21/ Parovenia

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 L’assemblée est abasourdie. L’empereur, la sentinelle Draac'Vio le puissant, les convoque. Personne ne l'a jamais vu, de mémoire d’homme en tout cas. Un mystère opaque l’entoure, lui et son île, Parovenia. Les sujets de l’empereur, principalement de puissant mages, dit-on, ne quittent que très rarement la péninsule.

 Devant l’hébétement général, Tordek dévoile un parchemin scellé, il dit :

 - Seul le gardien a le pouvoir d’ouvrir cette missive. C’est votre convocation. Elle me permet à moi, d’être sûr que j’ai bien à faire aux successeurs d’Huzumil et à vous, d’être certain que je parle au nom de Draac’Vio.

 Il tend, sans hésitation, le parchemin à Markal. Il brise le cachet qui scelle le document. Aussitôt, une voix résonne lentement dans le bureau :

 - Moi, sentinelle de l’empire, je convoque Huzumil pour lui confier une mission d’importance capitale. Rendez-vous sur Parovenia avec l’aide de Tordek, l’intendant supérieur de l’empire. Je vous attends dans les plus brefs délais.

 L'écho de la voix ne s'est même pas dissipé que le parchemin s’embrase dans la main de Markal. Il le lâche, surprit et le piétine froidement au sol. Il semble déboussolé. Tordek prend la direction de la sortie :

 - Vous êtes prêts ? Le voyage n’est pas si long, mais moins nous tardons mieux ce sera.

 - Je ne vois aucune objection à ce que nous nous rendions sur Parovenia. La mission de La Guilde est de collaborer avec l’empereur. Nous répondrons présent à son appel, déclare Fitz

 - La mission de La… ? Interroge Tordek, levant un sourcil.

 - De La Guilde répond Thanis du tac au tac d’un ton quelque peu effronté, juge Vrael. Nous avons décidé de l’appeler comme cela, Huzumil est un peu…désuet.

Sceptique, Tordek finit par dire

 - Faites comme bon vous semble... mais enfin... Huzumil ça sonne quand même mieux à mon avis… En route ?

 - Oui répondent en cœur Fitz, Markal et Vrael.

 Elle est excitée à l’idée de rencontrer l’empereur et de se rendre sur Parovenia. Ce qu’elle et ses amis s’évertuent à mettre sur pied prend tout son sens. Ils vont collaborer avec la sentinelle, l’entité la plus puissante de l’empire, Draac’Vio le Puissant ! Fini les petites missions, ils pourront faire de grandes choses. Son dur entraînement, dans le plan céleste, contre les créatures infernales lui sera peut-être plus utile qu'elle ne le pensait finalement !

 Euphorique, elle est brutalement tirée de sa joie par la mine sombre et fermée de Markal. Elle s’en veut de ne penser qu’à elle et se force à faire preuve d’empathie. Le guerrier devait se sentir angoissé à l’idée de rencontrer la sentinelle. Après tout, c’est son prédécesseur, qui a abattu Maragnus le Juste. Huzumil, représenté par son gardien, et les sentinelles entretiennent un lien étroit depuis des milliers d’années. La rencontre avec Draac'Vio est un poids immense qui vient de s’abattre sur les épaules du pauvre Markal.

 Alors que tout le monde se dirige vers la sortie, Vrael le coince dans le bureau. Profitant ainsi d’un instant de répit et d’intimité, elle lui saisit tendrement le bras. Elle sait que Markal, tout aussi fort qu’il soit, est facilement déstabilisé par l’ampleur de la mission de gardien. Elle sait aussi, que bien souvent, un petit mot délicat l’aide à reprendre confiance en lui.

 - Markal, tout va bien ?

 - Mhm, répond-il laconiquement.

Ne sachant pas comment interpréter cette réponse sommaire, elle continue

 - J’imagine très bien ce que tu penses en ce moment. Sache que je crois en toi, nous croyons tous en toi. Tu as été choisi, souviens-toi des mots de Maurose! Tu es digne et légitime, lève la tête et ressaisis-toi !

 - Merci, dit-il en la regardant dans les yeux.

 Il sourit à présent, les mots de la jeune fille ont fait mouche.

 - Allons-y ! L’empereur nous attends ! Annonce la jeune fille.

 Ils se dirigent vers la porte. Vrael lâche le bras de son ami. Ils rattrapent le groupe qui les avait distancé d’une vingtaine de mètre. Tous ensemble, ils progressent vers la sortie et l’air libre.

 Arrivés à la lumière du jour, les aventuriers ne remarquent aucun moyen de locomotion. Pas de chevaux, pas de voiture pour les transporter. Seulement deux colossaux golems de pierre. Ils tirent leurs armes, prêts à se battre.

