5/ Soirée à Portuas

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 Vrael et ses nouveaux compagnons décident de chercher un endroit où dormir avant de se mettre au travail. Ce n’est pas chose facile, les auberges de la capitale étant pleine à l’approche des élections. Ils essuient refus sur refus et finissent par échouer dans une bicoque au beau milieu d'un quartier sombre, loin des axes principaux. Mais enfin il valait mieux cela que de dormir dehors ! Vrael, qui passe le plus clair de son temps sur les chemins est ravie, un lit aussi mauvais soit-il est toujours plus confortable que le sol.

 Ils décident ensuite de profiter de la soirée, l’heure étant déjà bien avancée, trop tard pour commencer à interroger qui que ce soit. Ils déambulent donc, s’arrêtant parfois boire une choppe d’hydromel ou discuter avec des passants. Carseb comme à son habitude s’éclipse. Thanis ne manque pas une occasion de siffler de jeunes filles, ce qui fait beaucoup rire Markal, surtout quand celles-ci giflent sans vergogne le magicien.

 Ils s’arrêtent dans une taverne, et s’installent au bord de la route, à l’extérieur. L’ambiance est au rendez-vous dans le bar, les plaisanteries fusent et les rires résonnent dans la nuit. Pour la première fois de sa vie, Vrael se sent bien. Elle est entourée, ne se sent plus seul et bien que ses connaissances soient toute fraîches, elles les apprécient déjà. A ce moment précis, elle n’échangerait pour rien au monde leur compagnie. Elle lève la tête vers le ciel dégagé et respire à pleins poumons l’air frais de la nuit.

 Elle a laissé son équipement à l'auberge. Fitz centre la conversation sur la jeune femme et demande :

 "Alors Vrael, maintenant que nous avons le temps, parle nous un peu de toi. Je suis curieux d’en apprendre plus sur notre nouvelle camarade !

 Peu habituée à être sur le devant de la scène, Vrael bafouille qu’elle ne sait pas par où commencer.

 - D’où vient la couleur atypique de tes yeux et de tes cheveux ? L’encourage Fitz.

 - He bien je n’en ai jamais trop parlé... c’est un peu compliqué pour moi de me confier comme cela, on se connait à peine… bredouille-t-elle mal à l'aise.

 - A ta guise, nous ne t’obligeons à rien dit Fitz d’un ton réconfortant.

 Markal qui l’observait jusqu’à maintenant en silence prend la parole pour la sortir de cette situation gênante.

 - Tout à l'heure, j'ai regardé tes mains Vrael. Elles disent beaucoup de choses sur les gens. Tu as des mains de combattante. Tes gestes sont forts et précis, et tes mains sont abîmées à force de manier l’épée, est- ce que tu portes un bouclier au bras gauche quand tu combats ?

 - Oui, répond-elle impressionnée. Comment le sais-tu ?

 - Tu as des marques typiques sur l’avant-bras. Tu es brûlée à force du contact répété et agressif de la sangle sur ta peau. Il y a cependant une chose que je ne parviens pas à expliquer. Quel sont ces curieux tatouages que tu portes dans le creux de tes mains. Le premier est évident, mais je ne suis pas sûr de reconnaître le second ? Qu’est-ce ?

Vrael retourne ses mains et commence à expliquer. Dans sa main droite, on peut maintenant clairement distinguer des ailes de plumes tatouée à l’encre blanche. Dans sa main gauche, le même glyphe que sur son bouclier, représentant une espèce de soleil, avec un visage en son centre.

 - Le premier, dit-elle en exposant sa main gauche est un tatouage en hommage à mon dieu, Pélor, le même symbole que sur mon bouclier. C’est le dieu du soleil et c’est lui que je vénère. C’est pour lui que je me suis mise sur la route. Le second est un tatouage d’ailes de plumes, toujours en rapport avec Pélor. On dit que ses plus fidèles serviteurs sont des anges ailés, j’essaye de tendre vers cet idéal. Ce tatouage est là pour me le rappeler dans les moments difficiles.

 - Hee bhe si j’avais deux sonnettes d’alarmes dans mes mains qui gueulent à chaque fois que je fais une carabistouille, elles n’auraient pas fini de piailler ! plaisante Thanis.

 Sur ce trait d'humour, la soirée repart de plus belle. Vrael est soulagée que la curiosité de tous ne soient plus braqué sur elle.

 Fitz donne le signal du retour peu après minuit. Il faut se lever tôt et être en forme pour enquêter demain. Chemin faisant, Markal, Fitz et Thanis sont en tête. Vrael traine la patte, profitant d’un moment de solitude après cette belle soirée. Elle réfléchit. Elle qui a toujours préféré la solitude ou à la limite la compagnie de sa monture, cette bande dont elle faisait partie à présent lui faisait peur autant qu’elle l’appréciait. Elle marche, absente, se laissant guider par la torche que tient Fitz au loin.

