Chapitre 6

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Par Julien Neuville: https://www.atelierdesauteurs.com/author/559679119/julien-neuville

*

Charlotte s'approcha du bureau, un grand modèle en bois verni sur lequel trônait un sous-main plastifié représentant une carte du monde verte, surmontée du logo InVivas, une forme rappelant vaguement une pilule, qui aurait tout aussi bien pu être un bonbon, ou un testicule.

Ce n'est pas parce que tu n'en as pas vu depuis un an qu'il faut en voir partout, ma belle.

  • Ouais, merci Parlotte, chuchota-t-elle.

Charlotte avait ainsi baptisée sa petite voix intérieure, celle qui prenait un malin plaisir à lui rappeler l'existence de ses carences, ses doutes et ses culpabilités. Elle se pencha à hauteur du sous-main, de façon à ce que la lumière qui inondait la pièce par la baie vitrée ne brille plus dessus, et distingua, comme le lui avait indiqué la légiste, une petite trace de sang, une gouttelette coupée en deux. Liliane avait raison: quelque chose était sur le bureau, quelque chose qui avait été éclaboussé puis retiré.

Elle sortit de nouveau dans le couloir, et se dirigea vers Julie, la femme de ménage, toujours sur sa chaise. Elle ne vit pas Charlotte tout de suite, la tête baissée, les yeux jetant des coups d'oeil qui se voulaient discrets en direction du directeur adjoint, qui l'ignorait totalement, le nez penché sur son téléphone.

  • Julie, j'ai encore une question à vous poser.
  • Euh, oui ?
  • Lorsque vous avez trouvé le corps de votre patron, avez-vous remarqué quelque chose de particulier dans la pièce ? Quelque chose qui aurait disparu ?

La jeune femme se mordit la lèvre en secouant la tête.

  • Je ne sais pas, je...j'étais tellement...
  • Hey, regardez-moi. Je sais comment ça marche, OK ?, reprit Charlotte en baissant la voix, de façon à n'être entendue que par son interlocutrice. Je sais ce que c'est que de trouver un cadavre, et je ne doute pas un instant que vous soyez remuée. Par contre, je n'ai aucun doute non plus sur deux choses, et je sens que l'une des deux ne va pas vous plaire.

Julie leva les yeux, bordés de larmes, les lèvres pincées en une moue contrite.

  • La première, c'est qu'avec votre expérience, à nettoyer ces bureaux chaque jour, vous connaissez l'emplacement du moindre objet, et qu'un coup d'oeil vous suffit pour remarquer ne serait-ce qu'une cacahuète qui aura glissé sous le bureau. La seconde, c'est qu'il se passe quelque chose entre vous et monsieur Bianchi, et que vous avez tout intérêt à me dire quoi.

Charlotte pivota légèrement, de façon à ce que le directeur adjoint ne puisse voir le visage de la femme de ménage. Cette dernière souffla doucement, puis releva la tête.

  • Je ne veux pas d'ennuis, je vous jure que je n'ai rien à voir là-dedans. S'il apprend que je vous ai parlé...je peux tirer un trait sur mon boulot...c'est que...
  • Écoutez, je ne vous garantis rien, mais je ferai le maximum, si tant est que vous soyez innocente, pour limiter les éclaboussures. Sachez que la vérité finit toujours par éclater, donc vous n'avez que deux solutions: nous en donner un aperçu et passer pour quelqu'un qui a collaboré efficacement, ou bien vous taire et ajouter la complicité à votre éventuel licenciement. Je ne vous garantis pas que vous garderez votre job, mais à quoi vous servira la fierté de ne pas avoir craché le morceau une fois entre quatre murs ?

Julie ouvrit la bouche, une fois, deux fois, et finit par murmurer:

  • Nicolas m'a demandé de...
  • PU-TAIN !

Nicolas Bianchi avait bondi, les yeux écarquillés rivés sur son portable.

  • Monsieur Bianchi, s'agaça le lieutenant, ça vous ennuierait de baisser d'un ton ?
  • C'est...c'est une catastrophe...

Son visage avait blêmi, il secouait la tête en marchant de long en large dans le couloir.

  • Antho, glissa Charlotte au jeune officier près de la porte, reste avec cette jeune femme avant de raccompagner Liliane, je reviens.

Elle prit le directeur adjoint par le coude et l'entraina quelques mètres plus loin, avant d'ouvrir la première porte qu'elle trouva. Après avoir jeté un oeil à l'intérieur, découvrant une petite salle meublée d'un canapé, d'une table basse et d'un coin cuisine, elle le fit asseoir.

  • Bon, vous vouliez mon attention, je crois que vous l'avez, monsieur Bianchi.
  • Vous ne comprenez pas. À côté de ce que je viens d'apprendre, la mort de monsieur Marhic est comme un SDF de plus dans une ville comme Paris: on s'en fout.
  • Ça vous ennuierait d'être plus clair ?
  • Regardez, dit-il en lui tendant son portable.

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