sortis de l’adolescence. Ils sont tous vêtus de combinaisons noires en latex ou en cuir. Doron doit me retenir pour que je n’aille pas faire leur connaissance, car un parfum spécial émane de leur aspect.

À notre table, nous nous découvrons et apprenons qui sont nos partenaires sexuels, au-delà de leurs attraits.

Thomas et Charlotte viennent de Neuilly, bonnes familles, bonnes situations, lui dans la finance, elle dans l’informatique. De bons bourgeois parfaits ! Je ne connais pas trop ce milieu, mais mes deux spécimens présents me plaisent énormément, par leur simplicité et par leurs charmes.

Roxane est une belle fille, assez grande, un peu forte. On la sent solide, moins par son aspect que par son regard assuré. Elle est actrice et vient de finaliser un spectacle en one-woman-show. Trop insistants, elle nous promet un extrait, « si nous sommes sages ! ». Manon la superbe, aux yeux espiègles et bienveillants est une styliste. Elle vient de terminer sa deuxième collection, sans trouver de commanditaire. Elle vivote de petits boulots, heureusement hébergée par son amie Roxane. Curieux, nous voulons savoir si elles sont en couple. Oui, non, elles s’interrogent ! Sans se rendre compte que leurs regards nous fournissent la réponse. Malgré les coups de pied de Doron, je demande à Manon et à Charlotte de nous raconter leur première rencontre, qui fut leur éveil à toutes les deux. Se relayant, elles nous content une très belle histoire d’amour d’adolescentes, avec des détails très précis de leurs échanges. Elles en conservent un souvenir émouvant à entendre leurs voix vibrer et leurs yeux humides. Je dois dire qu’à les regarder et les écouter, mes intimes convictions d’orientation deviennent plus floues.

Bien sûr, le tour de table finit par nous. Nous reprenons notre numéro sur les Goths et notre phrase préférée dans les moments intenses : « Oh ! oui, fais-moi un petit Goth ! ». Je remarque que, sans doute portés par l’ambiance de notre petit groupe, c’est la première fois que nous parlons de notre intimité à des tiers. Cela les amuse beaucoup et nous devons détailler les circonstances. Doron parle à ma place, dévoilant mon doctorat en écologie, ce qui m’oblige à parler du sien en biologie. Nous faisons de la recherche et les thèses sont en cours.

Notre discussion tourne alors sur l’actualité. Je suis surpris, car les échanges sont bien au-delà des lieux communs habituels. Nos partenaires sont aussi des personnes riches et intéressantes. J’aime !

Après le diner, nous rejoignons notre antre. Dès le passage de porte, les vêtements tombent. Pour autant, malgré la chaleur du repas et des échauffements précédents, nous sommes toujours aussi gauches. Je propose un tirage au sort. L’un de nous au centre, les yeux bandés, tournés par les autres, jusqu’à ce qu’il ou elle tombe dans les bras d’un autre. Un petit jeu de feuille-pierre-ciseaux désigne Charlotte comme première victime. Le sort la fait tomber dans mes bras, moi qui n’ai pas révisé depuis des années ! Doron est avec Roxane et donc Manon et Thomas sont ensemble. Franchement, entre Charlotte et Manon, je ne sais laquelle est la plus jolie avec Thomas.

Charlotte m’invite gentiment à la suivre. Son physique, ses histoires d’amour et sa réputation m’annoncent un moment sublime. Je croyais tout savoir des femmes, j’en ignorais tout. Je croyais être un bon amant, je découvris des plaisirs complètement nouveaux sous sa domination. Plus je montais, plus ma préférence gay m’apparaissait trop restrictive. Son petit sourire charmeur et dominant à la fin, plus cette façon spéciale de me caresser, me firent comprendre le bonheur et le piège dans lesquels Thomas était tombé. Je pensais avoir été minable, je pensais qu’elle m’avait donné infiniment plus de plaisir que je ne lui en avais apporté. Allongée près de moi, elle murmure d’une voix douce :

— On reprend quand tu veux ! J’espère que je ne t’ai pas épuisé, car j’ai beaucoup aimé.

Comme quoi, je n’avais pas perdu ! À peine le temps de gonfler mon ego, qu’elle précise :

— Mais on voit bien que ce n’est pas ton cœur de cible ! Si tu veux prendre des cours…

Je stoppe son persiflage flatteur par un baiser dans lequel elle se laisse aller.

— Ça, au moins, c’est international ! conclut-elle.

Nous reprenons, puis nous tournons encore, toujours par deux. Nous ne sommes pas prêts pour la photo de groupe.



Jusque-là, ça va ? Tu n’es pas choqué ?

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