Soudain, prise d’un réflexe surhumain qu’elle devait à ses années d'errance, elle dégaine la dague qu’elle garde précieusement sous sa poitrine. Armée de sa lame, elle pivote sur elle même, bras tendu et l'arme termine sa course sous la gorge d’un homme qui se tenait derrière elle. Aussi rapidement qu’il était apparu, en une fraction de seconde, il disparait. Une vive douleur se fait alors sentir dans son bras qui tenait la dague. Elle lâche celle-ci, dans un geste irrépresible, incapable de la maintenir tant son bras la fait souffrir. Curieusement, le tintement de l'arme sur le sol ne se fait pas entendre, et pour cause. Celle-ci se trouve désormais dans la main de l’homme, la pointe a un centimètre de son sein gauche. Elle n’a même pas le temps de crier à l’aide ou de riposter que l’homme lui dit

 - Pas mal... pour une femme de ta carrure, tu es vive.

Elle comprend au son de sa voix.

  - Carseb…

Il libère la jeune fille et questionne.

 - Pourquoi est-ce que tu te laisses distancer par le groupe, dans un quartier si mal fréquenté et en pleine nuit ? Ce n’est pas très prudent, plus d’une femme...et plus d'un homme aussi d'ailleurs, se sont faits agressées dans ces rues, informe-t-il.

 - Je n’ai pas peur, je sais me battre, pas comme les ivrognes qui violent les filles. Si tu avais été l’un d’entre eux je t’aurais coupé les couilles, grogne-t-elle en redressant sa tunique blanche.

 - Pourtant tu avais l’air en mauvaise position si je ne m’abuse, rie Carseb

 - Ça n’a rien à voir, tu m’as attrapé par surprise et tu n’es pas un ivrogne. Un soulard n’est pas vif, sournois et discret comme tu l’es, je te briserais en combat singulier.

 - Holaa du calme mademoiselle ! N’en arrivons pas à de telles extrémités ! S'offusque-t-il en souriant. Et puis d’abord, pourquoi s’épuiser en combat singulier si l'on n’est pas sûr de gagner ? Alors qu’on peut égorger une cible dans son sommeil...

 - Tu…Tu fait ça ? Demande Vrael déboussolée.

Comment un tel vaurien pouvait-il lui dissimuler son aura mauvaise s’il égorge des gens sans défense ?

 - Qui a dit que je pratique la sournoiserie ? Pas de jugements hâtifs ! Enfin quoi ! Je ne suis pas un assassin ! Un voleur, tout au plus. Mais jamais je n’ai tué quelqu’un dans mes actions, bien que j’en ai eu l’occasion, je te le jure.

Vrael à ses mots ne put réprimer un pincement au cœur. Bien que ce demi-elfe n’ait pas commis d’assassinats, il est tout de même un voleur. Cela devait expliquer son aura.

Elle prend une seconde pour se remémorer ce qu’on lui avait enseigné. Cette technique de détection du mal est subjective. Un paladin peut détecter une aura mauvaise émaner d’une personne alors qu'un autre paladin ne détectera pas, ou pas exactement la même intensité. Cela dépend de chaque individu. Aucun moyen ne permet de quantifier la limite à laquelle tel ou tel paladin détecte une aura mauvaise. Pour certain, un voleur de poule aura une aura mauvaise alors que pour d’autre non. Ce pouvoir peut être biaisé par l’affection que l’on porte à la cible. Une mère ne détectera pas forcément son fils comme mauvais même s’il dirige une guilde d’assassins. Elle est alors prise d’un doute. Les raisons qui expliqueraient l’absence d’aura autour de Carseb pouvaient donc être nombreuses.

Soit, et cette pensée l’horrifie, elle n’est plus capable de détecter les êtres mauvais.

Soit, Vrael ne détecte pas les voleurs tant que leurs larcins ne sont pas trop répréhensibles. Elle s’en voulut de hiérarchiser ainsi les crimes mais elle ne pouvait rien faire contre cela, la magie montre l’être véritable qui nous habite, elle ne ment jamais.

Dernière hypothèse, elle porte beaucoup plus d’intérêt qu’elle ne le pensait au voleur. Cette pensée ne l’effraie pas mais la trouble tout de même.