 Les golems sont des créatures façonnées par un puissant mage. Celui-ci faconne les créatures à l'aide d'un des quatre éléments puis leur insuffle vie. Ce sont des monstres redoutables, dénués de conscience ils ne reculent devant rien tant que leur mission n’est pas achevée. Il est très dur de les tuer, étant donné qu’ils n’ont pas d’organes vitaux. Les deux créatures présentes sont particulièrement imposantes. Mesurant environ trois mètres de hauteur, leur peau rocailleuse craque à chacun de leur mouvement. Ils ont une forme vaguement humanoïde, avec des bras démesurément grands et épais, ils touchent presque le sol. Tordek calme la troupe en prenant la parole :

 - Il n’y a aucun danger ! Ces golems sont avec moi, ils assurent ma sécurité…et bien plus. »

 Le nain se met aussitôt à psalmodier dans un langage inconnu de Vrael. Au commencement de la litanie, les golems se raidissent et se rapprochent l’un de l’autre. Ils élèvent leurs longs bras vers le ciel et joignent leur main. Le spectacle aurait paru grotesque si un craquement suivi d’une détonation assourdissante n’avait pas suivi la rencontre de leurs doigts. A présent, un feu bleuté crépite dans l’espace formé entre le sol, le corps des golems et leurs bras. Devant les yeux ébahis des cinq amis, un portail vient de se former :

 - C’est le seul moyen d'arriver rapidement sur Parovenia, explique Tordek. La navigation prend beaucoup de temps, et très peu d’embarcations ont le droit d’aborder les plages de l’île. Avec les golems de transport, nous arrivons directement à l’entrée de la citadelle.

 L’intendant continue de commenter cet étrange phénomène sur un ton enjoué.

 - C’est un moyen très sûr de sécuriser l’accès. Les habitants de Parovenia sont les seuls à pouvoir activer le portail, et les golems se défendent farouchement, si un autre mage que nous essaie d’ouvrir la porte. De toute façon, nous ne nous servons de ce système que très rarement. Pour tout vous dire, je ne l’ai utilisé que quatre fois. On dit que du temps d’Huzumil, très régulièrement les golems de transport étaient utilisés pour des audiences avec la sentinelle…Après vous, je vous en prie. Le fonctionnement n’est ni plus ni moins le même que celui d’un portail classique, marchez droit devant vous et nous nous retrouvons dans un instant de l’autre côté.

 Derrière la membrane de lumière bleue, Vrael arrive en troisième position, entre Markal et Thanis. Ils sont au sommet d’une colline de belle taille, battue par le vent. Celle-ci est surmonté d’une citadelle, un impressionnant complexe de plusieurs étages. Le palais est massif, au sens où Vrael compte cinq étages, mais pas imposant pour autant, au contraire. D’architecture épurée et aérienne, l’ensemble est harmonieux.

 En se retournant, Vrael se retrouve face à la mer. De l’eau à perte de vue. L’endroit où ils ont été téléportés étant très en hauteur, la vue est à couper le souffle. D’autant plus qu’une étrangeté attire son attention. L’île est entourée par la mer certes, mais au bout d’une centaine de mètres l’eau disparaît pour laisser place à une bande circulaire de...

Vide...se dit la jeune fille

  La péninsule est entourée d’une ceinture d'air de quelques dizaines de mètres estime-t-elle, passé cet anneau la mer s’étale à l’horizon.

 Tordek ne tarde pas à les rejoindre, ainsi que les deux Golems. Ils se matérialisent sur place, comme s’ils étaient eux aussi passés à travers leur portail. Aussitôt apparus à leurs côtés, les créatures disparaissent purement et simplement, se transformant en voile vaporeux.

 - Nous voici sur Parovenia, commence Tordek. Derrière vous, c’est la citadelle. C’est d’ici que Draac'Vio veille à la bonne harmonie du monde connu en tant que sentinelle. A ce titre, il supervise les allers et venues extra-planaires. Une assemblée de vingt hauts dignitaires fait respecter l’ordre et dirige l’empire. En contre-bas, continue-t-il en se retournant vous pouvez apercevoir des champs en terrasse. Ils sont principalement cultivés et entretenus par magie, les hauts dignitaires et moi-même sommes des mages puissants. Je n’aime pas me vanter de la sorte, mais tous les habitants de cette île font preuve d’une faculté exceptionnelle à manipuler les arcanes. Ces champs assurent notre subsistance ici.

 - Et ce curieux phénomène dans la mer ? Coupe Vrael sans pouvoir retenir sa question.

 Penaude, elle s’excuse maladroitement auprès du nain

 - J’allais y venir, jeune fille. Cette barrière a été installé après la mort de Maragnus le juste.

 A la mention de l'ancienne sentinelle, Markal ressent comme un coup à l’estomac. Il recule inconsciemment, brisant la ligne formée par Tordek et ses compagnons. Le nain remarque son attitude et poursuit :

 - Gardien, ne vous en faites pas, Huzumil à expié sa faute, voilà mille ans qu’elle a été dissoute. Draac’Vio est appelé le Puissant, pas le Rancunier. Vous n’avez rien à craindre.

 Le guerrier reprend sa place dans la ligne.

 - Ainsi disais-je, cette barrière a été mise en place à la mort de Maragnus. Les hauts dignitaires, dont je ne faisais pas encore parti, je n'ai que deux cents vingt ans, étaient à l’époque dans le flou le plus total… Aujourd’hui toujours d’ailleurs, mais il faut bien pardonner un jour. Toujours est-il que pareil acte, l'assassinat de Maragnus par le gardien était absolument insensé. Sur le point de triompher des plans infernaux, l’entité la plus puissante du monde connu venait de se faire tuer. Parovenia craignait donc un soulèvement de la population, mené par Huzumil qui venait d’assassiner la sentinelle. L’île s’est donc retranchée derrière cette barrière magique. Impossible de la traverser, à moins d’être un dragon ! Plaisante le nain. Maintenant, vous comprenez pourquoi la navigation est interdite dans la zone. Un accident serait regrettable, plusieurs centaines de mètres séparent le fond de l’océan de la surface de l’eau…Bien ! Nous allons entrer dans la citadelle, Draac’Vio vous attends.

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