Le temps que dure cette réflexion, c’est-à-dire quelques secondes, Vrael est sortie de ses pensées par le martèlement précipité de bottes sur le sol. Fitz revient sur ses pas, appelant Vrael. Carseb, a déjà disparut. Elle prend la parole d’une voix chuchotante mais suffisament pour se faire entendre à distance

 - C’est bon Fitz, je n’ai rien, j’arrive... je rêvassai en regardant la lune.

Il ne s’arrête pas pour autant, continuant sa course jusqu’à la voir clairement. Elle lève les yeux au ciel, sans mentir, la lune est belle ce soir-là.

 - Ha bon, dit-il en froncant les sourcils. Ne traîne pas de la sorte, reste avec le groupe, ces rues ne sont pas sûr.

 - Ne t’inquiètes pas Fitz, je suis équipée en cas de mauvaise rencontre, elle accompagne ses paroles en tapotant sous sa poitrine, mais malheureusement pour elle, la dague n'est plus dissimulée sous sa tunique, partie avec Carseb. Elle se sent bête.

 - Bon très bien, de toute façon l’auberge est quelques mètres après l’angle, je vais dormir, je tombe de fatigue. Bonne nuit petite !

 - Bonne nuit Fitz.

 Il repart dans le sens inverse, en direction de son lit et d’un sommeil réparateur. Dès qu'il passe l’angle, Vrael, entend derrière elle un bruit de botte. Carseb réaparait d’un pas désinvolte.

 - Pourquoi te caches-tu de tout comme ça ? Demande-t-elle avec une pointe d'agacement.

 - Je ne me cache pas de tout... Si j’ai bien retenu une chose de mes années à vagabonder, c’est que moins les gens en savent sur moi et mes agissements, mieux je me porte. Et puis je n’aime pas vraiment la compagnie.

 - Tu as raté une super soirée Carseb, j’aurais aimé te voir parmi nous.

 - Ce n’est pas bien grave, je préfère passer mes soirées tout seul sur les toits plutôt que de ripailler à tout va. On rentre ? demande-t-il.

 - Oui allons-y.

 En lui emboitant le pas, Vrael réfléchit de plus belle. Ces paroles font directement échos à ce qu’elle ressentait depuis des années.

 - Moi aussi ces dernières années j’ai préféré la solitude aux assemblées, se confie-t-elle. Cela fait des années que je n’avais pas apprécié une si bonne compagnie.

- C’est vrai qu’ils sont agréables, je les aime bien. Fitz me laisse tranquille tant que je suis correct avec lui. Thanis et Markal m’amusent, ils se prennent souvent le bec.

 - Alors pourquoi t’esquiver à la moindre occasion ?

 - Je te l’ai déjà dit, j’aime la solitude, et s’attacher aux gens n’a jamais été une bonne chose pour moi.

 - Comment ça ?

 - Nous sommes arrivés. J'aurais été ravi de continuer cette conversation avec toi, mais nous devons nous faire discrets pour ne pas réveiller nos compagnons de chambre.

 Il ouvre la porte de l’auberge, sans laisser à Vrael le temps de répondre et l’invite à entrer. Elle s’exécute et se dirige vers la chambre qu’ils partagent tous les cinq. Elle entre dans la petite pièce où des lits ont été savamment disposés, Markal et Thanis ronflent déjà. Fitz est dans son lit mais ne semble pas encore dormir. Elle se dirige vers son lit, quitte son armure et se glisse en sous-vêtements dans son lit.

 Carseb, étant demi elfe n’as pas besoin de dormir, simplement d’entrer en stase, une sorte de méditation réparatrice pendant quelques heures Il sort de cet état second, frais et reposé.

 Tout en se préparant, Carseb ne peut s’empêcher de laisser trainer un œil discret sur Vrael, occupée à s’installer pour la nuit. D’autant plus que sa condition demi elfe lui permet de voir comme un chat dans le noir. Lorsqu’elle retire son armure, il est hébété devant la beauté de son corps. Fin, délicat mais néanmoins musclé. Il ne peut pas la quitter du regard. Un curieux élément le sort de son admiration béate. Sur ses omoplates, elle a comme deux fentes. Il est trop loin pour être catégorique, mais la peau semble ouverte à cet endroit. Elle ne suinte pas comme le ferait une blessure. En plus de cela, une ligne tatouée parcourt son corps. Faisant cinq tours de buste, le texte court sur ses côtes pour finir sous le vêtement couvrant sa poitrine. Ce détail la rendait gracieuse, sensuelle et puissante à la fois.

 Il se demande ce que ça pouvait bien être. Troublé par ce corp si harmonieux, entaché de ces deux blessures et ennivré par une soirée sur les toits terminée en beauté, il ne va pas plus loin dans sa réflexion. Il tombe rapidement dans une torpeur qu’il ne quittera que dans quatre heures.

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